Mis à jour le : 12 février 2025 / Publié le : 4 février 2025
« L’école inclusive est réalisable si les équipes se forment collectivement »
Pour Gaëtan Honoré, directeur de l’Isfec de Bourgogne – Franche-Comté, auteur d’une thèse de doctorat dédiée aux gestes professionnels des enseignants spécialisés, si le Cappéi assoit les enseignants spécialisés comme personnes ressources, l’ensemble des personnels doit pouvoir bénéficier de formation à l’inclusion.
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Qu’a apporté l’évolution de la formation des enseignants spécialisés, avec la mise en place du certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive (Cappéi), depuis 2017 ?
Gaétan Honoré : Le Cappéi a permis de changer d’approche. Alors que le certificat précédent, le Capa-SH (certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap) était basé sur une logique d’intégration, selon laquelle c’est à l’élève de s’adapter au système grâce à des aménagements, comme la présence d’AESH, le Cappéi donne clairement une direction inclusive : c’est au système de s’adapter aux particularités de chacun. Autre avancée : la certification assoit désormais la légitimité des enseignants spécialisés comme personnes ressources au sein des communautés éducatives. Ils deviennent les vecteurs de la diffusion de la pratique inclusive et peuvent donc accompagner les équipes dans cette démarche. C’est fondamental.
Comment améliorer encore la formation des enseignants spécialisés ?
Gaétan Honoré : La formation permettant d’obtenir le Cappéi est exigeante. Elle nécessite des enseignants une profonde mise à jour didactique et pédagogique de leurs pratiques. Et à ce titre, elle peut paraître effrayante. Étendue sur douze semaines sur les trente-six que compte le calendrier scolaire, dans des centres de formation souvent éloignés du lieu de résidence et d’enseignement du stagiaire, elle peut en outre être inconfortable. Mais face à nos 400 000 élèves en situation de handicap, le jeu en vaut vraiment la chandelle ! Pour que les stagiaires gagnent en confort et en sérénité, cette certification mériterait cependant davantage de volume horaire.
Au-delà des enseignants spécialisés, n’est-ce pas l’ensemble des enseignants qu’il faudrait former davantage ?
Gaétan Honoré : Sur une journée de classe, les élèves passent quasiment autant de temps avec le personnel Ogec qu’avec leur enseignant. Quand la personne qui s'occupe de l’accueil le matin dans l’établissement scolaire se retrouve parfois seule face à des situations de séparation qui peuvent être difficiles à gérer, cela nécessite plus qu’une information, mais une véritable formation pour développer une attention particulière, des gestes professionnels et une réflexion qui donnent du sens à ce qui se vit. C’est pourquoi, depuis quelques années, nous proposons des formations sur l’école inclusive dédiées aux personnels Ogec à l’Isfec de Bourgogne – Franche-Comté.
Qu'en est-il pour les personnels Ogec ?
Gaétan Honoré : Effectivement ! Aujourd'hui, l’accueil d’un public de plus en plus hétérogène cristallise beaucoup de difficultés, voire un mal-être chez certains de nos collègues. Pour y répondre, la formation me semble fondamentale. À l’instar du Sgec, qui a relancé l’idée d’un parcours dédié à l’inclusion de soixante heures pour les enseignants ordinaires, nous avons ouvert une formation de ce type à Dijon. Nous les outillons pour qu’ils puissent accompagner au mieux les élèves à besoins éducatifs particuliers et leurs familles. L’école inclusive est réalisable si les équipes se forment collectivement. À ce titre, la question de la collaboration des équipes est centrale, entre pairs, avec des partenaires du médico-social notamment, ou encore avec les familles. On nous enjoint de travailler de façon collaborative, mais cela, aussi, s’apprend.
La formation constitue-t-elle pour vous le socle d’une meilleure inclusion de tous les élèves ?
Gaétan Honoré : Effectivement, mais nous revenons de loin ! Selon les propres termes du rapport du Conseil de l’Europe, la France a pendant longtemps produit une ségrégation systémique que certains chercheurs qualifient même d’handiphobie ! Mais au-delà de la formation, c’est à chacun d’interpeller sa propre conscience par rapport à l’altérité, pour faire en sorte de considérer le handicap non par le manque, mais sous l’angle de la diversité, autrement dit comme une source de richesse. C’est plus largement la question de l’accessibilité qu’il faut interroger : peu importe que l'élève soit reconnu comme en situation de handicap ou pas, l'idée, c'est de rendre l'environnement « capacitant » pour permettre à tous les élèves d’apprendre.
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Gaëtan Honoré
Directeur de l’Isfec de
Bourgogne – Franche-Comté
Docteur en Sciences de l'éducation