Réforme de la taxe d’apprentissage

En vigueur depuis le 1er janvier 2015, une nouvelle répartition de la taxe d’apprentissage privilégie le développement des centres de formation d'apprentis. Les formations professionnelles qui n’en relèvent pas s'interrogent, alors que de nouvelles expérimentations sur la redistribution de cette taxe sont engagées.

Par Aurélie Sobocinski

L’enjeu principal de la réforme de la taxe d’apprentissage tient dans la nouvelle répartition de ses produits. « Les régions contrôlent désormais 51 % des fonds (contre 43 % précédemment) et de petits lycées, qui bénéficiaient d’un apport direct des entreprises, sont fragilisés », souligne Jean-Marc Petit, responsable de la formation professionnelle au Sgec et délégué général de Renasup. « Le clignotant d’alarme réside dans la réduction de la part du hors quota affectée aux formations initiales hors apprentissage qui passe à 23 %. Avec la disparition du cumul entre les différentes catégories qui s’y ajoute, les grands perdants sont les lycées professionnels sans section d’apprentissage ni BTS, confirme Bernard Michel, président de l’UNETP. Pour eux, la baisse de la collecte s’élève en moyenne à 30 %, soit 30 à 60 000 € de perte, selon leur taille.»

Le lycée professionnel La Fontaine à Faverges (74) est de ceux-là. «Mécaniquement, avec la réforme, c’est 28 % de la taxe d’apprentissage qui a disparu, soit 35 000 €, regrette le chef d’établissement Grégory Coster.  Faute de financements suffisants, le risque est réel d’un appauvrissement de nos plateaux techniques ». Pour « retrouver une marge de manœuvre financière », il envisage un développement du post-bac via la création de BTS par apprentissage ou par contrat de professionnalisation.

Culture de projets

Une situation d’autant plus difficile que « la taxe d’apprentissage agit comme un régulateur en matière de mixité sociale, souligne Nathalie Souhart, directrice des relations avec les écoles à ASP (Au service de la profession), membre d’Octalia. Sans cet apport, les familles sont davantage sollicitées. » Au sein de l’association Formation et Métier de Marseille qui réunit quatre petits lycées professionnels et deux CFA, la baisse du hors quota s’élève à 32 % soit 210 000 €, selon Jean-François Bessières, directeur général de l’association. A contrario, la partie CFA a gagné plus de 300 000 €. « Aujourd’hui j’ai deux lycées en très sérieuses difficultés financières. Aucune classe n’a été fermée et le niveau de contributions des familles reste inchangé, mais nous avons dû supprimer deux postes administratifs et devons nous battre pour préserver nos moyens pédagogiques aujourd’hui au niveau régional, dont nous dépendons aussi pour le forfait et les subventions de fonctionnement. »

Avant et après la réforme : la nouvelle distribution des produits de la taxe d'apprentissage

Dans ce nouveau contexte, le réseau doit s’organiser au niveau régional (Caec, Crec). « Un travail de mutualisation interne, pour ne pas laisser les plus petits établissements au bord de la route, et de collaboration avec les grandes régions, s’impose », souligne Bernard Michel. « Nos établissements doivent être capables de répondre aux appels à projets et de penser la formation professionnelle comme un tout intégré articulant formation initiale par la voie scolaire et par apprentissage mais aussi formation initiale et continue… », insiste Jean-Marc Petit, qui invite notamment à se rapprocher des instances comme les Crefop, Copanef et Coparef.

« La façon dont nous entrons en relation avec le monde des entreprises doit aussi être professionnalisée, observe Jean-François Bessières. Il faut travailler à un fléchage systématique des fonds versés par les entreprises vers nos établissements. » L’enjeu est d’autant plus fort qu’à terme, selon les nouveaux textes réglementaires, les entreprises devront verser l’ensemble de leur taxe au même collecteur que celui de leurs fonds de formation continue.

 

L’apprentissage en chiffres

Avec 21 667 apprentis, l’enseignement catholique représente environ 5 % des effectifs nationaux de l’apprentissage. Un chiffre en hausse de 3 % par rapport à 2014 dans un contexte de stabilité globale des effectifs.

Une expérimentation sur les fonds libres

Dans le cadre de la dynamique « Ensemble pour l'emploi », fruit d’une collaboration entre le gouvernement et Régions de France une expérimentation sur les fonds dits libres de la taxe d’apprentissage est engagée.
Son objectif est de tester l'impact d'un rôle décisionnel des régions, en Bretagne et Hauts de France, auprès des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (OCTA).
Le rôle décisionnel des régions impactera les fonds libres de la fraction « quota » et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA) pour mieux garantir le financement de l'apprentissage, au plus près des besoins de formations et des bassins d'emplois. L'expérimentation est menée sur les exercices de collecte 2017 (au titre de la masse salariale 2016), 2018 (au titre de la masse salariale 2017) et 2019 (au titre de la masse salariale 2018).
Les entreprises assujetties à la taxe d'apprentissage et à la CSA se libèrent de ces impositions auprès d'un OCTA. Celles qui n’ont pas choisi d'affecter à un établissement la part«quota» ou «horsquota» de leurs obligations voient ces sommes ventilées par l'OCTA, selon des modalités que celui-ci détermine. Les OCTA transmettront leur proposition de répartition territoriale avant le 15 mai de chaque année aux Régions qui indiquent des CFA bénéficiaires vers qui les OCTA verseront des fonds avant le 15 juillet.
À l'issue de l'expérimentation, un bilan, établi au 31 décembre 2019, sera présenté au CNEFOP (Conseil National de l'Emploi, de la Formation et de l'Orientation Professionnelles). Un rapport sera remis au Parlement avant le 1er juillet 2020.

Partagez cet article

>