Mis à jour le : 27 mars 2024 / Publié le : 24 mai 2016
Règlement intérieur élèves et laïcité
PROBLÉMATIQUE
Le règlement intérieur de l'établissement opposable aux élèves, peut-il contenir une clause obligeant les élèves et leurs parents à respecter le caractère propre de l'établissement et permettant d'encadrer certaines formes d'expression de leurs croyances religieuses ?
RAPPEL DES TEXTES
Article L 442-1 Code de l'éducation
Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12, l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État. L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance, y ont accès.
Article L 442-5 Code de l'éducation
(Loi no 2005-5 du 5 janvier 2005 art. 1 Journal Officiel du 6 janvier 2005 en vigueur le 1er septembre 2005)
Les établissements d'enseignement privé du premier et du second degré peuvent demander à passer avec l'État un contrat d'association à l'enseignement public, s'ils répondent à un besoin scolaire reconnu qui doit être apprécié en fonction des principes énoncés aux articles L. 141-2, L. 151-1 et L. 442-1.
Le contrat d'association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l'établissement. Dans les classes faisant l'objet du contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat. Ces derniers, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié, dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement, dans le respect du caractère propre de l'établissement et de la liberté de conscience des maîtres.
Nonobstant l'absence de contrat de travail avec l'établissement, les personnels enseignants mentionnés à l'alinéa précédent sont, pour l'application des articles L. 236-1, L. 412-5, L. 421-2 et L. 431-2 du Code du travail, pris en compte dans le calcul des effectifs de l'établissement, tel que prévu à l'article L. 620-10 du même code. Ils sont électeurs et éligibles pour les élections des délégués du personnel et les élections au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et au comité d'entreprise. Ils bénéficient de ces institutions dans les conditions prévues par le Code du travail. Les rémunérations versées par l'État à ces personnels sont prises en compte pour le calcul de la masse salariale brute, tel que prévu à l'article L. 434-8 du même code, et la détermination du rapport entre la contribution aux institutions sociales et le montant global des salaires, mentionné à l'article L. 432-9 du même code.
Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public.
Les établissements organisent librement toutes les activités extérieures au secteur sous contrat.
Article L 442-39 Code de l'éducation
Le chef d'établissement est responsable de l'établissement et de la vie scolaire.
AUTRES RESSOURCES
- Statut de l'Enseignement catholique en France publié le 1er juin 2013
- La discipline dans les établissements catholiques d'enseignement : une démarche éducative (texte adopté par la Commission permanente du 13 janvier 2012)
Article L813-1 Code rural
Les établissements d'enseignement et de formation professionnelle agricoles privés dont l'association ou l'organisme responsable a passé un contrat avec l'État participent au service public d'éducation et de formation. Ils relèvent du ministre de l'agriculture. Leurs enseignements sont dispensés dans le respect des principes de liberté de conscience, d'égal accès de tous à l'éducation et de liberté de l'enseignement, qui implique notamment qu'un tel établissement puisse, à ces conditions, naître d'une initiative privée.
[...]
Ils contribuent à l'éducation au développement durable et à la mise en œuvre de ses principes. Ils contribuent au développement personnel des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires, à l'élévation et à l'adaptation de leur qualification et à leur insertion professionnelle et sociale.
[...]
Article L813-8 Code rural
[...]
Les personnels enseignants et de documentation de ces établissements sont nommés par le ministre de l'agriculture, après vérification de leurs titres et de leurs qualifications, sur proposition du chef d'établissement. Ils sont liés par un contrat de droit public à l'État, qui les rémunère directement par référence aux échelles indiciaires des corps équivalents de la fonction publique exerçant des fonctions comparables et ayant les mêmes niveaux de formation. En leur qualité d'agent public, ils ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié.
[...]
Décret 88-922 art 2-5
La demande de contrat doit comporter :
[...]
5° Les extraits du règlement intérieur précisant les garanties de fonctionnement pour ce qui concerne notamment les conditions d'admission et le régime disciplinaire des élèves et les recours que l'établissement offre aux familles et aux élèves.
[...]
COMMENTAIRES
Le règlement intérieur fait partie du domaine de la vie scolaire, domaine qui n'est pas soumis au contrôle de l'État (articles L 442-5 et R 442-39 du Code de l'éducation).
Le chef d'établissement, responsable de l'établissement et de la vie scolaire (article R 442-39 du Code de l'éducation) a donc le droit d'édicter, dans le cadre d'un règlement intérieur, des règles spécifiques destinées à régir le fonctionnement de l'établissement, les droits et les devoirs des élèves. En pratique, l'élaboration du projet de règlement intérieur s'effectue sous la conduite du chef d'établissement en étroite concertation avec les diverses composantes de la communauté éducative. L'article 123 du Statut de l'Enseignement catholique en France publié le 1er juin 2013 prévoit la participation du Conseil d'établissement à l'élaboration du règlement intérieur en référence au projet éducatif.
