Pour des élèves architectes de leur vie

Le petit-déjeuner débat de l’Apel du 27 novembre dernier, au Sénat, a permis de faire un état des lieux en demi-teinte de l’orientation en France. Des exemples de parcours d’éducation au choix réussis ont ensuite montré la voie à suivre.

Sylvie Horguelin

Pascal Charvet, IGEN auteur d'un rapport sur l'orientation ©SH

« L’orientation en France est un sujet complexe. Elle attache beaucoup trop d’importance au parcours scolaire et aux notes et pas assez à la personne et à l’ensemble de son potentiel… », a déclaré d’emblée Gilles Demarquet, président de l’Apel nationale, lors du petit-déjeuner débat que l’association de parents d’élèves avait organisé au Sénat le 27 novembre dernier, sur le thème : « Éduquer au choix pour une orientation réussie ».

Parmi les intervenants, Pascal Charvet, IGEN honoraire et auteur d’un récent rapport sur le sujet(1) n’a pas mâché ses mots : « L’orientation est devenue une affectation. Elle s’est externalisée de l’École (…) On ne peut réformer l’orientation qu’en la restructurant comme en Suisse, en Allemagne, au Danemark, avec un professeur référent ». Et de saluer les 54 heures d’aide à l’orientation introduites désormais en 2nde, 1è et terminale, en demandant que le sujet soit abordé dès le collège, « là où les inégalités de destin se forgent », avec du personnel formé pour accompagner les élèves. Car si tous les jeunes possèdent aujourd’hui « l’agilité numérique » nécessaire pour aller chercher des informations en ligne sur les filières et les métiers, une fracture se creuse quand il s’agit de se les approprier.

Les résultats du sondage réalisé par BVA pour l’Apel en octobre dernier, auprès de parents d’enfants scolarisés de la maternelle au supérieur, sont venus appuyer son propos. Ils révèlent que pour 75 % d’entre eux l’orientation est une source d’inquiétude et que seuls 42 % des parents ont le sentiment d’être bien accompagnés, un pourcentage qui chute de 35 % au lycée (2).

Des exemples vertueux sont donc à rechercher à l’étranger… La chercheuse suisse Jenny Marcionetti était venue présenter le parcours d’éducation au choix expérimenté, puis généralisé depuis 2016/2017, dans les collèges du canton du Tessin qui accueille 3 000 élèves. Intégré dans les disciplines, ce parcours permet aux élèves « d’élargir leurs connaissances du monde du travail, de soi et des autres », a-t-elle précisé. De plus, tous les enseignants ont reçu une formation de deux jours et des petits films, dont ils peuvent s’inspirer, sont à leur disposition.

Autre exemple, celui du Canada, représenté au Sénat par Lyse-Anne Papineau, en charge du Conseil scolaire catholique du Nouvel-Ontario. Dans cette province qui scolarise 1,9 M d’élèves, le gouvernement a publié un document « Tracer son itinéraire de réussite » qui se décline dès la maternelle ! Son objectif : aider les élèves à répondre à quatre questions : « Qui suis-je ? » ; « Quelles sont mes possibilités ? » ; « Que vais-je devenir ? » ; « Quel est mon plan pour l’atteindre ? ». Un portfolio suit l’élève tout au long de sa scolarité « dans son cheminement personnel, interpersonnel et professionnel », a précisé cette responsable. En Ontario, tout est mis en œuvre pour que « l’élève soit architecte de sa vie » !

La France n’était toutefois pas en reste, lors de cette rencontre, le collège Saint-Michel d’Annecy, étant venu présenter sa démarche « orientation/vocation ». Francis Marfoglia, professeur de philosophie à l’origine de ce projet, était accompagné de deux élèves : Aude, en Tle (notre photo) et Pablo, en 2nde. Une semaine sur deux, tous les mardis, de 13h30 à 15h30, les élèves suivent des ateliers sur la connaissance de soi, animés par des enseignants du lycée et des intervenants extérieurs (dont des parents d’élèves). La préférence de Pablo est allée à l’atelier d’écriture « qui permet de se mettre à nu » et « de mieux connaître les autres quand ils lisent leur texte » ; tandis qu’Aude a beaucoup aimé « l’atelier admiration » qui consiste à regarder un film puis à s’interroger sur les personnages qui nous touchent et auxquels on s’identifie. « Tous les hommes sont intelligents, a déclaré Francis Marfoglia en invoquant Descartes, s’ils sont bien conduits, ils peuvent atteindre les sommets ! ».
De son côté, l’Apel entend apporter sa contribution en repositionnant son service ICF (information conseil des familles). « Désormais, il aura pour mission de former les parents afin qu’ils comprennent mieux les rouages », a annoncé Catherine Romuald, responsable ce service au niveau national et présidente de l’Apel Guadeloupe où « chaque établissement possède désormais un correspondant ICF ».

En conclusion, Gilles Demarquet a reconnu que les dernières décisions du gouvernement allaient dans le bon sens « mais il faut aller plus loin en renforçant l’accompagnement à l’orientation dès le collège ». Les six propositions de l’Apel vont dans ce sens

Les propositions de l'Apel pour renforcer l'accompagnement à l'orientation dès le collège

 

En instaurant un professeur référent et coordinateurde toutes les activités autour de l'orientation dans chaque établissement

En formant les enseignants à l'éducation au choix

En proposant aux collégiens au travers d'ateliers une éducation au choix leur permettant d'acquérir une meilleure connaissance de soi

En s'appuyant sur le lien école/famille et sur un plus grand partenariat avec les entreprises pour développer la connaissance des métiers

En informant les parents sur les réformes et les défis de l'orientation

En développant une culture de l'éducation au choix auprès des familles le plus tôt possible

 

Gilles Demarquet et Aude, élève de Tle ©SH

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