Diriger aujourd’hui?

Conjuguer autorité, confiance et participation... En lien avec la démarche du Réenchantement de l’école et en écho au séminaire de Vittel, le sociologue Claude Thélot prône une manière de diriger « oblique » qui intègre des éléments d’horizontalité.

Diriger aujourd’hui, quelle autorité dans une société en réseau ? C’est le thème, en lien avec la démarche du Réenchantement de l’École et en écho au séminaire de Vittel sur la responsabilité, qui a rassemblé le 21 novembre dernier, à l’École des cadres missionnés (ECM), à Montrouge (92), une trentaine de nouveaux chefs d’établissement et chargés de mission. La conférence-débat était donnée dans le cadre du partenariat de l’ECM avec l’association Déchiffrer notre époque.
« Diriger aujourd’hui est devenu un problème partout et pas uniquement au sein de l’École et l’on ne peut pas diriger aujourd’hui comme on le faisait autrefois », a prévenu d’emblée le sociologue Claude Thélot. La raison ? Les gens sont aujourd’hui plus formés, plus exigeants mais aussi plus reliés entre eux, ce qui les conduits à s’opposer davantage aux modèles de direction traditionnels. Il n’en reste pas moins, pour Claude Thélot, qu’« il faut diriger quand on est un dirigeant ». Et cela signifie, pour un chef d’établissement, « organiser, décider au service d’une vision qu’on aura fait partager : celle d’un établissement qui fasse réussir tous ses élèves. »
Comment faire ? L’exercice est complexe car si les échanges horizontaux s’accroissent, notre société reste très hiérarchisée. Claude Thélot plaide donc pour une façon « oblique » de diriger, qui implique de la verticalité mais tient compte d’éléments d’horizontalité.
Cela passe pour lui par le respect de trois principes fondamentaux : autorité, confiance et participation.
Premier préalable à l’exercice d’une direction « oblique » : faire preuve d’autorité. Or, aujourd’hui, celle-ci n’est plus intrinsèque à la fonction occupée mais est fondée sur la compétence, et donc pour un chef d’établissement, sur sa capacité à organiser et à prendre des décisions au service d’une mission collective : faire réussir tous les élèves.
Deuxième condition : créer le cadre d’une confiance entre l’équipe pour susciter les initiatives, en gardant en tête que cette confiance doit être évaluée.
Troisième postulat : prendre l’avis des adultes avec lesquels travaille le chef d’établissement. Ce dernier doit organiser leur participation, les consulter « pour concrétiser l’ambition que l’équipe s’est donnée collectivement », même si le temps du dialogue est bien à distinguer du temps de la décision. Ce deuxième temps, qui n’appartient qu’au chef d’établissement, doit faire l’objet d’une attention particulière. « Annoncez votre décision comme réversible, cela sécurise les équipes, encourage Claude Thélot. Et n’oubliez pas le droit de la minorité. Aujourd’hui, la majorité ne suffit pas à emporter l’adhésion de tous à un projet ».
Dernier point souligné par le sociologue : un chef d’établissement se doit d’être exemplaire et de toujours faire ce qu’il dit, au risque de se décrédibiliser et de perdre son autorité.
Parmi les questions posées ensuite par les participants, celle de l’autorité : « Comment faire preuve d’autorité quand c’est précisément quelque chose que l’on nous reconnaît et que l’on ne décrète pas ? », a fait valoir un chef d’établissement d’Orléans. « Comment aider la minorité à appliquer la décision prise à la majorité ? » s’est interrogé un autre. « Faire attention à la minorité renforcera la décision de la majorité. Il faut comprendre et écouter les raisons de la minorité et peut-être trouver des modalités spécifiques d’application pour elle », a souligné Claude Thélot. Autre point abordé par l’assistance : « Que signifie faire réussir tous les élèves ? ». « Il s’agit de les faire progresser et de définir des choses fondamentales sur lesquelles on ne transige pas, comme le socle commun. Cela passe forcément à un moment donné par de la différenciation pédagogique », a déclaré le sociologue.

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