Le règlement intérieur ne doit pas, bien entendu, porter abusivement atteinte aux libertés individuelles ou collectives et comporter des dispositions à caractère discriminatoire.
Si la préservation de la liberté d'expression religieuse est une nécessité impérieuse et si les établissements catholiques entendent défendre la possibilité d'une participation différenciée à la communauté éducative dans le respect des croyances de chacun de ses membres, le règlement intérieur d'un établissement d'enseignement privé placé sous le régime du contrat d'association peut-il ou non imposer aux élèves et à leurs parents le respect de son caractère propre et encadrer certaines formes d'expression des croyances religieuses dans son enceinte ?
1°) RESPECT DU CARACTÈRE PROPRE
Le règlement intérieur définit les règles de la vie quotidienne dans l'établissement ainsi que les décisions individuelles que le chef d'établissement peut prendre en application de ces règles.
Le règlement intérieur ne peut être un texte isolé : il découle du projet de l'établissement. Il doit refléter les valeurs explicitement citées ou implicitement présentes dans le projet d'établissement qui constituent le caractère propre de l'établissement.
Il n'existe pas de définition de cette notion, particulière par définition, à chaque établissement. Ce caractère essentiel est, en quelque sorte, la raison d'être d'un grand nombre d'établissements privés, notamment confessionnels.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 23 novembre 1977, avait estimé que « la sauvegarde du caractère propre d'un établissement lié à l'État par contrat [...], n'est que la mise en œuvre du principe de la liberté d'enseignement ».
1 Respecter le « caractère propre » des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association avec l'État apporte, en effet, la garantie de l'existence possible d'un enseignement confessionnel, permettant à la liberté religieuse de s'exprimer pleinement (rapport législatif n° 219, loi n° 2004-228 du 15 mars 2004).
Normatif, à visée éducative, le règlement intérieur rappelle en préambule le caractère propre de l'établissement dont le chef d'établissement est le garant (article L 442-5 du Code de l'éducation). L'acte d'inscription intègre pleinement le règlement intérieur dans le contrat liant l'établissement et les familles ; l'élève et ses parents s'engagent à respecter ledit règlement intérieur et, par voie de conséquence, le caractère propre de l'établissement.
2°) ENCADREMENT DE L'EXPRESSION DES CROYANCES RELIGIEUSES
L'article L 442-1 du Code de l'éducation dispose que « dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12, l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État. L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance, y ont accès ».
Cet article permet-il à chacun d'exprimer librement ses croyances religieuses au sein d'un établissement privé catholique (sous contrat avec l'État ou non) ou ce dernier peut-il « réglementer » l'expression desdites croyances religieuses ? Cette question sera traitée au regard de la tenue vestimentaire, de l'assiduité scolaire et des repas.
Tenue vestimentaire
Rappel : même s'il est possible de réglementer voire d'interdire le port de signes ostensibles dans les établissements privés sous contrat, l'institution entend privilégier le dialogue à l'interdiction générale et absolue.
Il convient de rappeler que le règlement intérieur traite à la fois des relations entre l'établissement et les familles et des droits et des devoirs des élèves.
Dans ce cadre, le règlement intérieur peut règlementer la tenue vestimentaire des élèves.
La liberté de se vêtir n'est évoquée par aucun de nos textes fondamentaux. En revanche, elle peut être rapprochée de deux droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et par la Charte des droits fondamentaux : le droit au respect de la vie privée et la liberté d'expression religieuse. Cette dernière est définie de façon très précise par la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne comme la liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, les pratiques et l'accomplissement des rites.
La Convention de sauvegarde européenne comme la Charte des droits fondamentaux prévoient que des restrictions au respect de la vie privée ainsi qu'à la liberté religieuse peuvent être édictées pour répondre à des objectifs d'intérêt général, tels que la sûreté publique, la défense de l'ordre, la prévention des infractions pénales, la protection de la santé, ou encore pour répondre à la protection des droits et libertés d'autrui. Les restrictions apportées pour répondre à un tel objectif - très précisément défini - doivent être strictement proportionnées à ce que sa réalisation exige de mettre en œuvre.
La liberté de se vêtir est donc extrêmement garantie : on ne peut y déroger que dans des conditions très restrictives. Un uniforme peut cependant être imposé.
Concernant les élèves et plus particulièrement le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, il convient de rappeler que la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 les interdisant n'est applicable qu'aux écoles, collèges et lycées publics dans lesquels nulle croyance religieuse, nulle conviction, ne peut y être valorisée ou promue.
