Quelle rentrée pour les filières pro?

Interview croisée d'Yves Ruellan, président de Renasup et d'Émilie Julien, directrice de l'Agence nationale Excellence pro sur les enjeux de la rentrée pour les lycées pro et les CFA de l'Enseignement catholique.

Propos recueillis par Aurélie Sobocinski

Après les événements du printemps, comment se dessine la rentrée pour la formation professionnelle dans l’Enseignement catholique ?

 

Yves Ruellan : Les premières remontées des établissements sont assez contrastées. Il y a de vraies inquiétudes sur le recrutement en seconde professionnelle, faute d’avoir pu mettre en place un véritable accompagnement à l’orientation en proximité et en qualité auprès des familles et des jeunes en raison du confinement. Du côté de nos CFA, les retours sont plutôt optimistes. Les mesures gouvernementales en faveur de l’apprentissage semblent produire leurs effets, avec des niveaux de recrutement attendus équivalents à l’an dernier et un grand nombre d’ouvertures de formations.

Emilie Julien : Leur mobilisation a été forte et a visiblement bien fonctionné. Un frein demeure toutefois avec la question du placement en entreprise : les jeunes sont là, les entreprises paraissent intéressées mais comparativement aux années précédentes, très peu de contrats d’apprentissage sont aujourd’hui signés, en raison du contexte économique post-covid.

 

Quels enjeux sont à relever aujourd’hui?

Y.R. : Il est urgent pour les établissements de ne pas se précipiter dans la fermeture des sections existantes ! L’enjeu, comme l’a rappelé la Commission permanente début mai (cf. déclaration), est de favoriser au maximum le développement de passerelles entre la voie scolaire à temps plein et l’apprentissage dans le lycée ou en proximité au sein du réseau, dans un contexte où il peut être anxiogène pour un jeune de poser un choix de formation sans certitude d’aller au bout de son année. L’avenir de nos lycées professionnels - de l’Education nationale comme de l’Agriculture-, réside dans cette mixité des parcours du CAP au master. L’autre enjeu c’est la mixité des publics, en développant l’accueil au sein des mêmes classes des jeunes en formation initiale des deux statuts. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel en officialise la possibilité, il faut y aller !

E.J. : La mise en place de cette mixité nécessite un accompagnement des équipes et notamment une formation des enseignants en lien avec Formiris. Ce qui se joue là, c’est une attractivité renouvelée de nos établissements, qui vont pouvoir offrir des suites de parcours en apprentissage. C’est aussi un rapprochement fort avec l’entreprise, qui peut apporter beaucoup dans la qualité des formations proposées aux jeunes et, dimension non négligeable, dans leur insertion.

Sur quels points d’appui le réseau peut-il compter ?

E.J. : L’Agence a réalisé un état des lieux assez exhaustif de l’offre de formations dans les CFA de l’Enseignement catholique -par Opco/branche professionnelle, territoire et niveau d’enseignement pour identifier précisément les leviers de développement. Le réseau compte 45 CFA aujourd’hui -soit plus de 20 500 apprentis- avec 7 nouvelles créations à venir au minimum à cette rentrée. Au total, 360 formations du CAP au Bac+5 sont proposées, avec un fort développement sur le niveau post-bac en particulier qui réunit 63% d’entre elles.

Y.R. : Ce travail de recension inédit - à compléter à l’avenir par celui de l’offre dans nos lycées- donne une visibilité nouvelle sur l’étendue de nos activités et de notre appareil de formation dans la voie professionnelle en régions, tant pour nos responsables que pour nos partenaires -de France Compétence, des Opco et des branches. A l’heure où les structures doivent fixer elles-mêmes leurs priorités, l’outil est précieux pour regarder les dynamiques à l’œuvre dans d’autres territoires, identifier de nouvelles opportunités tant d’activités (BTS, L3 en mixité des publics …) que de partenariats, et partager les bonnes pratiques.

L'infographie des CFA de l'Enseignement catholique

Comment les Territoires accompagnent-ils ce développement ?

Y.R. : La question de l’organisation territoriale est cruciale aujourd’hui. Sa responsabilité revient aux Caec. Faut-il un ou deux CFA régionaux avec des services à la hauteur des enjeux (allant chercher les entreprises, proposant des systèmes d’inscription, de suivi de qualité…) et des établissements en lien avec eux qui proposent uniquement des UFA ? Ou la création dans chaque établissement d’un CFA avec une structure de régulation régionale? Des schémas différents s’esquissent dans les territoires, dont la quasi-totalité s’est emparée du sujet.

 

Les enjeux du Salon ExcellencePro, initialement prévu mi-mars, et reporté mi-novembre, sont-ils différents ?

Y.R. :  Le contexte n’a fait que les renforcer ! L’Enseignement catholique n’est pas connu pour ses établissements professionnels, alors qu’il a beaucoup à apporter dans ce paysage en pleine mutation de la formation professionnelle. La visibilité de nos savoir-faire et savoir-être au service de la formation des jeunes et plus largement de celle de tous les professionnels sera le cœur du sujet. Avec l’objectif de formation des enseignants pour une orientation mieux éclairée vers la voie professionnelle sous toutes ses modalités.

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