Sur la pédagogie de groupe…

Faute de moyens, la mise en place des groupes de niveau ou de besoin en 6e et 5e sera difficile dans certains collèges. Mais au-delà des problèmes d’organisation, les participants à la journée nationale sur le Choc des savoirs, organisée par le Sgec le 22 mars dernier à Montrouge (92), se sont aussi interrogés sur leurs dimensions pédagogiques et éthiques.
Un webinaire prolongera la réflexion le 6 mai prochain à 17h30 (infos à venir dans l'agenda du site).

Mireille Broussous

Les établissements catholiques ne comptent pas dans leurs classes que de bons ou très bons élèves. « Les évaluations menées en début de 6e dans tous les territoires montrent que 15 % de nos élèves sont faibles en français et 20 % en mathématiques ! », a annoncé Yann Diraison, adjoint au secrétaire national de l’Enseignement catholique, en ouverture de la journée sur « L’organisation de la gestion du collège », qui s’est déroulée à Montrouge (92) le 22 mars dernier. La volonté de l’Enseignement catholique d’élever le niveau des collégiens rencontre donc bien celle du « Choc des savoirs » mais la mise en place de groupes de niveau ou de besoin fait question comme ont pu en témoigner aussi bien le Pôle Éducation du Sgec, organisateur de la Journée, que la cinquantaine de participants (directeurs diocésains, chargés de mission, chefs d’établissement, enseignants).

« Comment articuler cette réforme qui mise sur la transmission du savoir et le développement des compétences ? Que deviendra le groupe classe quand des groupes spécifiques seront formés en français et en mathématiques ? Et quid de la souplesse permettant de passer d’un groupe à l’autre ? », s’est interrogée Nathalie Tretiakow, adjointe au secrétaire générale et responsable du Pôle pédagogique au Sgec. Sur le terrain, les questions se bousculent. « Dans mon collège-lycée, nous avons trois classes par niveau et simplement deux profs de maths et deux profs de français. Créer des enseignements en barrettes pour mettre en place les groupes sera donc difficile », a expliqué Véronique Esculier, cheffe d’établissement du groupe scolaire Notre-Dame-de-la-Paix, à Lille. Faut-il, par ailleurs, faire table rase de ce qui existe depuis des années dans l’établissement ? « Si nous mettions en place ces groupes, nous ferions moins bien qu’aujourd’hui », a-t-elle poursuivi lors d’une table ronde. Car en 6e des groupes de renforcement existent déjà en maths, français et lecture à raison d’une heure tous les vendredis. Ils ne sont pas « figés », les progrès des élèves sont évalués régulièrement et ces derniers sont consultés sur les points qu’ils doivent renforcer. Mettre en place des groupes tels que prévus par le Bulletin officiel signifierait aussi supprimer l’option bilangue pour « récupérer » des heures. « Nous sommes en pleine réflexion, nous devrons faire des choix et explorer encore plus notre liberté pédagogique », a estimé Véronique Esculier.

Effet Pygmalion

Des interrogations ont aussi émergé autour de l’évaluation. « Si un élève d’un groupe faible obtient de bonnes notes car il est évalué sur sa propre progression, les parents nous demanderont qu’il passe dans le groupe supérieur mais ces notes ne signifient pas nécessairement qu’il a acquis un niveau suffisant… Par ailleurs, quels seront les attendus disciplinaires pour les élèves des groupes faibles ? », a exposé Brigitte Bernou, cheffe d’établissement du groupe scolaire Montalembert de Nogent-sur-Marne (94).

Les groupes posent aussi un problème éthique. « Il ne faut pas sous-estimer la puissance du regard que porte l’enseignant sur ses élèves et son effet Pygmalion. Or, préserver la capacité d’étonnement des professeurs qui enseigneront au groupe estampillé “faible” sera un enjeu difficilement tenable. Par ailleurs, les élèves du groupe faible et ceux qui bénéficient d’un PAP seront, à coup sûr, les mêmes. Est-ce cela l’inclusion ? », s’est indignée Brigitte Bernou.

Plus que jamais, la créativité des équipes pédagogiques est sollicitée pour préserver la confiance des élèves en eux-mêmes et celle des parents dans l’École. « Nous pouvons fort heureusement nous appuyer sur nos pratiques reconnues d’accueil et d’accompagnement, et sur notre liberté pédagogique », a rassuré Nathalie Tretiakow.

BO, postes et organisations possibles

Faute de financements complémentaires attendus, l'Enseignement catholique ne dispose que de 370 postes pour déployer les groupes de niveau ou de besoin dans ses établissements.

Les préconisations du Sgec pour renforcer la différenciation pédagogique autrement qu'en systématisant les groupes au collège,

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