Plan Étudiants : quels enjeux ?

La concertation sur les modalités d’accès à l’enseignement supérieur a abouti à un plan Étudiants dont les grandes lignes ont été dévoilées lundi 30 octobre et qui sera présenté en conseil des ministres le 22 novembre 2017.
Il ambitionne de réduire l’échec en licence en développant le sur mesure, met fin à la pratique du tirage au sort, propose un nouvelle plateforme remplaçant APB et renforce l’accompagnement à l’orientation en lycée.
Sa mise en œuvre sous-tend d’importants enjeux analysés ici avec Renasup, réseau des établissements catholiques proposant des formations post-bac.

Par Aurélie Sobocinski

Le premier ministre Edouard Philippe entouré des ministres de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale, Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer. ©A.S.

Manque de places et de moyens, échec à plus de 60% en licence, tirage au sort… Face à une massification de l’accès à l’enseignement supérieur « restée collectivement impensée » (8 fois plus d’inscrits en 50 ans et 200 000 étudiants supplémentaires attendus dans les 5 ans) et à ses conséquences « brutales et profondément inégalitaires », le gouvernement a proposé le 30 octobre une réforme d’ampleur à l’entrée à l’université pour 2018.

Y consacrera-t-il assez de moyens et le temps nécessaire ? Après la présentation par le premier ministre Edouard Philippe et les ministres de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale, Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer, de ce « Plan Étudiants » issu de la concertation lancée depuis juillet dernier avec les représentants de la communauté éducative, de nombreuses précisions sur les modalités de mise en œuvre et de financement restent attendues d’ici au 22 novembre, date à laquelle le projet de loi relatif à l’accueil et à la réussite des étudiants en licence sera présenté en conseil des ministres. L’objectif du gouvernement est de réduire l’échec en licence en faisant davantage de sur mesure tout en mettant fin à la sélection brutale du tirage au sort qui départageait jusqu’ici les candidats à l’entrée dans certaines licences en tension. Une nouvelle plateforme remplacera dès janvier prochain l’algorithme Admission Post Bac (APB).

En voici les principaux axes :

1/ Une orientation renforcée dès le lycée

Pour aider les élèves à se décider dans la multitude de formations existantes et à mûrir leur projets d’études, il y aura désormais deux professeurs principaux dans chaque classe de terminale dès décembre 2017 –« l’un et l’autre rémunéré également, sous la forme d’une ISO majorée », a précisé Jean-Michel Blanquer.

De plus, 3 000 étudiants « ambassadeurs », seront prochainement recrutés sous la forme de contrats de service civique, afin d’informer dans les lycées sur les formations et le fonctionnement de l’université.

Autre nouveauté de la réforme, le conseil de classe voit également son rôle accru en terminale : dès le mois de décembre, ce dernier pourra émettre de premières recommandations et donner officiellement à la fin du 2e trimestre un avis sur les choix d’orientation du lycéen qui sera transmis aux établissements d’enseignement supérieur auxquelles il a candidaté. Deux semaines « de l’orientation » seront également organisées en terminale en décembre et en février.

Des enjeux de formation et de mobilisation

« Face aux compétences accrues requises au sein des équipes, Renasup envisage la mise en place prochaine d’un dispositif d’aide dans l’exercice de cet accompagnement en terminale ainsi que de nouveaux développements dans le MOOC de formation à l’orientation initié avec Formiris », explique Jean-Marc Petit, son délégué général. Ce dernier pointe aussi un autre enjeu de taille : celui de mobiliser les enseignants afin de trouver, d’ici au mois de décembre, les 3000 volontaires nécessaires au doublement des professeurs principaux en classe de terminale…

2/ Des parcours post-bac « personnalisés » 

« Entre la sélection brutale et le tirage au sort, il existe une nouvelle palette de solutions qui repose sur l’engagement des enseignants, des enseignants chercheurs et des étudiants des années supérieures pour accompagner les néo-entrants à l’Université », a expliqué Edouard Philippe. En instituant la possibilité pour les universités de répondre « oui si », la réforme conditionne l’accès à la licence demandée au suivi d’un dispositif d’aide à l’acquisition des « prérequis ». Dans chaque université, des directeurs d’études –principalement des enseignants-chercheurs- définiront avec les étudiants un parcours sur mesure inscrit dans un contrat de réussite pédagogique. Un étudiant pourra ainsi réaliser sa licence à différentes vitesses, en deux, trois ou quatre ans.

