Remettre l’École au cœur de la cité

Comment faire vivre la liberté scolaire, et ainsi le pluralisme et la diversité des établissements, facteurs de réussite individuelle et collective des élèves ? Comme chaque année, l’Enseignement catholique a porté cette question au Salon des Maires, du 21 au 23 novembre à Paris Expo.
Aperçu et replay intégral des débats qui se sont tenus le mercredi 22 sur sa Web TV, animée par le journaliste Marc Tronchot.

Enseignement agricole: Former les jeunes en animant les territoires

Nathalie Delattre, sénatrice de la Gironde et rapporteure de la mission sur l’Enseignement agricole

Florence Machefer, secrétaire générale du Cneap, réseau agricole de l'Enseignement catholique

Après des années de vache maigre, le budget de l’Enseignement agricole a enfin été revalorisé l’an dernier, à la hauteur d’un enjeu immense puisque la pyramide des âges de la profession implique de former 200 000 agriculteurs d’ici à 2026… alors qu’actuellement, 13 000 seulement s’installent chaque année… On doit cette inflexion budgétaire à la sénatrice de Gironde, Natalie Delattre, soucieuse de promouvoir « un modèle de formation d’excellence ». En 2021, en tant que rapporteure de la mission sur l’Enseignement agricole et des crédits consacrés à l'Enseignement agricole, la sénatrice a purement et simplement refusé de valider « un budget à l’os ». Aujourd’hui, Nathalie Delattre ne désarme pas, appelant de ses vœux une campagne de communication qui « revalorise réellement la fierté pour ces filières » et une meilleure prise en compte de l’offre de formation agricole dans l’aide à l’orientation dispensée aux collégiens : « Il y a une frilosité persistante de l’Éducation nationale à promouvoir cette voie auprès des élèves et parfois même une forme de concurrence lorsqu’elle ouvre des filières doublonnant cette offre, alors que l’importance de maintenir ces filières en proximité avec les outils de production et donc au cœur de la ruralité est cruciale » objecte-t-elle évoquant « l’opportunité de reconnexion au vivant et à la nature » qu’offrent les lycées agricoles.

Dans ce combat, Florence Machefer, secrétaire générale du Cneap, qui fédère le réseau agricole de l’Enseignement catholique, a assuré à la sénatrice qu’elle pourrait compter sur « l’agilité du privé », qui pèse 60% du secteur de la formation agricole. En effet, le Cneap qui fête ses 50 ans cette année et regroupe 54 000 apprenants, fait fleurir sur le territoire ses « villages éducatifs qui répondent aux besoins du territoire et des professionnels tout étant des lieux de formation », conformément aux missions d’animation et d’expérimentation que lui a conféré la loi Rocard. Ces établissements ouverts sur l’extérieur, capables pour certains de monter des laboratoires de recherche pour prolonger leurs enseignements dynamisent les campagnes. Ainsi, lycée de Ressins (42) booste la production locale tandis que les Buissonnet, à Avrillé (49), s’emploie à tisser des liens intergénérationnels avec une micro-crèche, des logements pour personnes dépendantes ou encore une ferme urbaine où les élèves du primaire peuvent redécouvrir les cycles de la nature les pieds dans la terre. Ils allient ainsi la technicité et la solidarité dont la sénatrice souhaite faire un levier de développement du monde rural.

Autre signe encourageant pour l’avenir, l’évolution du recrutement de ces établissements, pointée par Florence Machefer : « Certains jeunes nous arrivent encore par défaut, pour reprendre goût aux études. Nous seulement nous parvenons à les emmener jusqu’en BTS mais nous accueillons aussi moins d’enfants d’agriculteurs, plus de filles et de plus en plus d’adultes en reconversion, en quête de sens et désireux de participer à la transition écologique de la filière. »

Le Village éducatif d'Avrillé

Caroline Houssin-Salvetat, maire d’Avrillé
Ghislain Gouerne, chef d’établissement du lycée agricole Les Buissonnets à Avrillé

« Un ovni très sympathique ! » C’est ainsi que la maire d’Avrillé, Caroline Houssin-Salvetat, perçoit le lycée des Buissonnets, qui a déménagé cette année depuis Angers vers sa commune pour y porter un projet radicalement innovant.

Ses élèves de bac pro Sapat (Service aux personnes et aux territoires) et de Vente-Conseil apprennent en lien direct avec des enfants et des personnes âgées grâce à une micro-crèche et un habitat partagé. « Un maraîcher bio local y fait aussi prospérer une ferme urbaine implantée sur les 1 000 m2 de toiture et des parcelles entourant le lycée, pour initier ses 3es et 4es professionnelles au métier agricole et sensibiliser les écoliers des environs au respect de l’environnement. Une boutique propose enfin aux habitants d’Avrillé des produits équitables et locaux commercialisés par les apprentis vendeurs ! Ainsi tout est lié ! », se félicite le chef d’établissement Ghislain Gouerne. Tout un écosystème qui dynamise la ville d’Avrillé. « Tant d’innovations nous ont certes bousculés mais nous inspirent aujourd’hui fierté et reconnaissance. Elles nous ont obligé à voir l’enseignement sous un nouveau jour. Au-delà d’un lieu d’apprentissage, nous sommes bien dans un tiers-lieu où se croisent des regards et des compétences variées et qui constitue un vecteur de synergies et de lien précieux ! », s’enthousiasme l’élue.