Les établissements privés sous contrat sont donc exclus du champ d'application de cette loi d'autant qu'une grande majorité des établissements ont un caractère confessionnel. Les établissements privés sous contrat sont donc libres d'accepter ces signes ou d'en réglementer le port.
Pour autant, un établissement d'enseignement catholique a-t-il le droit d'intégrer dans son règlement intérieur une clause interdisant d'une manière générale et absolue le port de signes religieux tels que le voile islamique, la kippa, le turban sikh, ... ?
La Cour de cassation a tranché la question question du port du voile islamique dans un arrêt du 21 juin 2005. Dans l'affaire sur laquelle la Cour a été amenée à se prononcer, un établissement privé sous contrat d'association avait introduit dans son règlement intérieur une clause interdisant le port du voile. Le collège avait été traduit devant le tribunal de grande instance par une famille dont l'enfant ne respectait plus cette clause. La famille avait été déboutée par le tribunal de grande instance et avait fait appel de la décision. La Cour d'appel avait confirmé le jugement du tribunal de grande instance.
La Cour de cassation saisie par la famille l'a également déboutée. Pour les juges de la Cour de cassation, la prohibition du port du voile n'est pas contraire aux articles L 442-1 et suivants du Code de l'éducation : elle n'affecte ni la neutralité de l'enseignement dispensé, ni la liberté de conscience des élèves, ni leurs convictions religieuses mais un simple mode ostensible de celles-ci. Les juges ont estimé que cette interdiction relevait, au contraire, « de l'organisation scolaire et du projet éducatif propre du collège sans violer pour autant son obligation d'accueillir les enfants en dehors de toute distinction d'origine, d'opinion ou de croyance ».
En interdisant le port du voile, il n'y a pas d'atteinte à :
• la liberté de conscience évoquée dans la loi Debré. Cette liberté fondamentale concerne la liberté de la pensée et non l'expression de celle-ci ;
• l'obligation de l'établissement privé sous contrat d'accueillir « tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance ».
Absences pour motifs religieux
L'article L 442-1 du Code de l'éducation précise que « l'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance, y ont accès ».
Par ailleurs, le Conseil d'État, dans un arrêt du 2 novembre 1992, tout en reconnaissant aux élèves « le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires » a estimé que l'exercice de ce droit devait se faire « dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité ».
Par deux arrêts du 14 avril 1995, le Conseil d'État s'est à nouveau prononcé :
• La première requête réclamait l'abrogation d'un article du décret du 18 février 1991 érigeant l'assiduité scolaire au rang d'obligation pour tous les élèves quelle que soit leur religion. Les associations juives requérantes voulaient obtenir pour les élèves juifs pratiquants la reconnaissance officielle de l'absence sabbatique en demandant l'annulation du décret du principe d'assiduité absolue qu'il contenait. Le Conseil d'État a estimé que des dérogations pouvaient être accordées aux élèves qui demandaient à être absents pour l'exercice d'un culte mais que ce droit à dérogation ne pouvait s'exercer que dans certaines limites, individuellement et sous réserve que les autorisations d'absence n'entraînent ni perturbation de la scolarité, ni trouble à l'ordre intérieur.
• La seconde requête était dirigée par une famille contre une décision du lycée Massillon de Nice refusant l'inscription de leur fils en classe préparatoire aux grandes écoles en raison de son absence systématique tous les samedis. Le Conseil d'État a, là aussi, rejeté la demande des parents estimant que « les contraintes inhérentes au travail des élèves en classe de mathématiques supérieures font obstacle à ce qu'une scolarité normale s'accompagne d'une dérogation systématique à l'obligation de présence le samedi...».
En résumé, les autorisations d'absence systématique pour motif religieux ne peuvent être traitées qu'au cas par cas par un chef d'établissement.
Bien entendu, un établissement sous contrat d'association ne saurait faire de distinction entre les convictions religieuses des uns et des autres. Si notre calendrier reste profondément marqué par le catholicisme, il ne peut être question de refuser d'accorder des autorisations individuelles d'absences exceptionnelles nécessaires à l'exercice du culte, compatibles avec le déroulement normal de la scolarité et le fonctionnement normal de l'établissement.
Repas
Le service de restauration est un service facultatif. Les établissements d'enseignement, qu'ils soient publics ou privés, ne sont pas tenus de proposer des plats spécifiques prenant en compte les croyances des élèves accueillis. Mais, ce principe peut être appliqué avec pragmatisme. La proposition de plats de substitution peut être une alternative respectueuse des pratiques confessionnelles des élèves.
Le Conseil d'État a ainsi jugé, dans un arrêt du 25 octobre 2002, que ne constituait pas une atteinte aux droits fondamentaux le fait, pour une cantine scolaire communale (qui servait du poisson le vendredi), de ne pas tenir compte des prescriptions alimentaires en vigueur dans d'autres religions que la confession chrétienne.