Vers une stratégie numérique éducative

En contraignant élèves et enseignants à travailler à distance, la crise sanitaire a joué un rôle d’accélérateur sur le plan du numérique éducatif. Pour tirer le potentiel de ces mois d’expérience et prendre des mesures concrètes, le ministère de l’Éducation nationale a organisé des États généraux du numérique les 4 et 5 novembre derniers.

Noémie Fossey-Sergent

 

©Pierre GIRAULT

Ils devaient se tenir à Poitiers, mais reconfinement oblige, c’est en ligne qu’ont eu lieu les États généraux du numérique (EGN) pour l’éducation, pilotés par l’Éducation nationale, les 4 et 5 novembre. Un événement décidé durant la première vague de Covid-19 au printemps dernier par Jean-Michel Blanquer pour « tirer le bilan des usages et des innovations qui sont apparues » durant les mois d’École en distanciel. L’approche a été collaborative. De mi-septembre à mi-octobre, se sont tenus d’abord des États généraux à l’échelle des territoires. Organisées par les recteurs mais aussi le Réseau Canopé, les rencontres en présentiel et distanciel ont permis à des élèves, enseignants, cadres, parents, collectivités territoriales… de partager leur expérience et de faire remonter leurs besoins. Les 4 et 5 novembre, ces réflexions ont été mises en commun et discutées, avec le regard d’experts internationaux et de chercheurs, dans le but de formuler des propositions concrètes à Jean-Michel Blanquer pour qu’il puisse établir une stratégie numérique pour l’École.

Les enjeux sont nombreux. Il y a d’abord celui de l’égalité. Car comme l’a rappelé Edouard Geffray, directeur général des affaires scolaires, « le numérique n’est pas une baguette magique mais peut participer à la réduction des inégalités et à la réussite des élèves (en permettant de faire de la remédiation) », ajoutant que les établissements avaient bénéficié d’un « équipement massif » durant la crise.

Pour autant, l’outil numérique ne fait pas tout. Comme l’a souligné Stanislas Dehaene, président du Conseil scientifique de l’Éducation nationale, les travaux de recherche ne montrent pas un impact particulièrement positif sur les résultats des élèves. Ceux-ci semblent plutôt stagner. Il a également rappelé que les enfants n’ont pas une « connaissance intuitive du numérique ». Ils ont besoin d’apprendre à s’en servir, notamment à travers quatre piliers : l’attention, l’engagement actif, le retour sur erreur et la consolidation. « L’ordinateur ne suffit pas, il faut des logiciels bien conçus et des professeurs formés à leur utilisation », a-t-il insisté. « 100 000 professeurs ont été formés de mars à mai par le Réseau Canopé, a fait valoir Edouard Geffray. Nous allons amplifier cela. »

Jean-Marc Merriaux, directeur du numérique pour l’éducation au MEN, a salué la forte mobilisation des enseignants durant cette période, rappelant que le service public doit être adaptable et qu’il revient au ministère de fournir les outils pour cela. Pour lui, il faut « construire des communs numériques ». « Face au défi d’un monde où les repères structurants de la République sont attaqués, où la science est remise en question par le bruit des réseaux sociaux, il est plus que jamais important de permettre aux acteurs de l’éducation de sécuriser un socle de savoirs fondamentaux et une culture numérique indispensables au développement de l'esprit critique ».

Les prochains RDV numériques de l'Enseignement catholique

 

Suite aux Etats généraux du numérique organisés par l'Education nationale, quelles stratégies pour le numérique pédagogique dans l'Enseignement catholique?

Les 24 et 25 novembre prochains, des journées de rencontres pour les référents numériques diocésains auront lieu sur ZOOM, animées par Mickael Gac.

 

Ont suivi cinq débats autour des chantiers ouverts par les EGN. Pour le premier d’entre eux, « Garantir un égal accès au numérique pour tous », Michel Reverchon-Billot, directeur du Cned, a estimé qu’il existe une fracture numérique réelle, surtout d’usage, qui renvoie à la question de la culture numérique à forger pour tous les jeunes, car certains peuvent souffrir d’ « illectronisme ». Jérôme Saltet, président de La trousse à projets (plateforme de financement participatif) a souligné que si l’équipement numérique des élèves était essentiel, il ne fallait pas oublier les familles dans les formations, « au risque de les fragiliser si on leur donne des ordinateurs sans les accompagner dans la façon de s’en servir ».

Lors du 2e débat sur « Travailler autrement et développer une culture numérique professionnelle commune », Anne Bisagni-Faure, rectrice de Nouvelle Aquitaine, et Charles Torossian, mathématicien, accueillant positivement le fait que le digital rende les relations moins verticales entre chefs d’établissement, personnels, Dasen, recteurs, inspecteurs… , ont estimé que le numérique pouvait faire émerger une nouvelle intelligence collective.

Le 3e débat, « Enseigner et apprendre avec le numérique », a montré l’urgence de clarifier les compétences numériques attendues d’un élève (envoyer une pièce-jointe …) et de pouvoir les certifier.

Très intéressant, le 4e débat qui portait sur « Développer un numérique responsable et souverain » a mis en exergue l’importance du RGPD pour protéger les données et l’intérêt de créer un code de conduite, afin d’établir le cadre de confiance très demandé par les acteurs de terrain.

Enfin, le 5e et dernier débat sur le thème « Gouvernance et anticipation » a montré que les collectivités, qui gèrent notamment le péri et l’extrascolaire, pouvaient aussi contribuer à cet effort numérique, notamment en termes d’équipement. Une collaboration plus étroite entre elles et les services académiques est aussi à envisager.

Des ateliers participatifs ont ensuite permis de dégager plusieurs propositions concrètes des 1000 sujets remontés du terrain. Une quarantaine ont émergé. Dans son discours de clôture, Jean-Michel Blanquer en a retenu quelques-unes :

- La création d’un « compte ressources » pour les enseignants grâce auquel ces derniers pourraient acheter des ressources produites par les Edtechs françaises, ces start-ups qui conçoivent des logiciels éducatifs
et autres outils, et qui feraient l’objet en amont d’une certification ;
- La création d’un « education data hub », une plateforme rassemblant les ressources éducatives pour faciliter les recherches des utilisateurs.

-La formation des enseignants est également une piste qui sera suivie via la création d’une « e-Inspé » avec Canopé afin de former les professeurs à distance aux compétences numériques.

- Les élèves passeront également une certification de leurs compétences via Pix dans les années à venir.

- Le ministre a redit également son souhait de construire un numérique souverain à l’échelle européenne, loin du modèle des GAFAM, via par exemple le projet Gaia X.

- Enfin, l’idée d’un « pass connexion » l’a séduit. Il permettrait que le forfait Internet des élèves défavorisés ne soit pas prélevé quand ils se rendent sur des sites éducatifs et y téléchargent du contenu. Affaire à suivre…

 

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