Quand l’EMC mène aux EPI

Le collège parisien Sainte-Louise a participé à un parcours académique d’enseignement moral et civique (EMC) qui invitait des établissements voisins à se recevoir pour des rencontres littéraires et festives.


Par Virginie Leray

Une élève de 6e de Sainte-Louise raconte un récit fondateur à ses camarades du public
Une élève de 6e de Sainte-Louise raconte un récit fondateur à ses camarades du public - © V. Leray

Ce vendredi matin de printemps, la table est dressée, dans le CDI du collège Sainte-Louise, établissement parisien du XXe arrondissement. Théière, assortiment de pâtisseries, coussins, draperies et, bien en évidence sur la nappe de fête, un livre parcheminé… C’est dans un décor préparé avec soin par les élèves de la 6e Picasso que leurs camarades du collège public Jean-Baptiste-Clément prennent place pour un moment d’échange littéraire sur le thème de l’hospitalité. Cette séance de « contes nomades » s’inscrit dans un projet académique d’enseignement moral et civique (EMC) inter-établissements impliquant une dizaine de collèges de l’est parisien. Sa visée : échanger, à travers des lectures jouées, sur des textes fondateurs au programme de français de 6e, mais partager aussi un moment de convivialité. Se rencontrer ainsi autour de nourritures intellectuelles puis de pâtisseries faites maison, permet de contribuer à « construire une culture commune pour répondre à la barbarie, et d’armer les jeunes esprits contre les risques du prosélytisme sectaire et de la propagande communautariste », comme l’a rappelé l’inspectrice régionale de lettres, Françoise Gomez, présente à l’événement. En tailleur ou sur les chaises disposées en cercle, les jeunes participants s’observent, esquissent des sourires timides, avant de bientôt se mettre en scène les uns devant les autres. C’est Léonie de Prémorel, enseignante de français des 6es Picasso, qui débute, en présentant son « sac à histoires ». Les bruitages instrumentaux de ses élèves saluent l’entrée en scène des premiers conteurs qui se lancent dans un récit africain relatant le premier repas de l’humanité. Au fil des saynètes, le caractère itératif de certains contes permet même à l’auditoire de prendre part à la narration.

Patchwork patrimonial

Depuis les banquets de l’Odyssée jusqu’aux repas bibliques, en passant par les contes populaires traditionnels d’ici ou d’ailleurs, la quinzaine de textes partagés par les deux classes balaie un large registre. Après les lectures, les élèves, guidés par les enseignants, tissent ensemble des liens dans ce patchwork patrimonial. D’emblée, ils perçoivent les grandes ressemblances, à huit siècles et des milliers de kilomètres d’écart, entre les habitants de Damas dont la pingrerie est moquée dans Le livre des avares et l’Arpagon de Molière. Le Plampougnis, ce petit bougnat né d’ « éprondèles », ces restes de pâte à pain, leur évoque le pantin Pinocchio… « On a appris plein de choses mais aussi à se rencontrer, à être ensemble », résume Jules. Za, elle, a particulièrement apprécié les textes qui traitent de la cosmogonie « parce tout le monde s’interroge sur la naissance du monde et qu’on imagine tous des choses différentes ». Daphné et Rodolphe, quant à eux, ont retenu que « le mot hôte désigne à la fois celui qui reçoit et l’invité. Car l’hospitalité, c’est dans les deux sens ! Et d’ailleurs, là, on a décoré la salle, préparé des marque-pages à offrir, confectionné des gâteaux… mais bientôt, ce sera aussi à notre tour d’être reçus dans un autre collège. »

Après la séance de contes, les élèves partagent les gâteaux qu’ils ont préparés pour l’occasion
Après la séance de contes, les élèves partagent les gâteaux qu’ils ont préparés pour l’occasion - © V. Leray

Léonie de Prémorel partage leur enthousiasme pour ce dispositif qui offre un cadre riche et dont la souplesse facilite l’appropriation. « Cela m’a donné l’occasion d’une introduction grandeur nature à la séquence sur les contes prévue dans la progression. Et, bien que nous n’ayons eu que trois séances pour apprivoiser les archaïsmes et travailler la diction, ce type d’exercice oral est très profitable. Même ceux qui n’ont pas souhaité lire ont participé avec contes prévue dans la progression. Et, bien que nous n’ayons eu que trois séances pour apprivoiser les archaïsmes et travailler la diction, ce type d’exercice oral est très profitable. Même ceux qui n’ont pas souhaité lire ont participé avec constater que certaines attachent plus d’importance que d’autres à l’hospitalité. Pour les élèves, c’est une ouverture, ça agrandit leur réalité. » Pour l’heure, les jeunes font circuler les plateaux de pâtisseries de tous pays qu’ils ont confectionnées pour leurs hôtes : gâteaux au chocolat mais aussi baklava ou délicieuses cigarettes égyptiennes…

Pendant ce temps, Malouine, fier d’avoir fait l’effort d’une participation orale, ce qu’il évite habituellement avec soin, décompresse en entraînant les élèves de Jean-Baptiste-Clément dans une partie de baby-foot endiablée.

Travailler le climat scolaire

Anne-Christine Combeuil, chef d’établissement de Sainte-Louise, ne regrette vraiment pas de s’être lancée dans l’aventure académique des « contes nomades » : « Des rencontres de ce type contribuent à faire tomber les préjugés de part et d’autre, entre collégiens fréquentant le privé et le public. L’initiative influe aussi sur le climat de l’établissement, ce à quoi je suis particulièrement sensible puisque j’ai commencé mon parcours professionnel dans la vie scolaire. »

Une sensibilité qui a d’ailleurs poussé Anne-Christine Combeuil à plébisciter l’installation de baby-foot extérieurs dans la cour de récréation, lors des travaux qui ont transformé l’école Sainte-Louise en ensemble scolaire, voilà deux ans. « Par ailleurs, la collaboration qu’implique ce projet EMC au sein de l’équipe et en direction de l’extérieur préfigure bien l’esprit des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) qui seront inaugurés à la rentrée. Enfin, nous avons sans doute aussi été sollicités par l’académie pour notre habitude d’aborder la culture religieuse en cours. C’est aussi l’occasion de montrer à nos collègues du public combien la promotion du fait religieux dans les disciplines peut être profitable aux élèves », poursuit la directrice. Dès cette année, un projet conduit au collège entre des enseignants de lettres, d’histoire et de technologie autour de la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre a pris la forme d’un enseignement pratique interdisciplinaire avant l’heure. Et nul doute que l’étude conjointe de la Commune ou encore des rites gaulois, du mythe de la décapitation de saint Denis et des arcs-boutants ouvre aux questions de sens.

eca373Issu du magazine Enseignement catholique actualités n° 373, juin - juillet 2016, p 30 - 31

À retrouver dans l'ECA n° 373

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Le dossier de rentrée du magazine Enseignement catholique actualités n° 374 est consacré à la mise en œuvre du nouvel Enseignement moral et civique, de la maternelle au lycée.

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