Un enjeu partenarial

Si l’organisation de ces dispositifs ad hoc relèvera de la responsabilité de chaque université, ils pourront être assurés par des établissements partenaires à l’image de dispositifs déjà existants comme les CPES.
(Ces classes préparatoires aux études supérieures
classes préparatoires aux études supérieures permettent à des élèves titulaires d'un bac général, voire technologique et professionnel, de se préparer pendant un an à l'entrée en CPGE (classe préparatoire aux grandes écoles) ou à des études dans l'enseignement supérieur.)

3/ La fin du classement des vœux

Un nouvel outil d’orientation verra le jour en janvier. C’est la fin d’APB, qui reposait sur l’ordre des vœux de chaque bachelier et sur son lieu d’habitation comme critère prioritaire. Les lycéens feront 10 vœux au maximum (contre 24 aujourd’hui) et ne les classeront plus. Un double quota sera mis en place dans l’accès à chaque formation pour mixer l’origine géographique mais aussi sociale des candidats.

 Un enjeu de régulation

Les établissements avec des BTS et des CPGE devront être vigilants aux problématiques d’ajustement entre les réponses positives qu’ils délivreront et le nombre effectif d’élèves qu’ils pourront accueillir

4/ Une commission
pour les bacheliers sans place

Une commission d’accès au supérieur sera créée. Sous la présidence des recteurs, elle sera réunie en lien avec des enseignants du secondaire et du supérieur. Elle aura la responsabilité de faire aux bacheliers restant en liste d’attente une proposition de formation, à partir de leurs résultats au bac et de leur projet.

Un enjeu de participation

« Il est important que les Renasup territoriaux s’organisent pour que nos établissements soient représentés dans ces commissions », insiste Jean-Marc Petit.

Accès prioritaire des Bac Pros en BTS :
l’expérimentation étendue à 23 académies

Pour remédier au problème d’exclusion encore très largement répandu des bacheliers pro et techno à l’entrée en BTS et IUT, la ministre de l’enseignement supérieur a annoncé un effort à la fois « quantitatif et qualitatif » avec la création à la rentrée 2018 de 3000 places en BTS et de 8000 places au total sur la durée du quinquennat –dont on ignore la part qui reviendra à l’enseignement catholique-, assortie de « la mise en place d’une évaluation de ce qui marche ou ne marche parmi ces ouvertures ».

Cette mesure vient s’ajouter à l’extension à 23 académies à cette rentrée du dispositif expérimental mis en place dans le prolongement du rapport Lerminiaux qui permet « par dérogation aux bacheliers professionnels d’être admis dans les STS par décision du recteur d’académie prise au vu de l’avis (favorable) rendu par le conseil de classe », dans la limite des places disponibles.

Une expérimentation à laquelle le réseau Renasup invite toutes ses organisations territoriales en lien avec les Secrétaires généraux de CAEC à participer « selon des modalités spécifiques », insiste Jean-Marc Petit. Le délégué général de Renasup fait  référence aux modalités mises en oeuvre dans les académies expérimentales l’an dernier et qui ont fait leurs preuves, notamment à Rennes : « Le principe est de garantir l’accueil dans l’un de nos établissements à tout jeune ayant formulé une demande en BTS avec avis favorable de son conseil de classe, non par la voie de l’affectation rectorale comme pour le public,  mais par celle de l’organisation collective de nos établissements », souligne Yves Ruellan, président de Renasup.

Un débat sur l'enseignement supérieur à suivre sur Public Sénat

Ce documentaire à charge sur la libéralisation des études supérieures dresse un panorama inquiétant de l'évolution du système à l’anglo-saxonne. Il décrypte la mécanique de la dette étudiante et interroge la compatibilité entre capital humain et croissance intellectuelle.
En pleine réforme les modalités d'entrée à l’université, et alors que le président de la République s’est exprimé sur l’organisation d’un grand pole d’enseignement et de recherche sur le plateau de Saclay, Public Sénat projette ce film pour introduire le débat sur le modèle français d'enseignement supérieur. À suivre ce samedi 11 novembre 2017, ou à revoir ensuite en replay.

Ci-dessus, les axes principaux du Plan Étudiants, en images

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