Mis à jour le : 10 janvier 2017 / Publié le : 17 octobre 2016
Et si l’on enseignait le « savoir-être » – connaissance de soi, estime de soi, gestion des conflits, créativité, coopération – dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité des enfants ? Car si l’orthographe et l’algèbre sont incontournables, la « grammaire des émotions » est elle aussi nécessaire pour être en relation de façon juste, équilibrée et libre.
L’être humain est fait « pour » et « par » la relation
Il suffit de se regarder dans une glace : des yeux, des oreilles, une bouche, des bras et des jambes… Le corps est un moyen extraordinaire pour entrer en relation.
Allons un peu plus loin et prenons conscience de la place qu’occupent nos relations au quotidien : à la maison, avec nos proches, sur notre lieu de travail, dans les associations que nous fréquentons : nous passons le plus clair de notre temps en relation avec les autres : par la parole, l’écrit, ou notre simple présence physique.
Enfin, quelle variété de situations il nous faut « gérer » : relations amicales, amoureuses, contractuelles, collaboratives, hiérarchiques, conflictuelles…
Si nous sommes faits pour la relation, nous sommes également faits par elle : ce sont – en résonance avec les caractères innés que nous recevons à la naissance – les relations que nous avons vécues et que nous vivons qui nous façonnent : les relations de qualité vécue par l’enfant seront pour lui un atout une fois devenu adulte et nous savons combien la qualité des relations que nous tissons avec notre entourage contribue grandement à notre bonheur… ou notre malheur.
Avoir des relations de qualité n’est pas naturel !
Nous aspirons tous à tisser des relations de qualité avec notre entourage. Et pourtant, combien il nous est difficile d’y parvenir !
Thomas d’Ansembourg, dans son livre « Cessez d’être gentil, soyez vrai », explique combien nous sommes prisonniers de ce manque de savoir « être » en relation. Nous cherchons le plus souvent à être gentils avec les autres « pour que les choses se passent bien » et ce, au prix de la vérité qui nous habite ou de ce que nous sommes réellement.
« Nous n’avons pas appris la ‘grammaire des émotions’… et la société tout entière en paie le prix »
Face à une situation de tension ou une difficulté relationnelle, la tentation est souvent grande de fuir, d’agresser, ou de manipuler. Combien de personnes entendez-vous dire : « Je ne dis rien parce que je ne veux pas faire de conflit » ? Combien prennent le pouvoir dans un groupe, parce que personne n’ose parler ou contredire ? Combien de colères rentrées qui parfois explosent tout à coup ?
Le plus souvent, nous n’avons même pas conscience de ce qui se joue en nous : colère, joie, tristesse, peur, angoisse… nous n’avons pas appris la « grammaire des émotions ». Nous faisons comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes… et nous en payons le prix. Et la société tout entière en paie le prix.
Pour une véritable éducation à la relation
Depuis les travaux de Marshall Rosenberg et Carl Rogers sur la communication interpersonnelle, de nombreux outils se sont développés qui sont aujourd’hui utilisés dans les formations pour les entreprises : connaissance de soi, estime de soi, gestion des conflits, créativité, coopération…
Il est plus que temps que ces savoir-être soient enseignés dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité des enfants, afin qu’ils acquièrent ces compétences indispensables à nos sociétés.
C’est une belle mission pour l’école catholique qui répond ainsi à sa vocation : « La contribution que le catholicisme peut apporter à l’éducation et au dialogue interculturel est sa référence à la centralité de la personne humaine, qui trouve dans la relation sa dimension constitutive.
L’école catholique, qui a Jésus comme fondement de sa conception anthropologique et pédagogique doit pratiquer la « grammaire du dialogue » non comme un expédient techniciste, mais comme modalité profonde de la relation. »
Penser la relation entre les groupes, les instances, les cultures
Mais nous ne serons pas quitte de cette mission une fois que nous aurons permis aux futurs adultes de maîtriser cette grammaire nouvelle de la relation.
Il s’agit d’aller plus loin en questionnant la façon dont se vivent nos relations dans les groupes, les établissements, entre établissements, dans l’institution et entre institutions et, osons le dire entre les cultures.
Là aussi, des « outils » existent et méritent d’être explorés : nous aurons l’occasion de présenter différentes méthodes qui permettent de vivre cette relation entre les groupes humains.
Notre pape François l’a redit « Nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature et à l’environnement sans assainir toutes les relation fondamentales de l’être humain».
Des initiatives naissent pour que la relation soit au cœur de l’éducation, à l’école et à la maison : Réseau Ecole et non-violence, l’Atelier des parents, l’Association pour la communication non-violente à l’école, l’éducation à la relation, dans certains établissements ou dans certains diocèses…
Nous ne sommes qu’au début de cette formidable aventure dont l’enjeu est bien de remettre l’Homme au cœur de son humanité.
L’éducation à la relation commence par apprendre à mettre des mots sur ses émotions, ses besoins et ses désirs, pour mieux aller vers l’autre, l’accueillir dans une attitude d’écoute et d’ouverture au dialogue.
Enseigner avec la bienveillance : instaurer une entente mutuelle entre élèves et enseignants. Editions de Jouvence.
« Lettre ouverte à ceux qui veulent changer l’école ». Bayard, 2007
« Est-il encore possible d’éduquer ? » Les éditions de l’atelier. 2007
« Qui fuis-je ? Où cours-tu ? A quoi servons-nous ? » Vers l’intériorité citoyenne - Les Editions de l’Homme. Montréal, 2008.
«Cessez d’être gentil, soyez vrai», Être avec les autres en restant soi-même – Les Editions de l’Homme.