Le lycée de Ressins, acteur de la transition aro-écologique

Franck Le Menn, Chef d’établissement du Lycée Etienne Gautier- Le Ressins à Nandax (42)

« Quand on parle de restauration scolaire, c’est surtout pour évoquer son coût et la répartition cette charge, dans un contexte économique compliqué. On n’oublie trop souvent la question essentielle de la qualité et de l’équilibre de l’alimentation proposée aux enfants », déplore Franck Le Menn, Chef d’établissement du Lycée Etienne Gautier- Le Ressins à Nandax (42). Son établissement qui produit yaourt, fromage, charcuterie et viande promeut un modèle alternatif en étant à la fois fournisseur et client de son partenaire de restauration. Il parvient ainsi à développer une offre de restauration en circuit court qui fait évoluer le comportement alimentaire de ses élèves… et au-delà.

Le lycée de Ressins a exporté ce modèle au Sud du Puy-de-Dôme dans le lycée du Breuil-sur-Couze, qu’il a récemment repris. Avec un tel succès que le maire l’a sollicité pour nourrir les demi-pensionnaires de l’école publique et que les communes des alentours lui emboitent le pas. Pour la plus grande fierté de ses propres élèves, de futurs agriculteurs qui, au-delà de la pénibilité du métier, sont pleinement conscients qu’il peut contribuer à transformer en profondeur la filière agro-alimentaire et promouvoir des modes de vie plus sains et plus respectueux de l’environnement.

Favoriser l'échange, le dialogue et l'innovation

 

Laurent Lafon, sénateur du Val-de-Marne,
président de la commission culture, éducation et communication

Sénateur du Val-de-Marne, président de la Commission culture du Sénat, Laurent Lafon a brossé un tableau général et plein d’acuité sur les grands sujets politiques autour de l’éducation : les bouleversements induits par la révolution numérique, l’intelligence artificielle et l’éducation aux nouvelles technologies, la réponse à donner à la baisse du niveau scolaire, la question de l’attractivité du métier d’enseignant, l'enjeu de la lutte contre le harcèlement, etc. Ils forment le programme de travail sur lequel se penchent les sénateurs de sa commission.

En tant que président, il a le souci constant – qui est un peu la marque de fabrique du Sénat – d’une recherche du compromis et des « voies de passages », y compris sur le sujet sensible que constitue la place de l’enseignement privé sur lequel l’équilibre construit historiquement donne satisfaction. Il regrette que les collectivités n’aient pas été associées aux discussions autour du protocole sur les mixités signé entre l’État et le Secrétariat général de l’Enseignement catholique, même s’il est probable que le résultat n’en aurait pas été différent.

Alors que l’éducation nationale est dans une crise protéiforme « qui met un peu tous les spécialistes dans l’embarras parce qu’on ne sait plus par où prendre le sujet », il salue un certain nombre d’efforts qui sont faits, notamment sur la rémunération des enseignants pour favoriser l’attractivité du métier. Il attend néanmoins des réponses précises et concrètes, au-delà des annonces, sur beaucoup de sujets : baisse du niveau scolaire, formation des enseignants et ces «écoles normales du XXIe siècle» annoncées par le ministre...

L’éducation doit être la priorité des priorités et c’est ce que Laurent Lafon a toujours prôné lorsqu’il était maire de la Ville de Vincennes.

 

 

L'Union sacrée au service du bien commun

Arnaud Viala, président du Conseil départemental de l’Aveyron

Nicolas Sènes, directeur diocésain de Rodez et de Cahors

Franck Le Menn, chef d’établissement du lycée agricole Étienne-Gautier-Ressins, à Nandax (42)

Dans l’Aveyron, le Département réunit régulièrement les proviseurs et chefs d’établissement de ses 22 collèges publics et de ses 20 collèges privés, ensemble, autour d’un ordre du jour partagé, en présence de la Dasen et du directeur diocésain. Des moments que le président du Conseil départemental, Arnaud Viala apprécie particulièrement : « Cela se passe toujours impeccablement car on y discute de sujets concrets en s’affranchissant de toute considération idéologique et en ayant pour principale préoccupation l’essentiel, à savoir l’intérêt des enfants. »

Le directeur diocésain Nicolas Sènes salue « cette capacité à faire l’union sacré pour l’intérêt du territoire », qui se traduit d’ailleurs selon lui par « une augmentation de la démographie qui nous aide à maintenir nos petites écoles, soit deux-tiers de nos 60 structures ».

« Il y a une volonté de ne pas sacrifier, pour des raisons politiciennes, la proximité géographique que les gens recherchent mais de préserver au contraire le maillage et le choix des familles par un soutien et un accompagnement équitable des deux modèles éducatifs »

Et seul certains syndicats de l’Éducation nationale trouvent à y redire. La preuve : la récente décision d’équiper d’un ordinateur portable l’ensemble des élèves de 5e, du public comme du privé, a été votée par le Département à l’unanimité, sans que cela ne suscite aucune polémique entre les élus.

Concernant le chapitre de la restauration, le Département travaille à mettre en place une plateforme d’approvisionnement local fonctionnant en circuits courts, tandis que la mairie de Rodez engage une expérimentation avec une des écoles privées ruthénoises dans le cadre du protocole mixité : ses élèves pourront bénéficier des repas de la cuisine centrale, facturés, selon le quotient familial, sur la même grille tarifaire en vigueur dans les écoles publiques. En prime, une réflexion est en cours sur la prise en charge, par la municipalité du financement des AESH sur le temps méridien, toujours non assurée par l’État.

Reste le point noir de la restauration patrimoniale sur lequel la Loi Falloux limite drastiquement les aides que les collectivités locales pourraient apporter au privé. Pour lever ce frein sans réveiller la guerre scolaire, Arnaud Viala estime qu’il faudrait faire évoluer la législation à une échelle territoriale, là où les deux systèmes scolaires coexistent harmonieusement. Nul doute que l’Aveyron pourrait être un terrain d’expérimentation idéal !

 

 

 

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