Mis à jour le : 10 mars 2022 / Publié le : 24 octobre 2020
Prospective : en route vers 2030
Du 12 au 14 octobre, un séminaire dense et original a invité les responsables de l’Enseignement catholique à s’interroger, sans tabou, sur la raison d’être de l’Enseignement catholique pour envisager son devenir dans le monde de demain.
C'est une importante étape pour la dynamique prospective qui doit redescendre en territoires, se poursuivre en assemblée des directeurs diocésains au fil de l’année pour être jalonnée, en juin 2021, par les orientations qui seront votées par le Cnec.
Ci-contre, retours de participants sur le séminaire de Valpré en vidéo.
Une décision impose la fermeture de tout établissement de moins de 200 élèves : quel impact pour l’enseignement catholique ? Voici l’un des scénarii catastrophes sur lesquels 90 directeurs diocésains, représentants d’organisation professionnelle et responsables du Cneap, ainsi que les présidents de la Fnogec et de l’Association des parents d’élèves (Apel) ont planché lors du Séminaire Prospective qui s’est tenu à Valpré, près de Lyon, du 12 au 14 octobre derniers. Envisager l’abrogation de la loi Debré, une baisse massive d’effectifs, la réduction de 30% des Ogec, la privatisation globale du système scolaire ou a contrario un financement public illimité… Autant de cas de figure extrêmes qui ont poussé les responsables dans leurs retranchements, libéré la parole et incité à la créativité pour dessiner les contours de l’Enseignement catholique de demain.
Avec ces ateliers de réflexion d’une dizaine de participants, sans cesse recomposés au fil des trois jours, ce Séminaire n’avait rien d’un colloque ordinaire. Il a davantage ressemblé au vaste « atelier de production qui ouvre le champ des possibles grâce à l’intelligence collective et capitalisation d’expériences » que Pierre Marsollier, en charge des affires politiques au Sgec, cheville ouvrière de l’événement, a appelé de ses vœux dans son propos introductif. Partant du postulat que « le changement ne peut être pensé que par ses acteurs », il s’est appuyé, pour les mettre au travail, sur l’expertise de Co Design It, spécialiste des processus de transformation.
L’ouverture du Séminaire a visé à tirer un diagnostic collectif de l’existant via des mises en situation variées permettant par exemple d’endosser le point de vue d’un président Ogec, d’un directeur diocésain d’un secteur rural, d’un chef d’établissement de centre-ville… L’éclairage de grands témoins, pour la plupart extérieurs au monde éducatif, sur les évolutions sociétales actuelles (1) ont aussi permis aux participants de prendre de la hauteur. « Ce pas de côté bouscule et amène des responsables aux profils très divers à poser ensemble et sans tabou des questions ou des constats qui restent d’habitude informulés… Nous avons par exemple pu débattre de ce que serait la pire option entre un Enseignement catholique indifférencié du public, exclusivement élitiste ou spécialiste de la remédiation scolaire », a analysé Françoise Gautier, directrice diocésaine des Côte d’Armor.
Dans un deuxième temps, les participants ont élaboré des convictions partagées sur les stratégies à déployer. L’importance de formaliser les solidarités internes a conduit à ne plus les penser en termes de perte d’autonomie, d’absorption mais de complémentarité et de réciprocité. Des interrogations récurrentes sur le champ de la gouvernance ont établi la nécessité de réinventer un modèle économique aux sources de financement élargies par le mécénat et de nouveaux partenariats. La tension permanente entre une rationalisation en « supra structures » et la préservation d’une relation de proximité aux territoires a permis de poser clairement la question de l’échelle du changement.
Les débats ont aussi été traversés par de fortes attentes sur la formation initiale et continue des enseignants, comme levier d’acculturation au sens de l’Ecole catholique et à l’anthropologie chrétienne, comme l’a pointé Mgr Ulrich dans une synthèse des travaux qu’il a suivis de bout en bout. Face aux autres éléments « entendus et sous-entendus », -complexité organisationnelle, lourdeur de la charge de chef d’établissement, difficulté à former intégralement les jeunes , redéfinition des maillages territoriaux (tant du point de vue administratif qu’ecclésial), l’évêque a invité à « travailler le projet de l’École catholique, sa cohérence et sa visibilité, dans le souci d’une insertion juste dans une société sécularisée » et, pour ce faire, à questionner ce projet « en termes d’utilité et de service, sans doute en se posant la question de ce qui manquerait lorsqu’une école ferme ».
Au final, pas de vade me cum de la prospective mais un enthousiasme partagé autour des pistes de réinvention esquissées au dernier jour du séminaire. Parmi elles, celles de l’écologie intégrale, des pédagogies alternatives ou encore des villages éducatifs qui métamorphoseraient les établissements en plateforme de services, acteurs de l’économie et de l’animation des territoires. Une voie déjà explorée par les établissements agricoles du réseau, avec lesquels Virginie Bécourt, présidente du Synadec souhaite promouvoir des partenariats avec les écoles de leurs bassins.
Un autre sous-groupe emmené par Philippe Paré et Philippe Castille, directeurs diocésains de Lyon et de Chartres, a proposé une politique d’appel à projets innovants qui adjoindrait, au classique redéploiement interne de moyens horaires, une enveloppe d’investissements qui pourrait prendre la forme d’un fonds national abondé par la Fnogec et la Fondation Saint-Matthieu. François de Chaillé, directeur diocésain de Nanterre, a suggéré « d’élargir la participation financière aux capacités diocésaines, aux réserves académiques dédiées à l’innovation et jusqu’aux établissements eux-mêmes, dans une optique de responsabilisation ». Lui qui ouvre cette année un nouvel établissement à Clichy, territoire à fort besoins éducatifs, en ayant combiné ces ressources a encouragé : « à gagner en agilité dans l’utilisation des DHG qui peuvent être économisées par une utilisation judicieuse du distanciel par exemple pour être mutualisées à l’échelle diocésaine… voire interdiocésaine ! »
« Dans un temps d’envoi qui n’a rien de conclusif » Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique a recontextualisé ce Séminaire comme une étape de la dynamique prospective qui doit redescendre en territoires, se poursuivre en assemblée des directeurs diocésains au fil de l’année pour être jalonnée, en juin 2021, par les orientations qui seront votées par le Cnec ».
La feuille de route reste donc à écrire, mais il est déjà entendu qu’elle devra inspirer l’audace nécessaire pour habiter les marges de liberté qui permettront à l’Enseignement catholique de s’affranchir des déterminismes pour prendre son destin en main, dans la seule limite des « figures imposées par son projet que sont l’option préférentielle pour les pauvres, école inclusive et l’ouverture à tous ».
Retour d’enquête
Avec un tiers de diocèses n’ayant pas encore répondu à l’enquête prospective et des questionnaires comportant en moyenne un tiers de non réponse, Yann Diraison a regretté qu’elle ne puisse en l’état offrir « l’état des lieux détaillé attendu de la situation de l’Enseignement catholique » tout en relevant « l’absence de données essentielles aux négociations avec les partenaires publics. »
A titre d’exemple, un tiers des enquêtes reçues ne renseignent pas le montant des subventions d’investissement régionales ou départementales reçues, le nombre de salariés sur le diocèse, le nombre d’élèves hors-communes financés ni les projets d’ouverture pour les 10 ans à venir…
Crise sanitaire ? Manque de temps ? d’intérêt ? Gageons que le séminaire incitera à compléter cette photographie qui pour l’instant ne peut être exploitée que sur la moitié des académies…