Mis à jour le : 9 avril 2024 / Publié le : 24 octobre 2016
Plaidoyer pour une lecture éthique
Le linguiste Alain Bentolila a ouvert, le 12 octobre dernier, à Paris, le nouveau cycle de conférences-débats de l’ISP-Faculté d’éducation. Il y a défendu l’importance de la maîtrise de la langue pour permettre aux jeunes de former leur pensée.
Par Jean-Louis Berger-Bordes
Cliquez sur le player audio ci-dessus pour écouter l'intégralité de la conférence.
Amphi plein et attention soutenue pour l’ouverture, le 12 octobre dernier, du 18e cycle de conférences-débats de l’ISP, la faculté d’éducation de l’Institut catholique de Paris.
Alain Bentolila, professeur de linguistique à Paris-Descartes, y abordait un sujet qui lui tient à cœur : « Le verbe contre la barbarie ». Ce spécialiste de la lecture a insisté sur l’importance d’une École mobilisée pour « apprendre à comprendre ». Les dernières enquêtes sur l’illettrisme montrent en effet que depuis les années 90, les élèves en difficulté de lecture qui autrefois ânonnaient cèdent le pas à ceux « qui piquent trois mots dans le texte et inventent une histoire différente ! » La faute en reviendrait à une École qui a accepté « pendant quarante ans que les élèves apprennent à lire en tâtonnant ». Il est désormais de première importance « d’apprendre ce que sont les droits et devoirs d’un lecteur ». Et le conférencier de souligner l’importance de l’apprentissage d’une « lecture éthique, entre profond respect de l’auteur et audace de l’interprétation ». Au risque sinon de cultiver un dangereux terreau de « vulnérabilité pour ceux qui veulent manipuler la jeunesse » a-t-il souligné, en écho à une tragique actualité. Dès lors, s’il est acquis que « le verbe est ce qui caractérise l’homme pour faire passer sa pensée dans l’intelligence d’un autre… », encore faut-il maîtriser le vocabulaire et la grammaire. Or « en arrivant en cours préparatoire, alerte Alain Bentolila, le rapport entre les enfants qui connaissent le plus de mots est de 1 à 6, soit de 200-250 mots à 1250-1500. Mais comment dire le monde et comprendre l’autre avec 250 mots ! »
Le conférencier a enfin appelé à « un combat pour la lecture autonome des textes sacrés, qui sont des récits avant tout. Je demande à l’École, y compris laïque, de s’emparer des textes fondateurs de toute provenance, et de regarder vers le haut, même si le ciel est vide. Si on ne le fait pas, comment dire que ce sont les rituels qui nous séparent et les récits fondateurs qui nous réunissent. Si l’on comprend cela, nous pourrons vivre ensemble ».
Issu du magazine Enseignement catholique actualités n° 375, octobre - novembre 2016, p. 25
Pour aller plus loin
- Les derniers ouvrages d’Alain Bentolila :
Le verbe contre la barbarie (Odile Jacob, 2007) et Reprenons nos esprits ! Comment résister à l’imbécillité heureuse (First, 2016).
- A lire aussi : La pédagogie Roll pour lire mais aussi comprendre mieux