Mis à jour le : 24 avril 2025 / Publié le : 23 avril 2025

« Plus jamais ça ! »

L’Enseignement catholique accueille la douleur de la vague inédite de victimes de violences physiques et sexuelles qui se sont déroulées en son sein et promet que de telles trahisons ne pourront plus se produire.

 

Stop violences élèves affiche à destination des écoles
Stop violences élèves affiche à destination des collèges
Stop violences élèves affiche à destination des lycée
Trois affiches éditées par le Sgec pour les établissements (écoles/collèges/lycées).
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« Plus jamais personne ne doit protéger l'institution plutôt que protéger les enfants. » C’est avec une « profonde compassion pour les victimes » que Philippe Delorme, le secrétaire général de l’Enseignement catholique, s'est exprimé sur le scandale des violences physiques et sexuelles perpétrées à Bétharram et dans plusieurs établissements de l’Enseignement catholique. « Toute complaisance ou tentative de dissimulation de situations doit être punie. Et l’Enseignement catholique doit collectivement porter la responsabilité de son passé et reconnaître les fautes commises. Le temps de la loi du silence doit être révolu. »

Le message, très clair, a été martelé au fil d’une séquence médiatique intense, courant mars dernier, puis devant la commission d’enquête parlementaire sur le contrôle et la prévention des violences en milieu scolaire. Son audition, qui a eu lieu le 3 avril dernier, a permis à Philippe Delorme de procéder à quelques éclaircissements : les discussions avec le ministère autour du renforcement des contrôles et du cadre de la loi Debré ne signifient en aucun cas leur refus. Il n’y a d’ailleurs pas non plus d’opposition à des contrôles inopinés dans les internats ni à la mise à disposition des élèves de questionnaires sur leur bien-être, a fortiori en cas de remontées d’informations préoccupantes.

Surtout, le secrétaire général l’affirme : « L’Enseignement catholique d’aujourd’hui n’est pas le Bétharram d’hier. » Et il faut distinguer les drames passés des enjeux de protection actuels. « Car la vague de révélations, pour douloureuse qu’elle soit, n’est pas une surprise : l’alerte avait déjà été donnée en 2021 par la Ciase1 qui révélait qu’un tiers des 330 000 abus sexuels sur mineurs perpétrés par des religieux s’étaient produits dans des établissements catholiques et les petits séminaires. La proportion montait même à 40 % entre 1950 et 1970 pour redescendre sous les 5 % à partir des années 1990 », rappelle Philippe Delorme. À l’époque, ces révélations avaient incité le Sgec à mettre les bouchées doubles pour continuer à déployer le 3PF (Programme de protection des publics fragiles). Lancé en 2018, il s’appuie aujourd’hui sur un réseau de 122 référents diocésains formés à traiter et à prévenir toutes les formes de violences survenant dans les établissements. En les adossant ou non aux cellules d’écoute mises en place dans les évêchés après la publication du rapport de la Ciase, certaines directions diocésaines ont aussi structuré des équipes pluridisciplinaires, aguerries au recueil de la parole et au fait des procédures de signalements. Une partie d’entre elles, comme à Lille et à Paris, ont conventionné avec les Parquets locaux pour fluidifier les suivis.

La qualité des circuits d’alerte de l’Enseignement catholique dépend aussi de celle des échanges avec les Rectorats où aujourd’hui, les remontées se font la plupart du temps de manière systématique. Pour renforcer encore cette interlocution, Philippe Delorme a proposé d’améliorer l’application Faits Établissement – qui centralisera désormais tous les signalements réalisés par le privé sous contrat auprès des académies – afin de permettre un suivi conjoint du DSDEN et du directeur diocésain pour les cas ayant conduit à une saisie de la Crip ou du Procureur. Philippe Delorme a souligné que la subsidiarité de l'Enseignement catholique ne l'empêcherait pas d'harmoniser les processus en vue de faciliter les remontées nationales. Les travaux de la commission d’enquête ont néanmoins souligné que les services départementaux de la protection de la jeunesse présentaient une variété de fonctionnement tout aussi importante et que l’efficience du système impliquait une refonte globale. Sur le plan de la prévention, Philippe Delorme mise aussi sur l’EARS (Éducation affective, relationnelle et sexuelle), réseau qui s’est développé en lien avec celui du 3PF et qui s’emploiera à ce que la mise en œuvre des programmes Evars contribue à libérer la parole et à diffuser aussi la bientraitance éducative.

Virginie Leray
1. Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église.

PROGRAMME DE PROTECTION DES PUBLICS FRAGILES

Depuis 2018, un réseau de 122 référents diocésains accompagne le déploiement du programme 3PF dans les établissements scolaires en s’appuyant sur la méthodologie du plan Boussole. Le Sgec organise pour eux chaque année une session de trois journées de formation et de mutualisation des pratiques. La prévention des violences est aussi incluse dans la formation initiale des enseignants en Isfec et dans celle des chefs d’établissement. Le réseau 3PF travaille conjointement avec celui des référents EARS.

Pour garder le cap

La Journée interdiocésaine de Dijon, Sens-Auxerre sur la bientraitance éducative du 26 mars dernier a permis aux établissements bourguignons d'échanger sur la mise en œuvre du plan Boussole. À Joigny (89), le groupe scolaire Saint-Jacques s’est emparé de cet outil d’autodiagnostic pour évaluer le climat scolaire et relationnel de son établissement. Un processus en plusieurs étapes : réunir l’ensemble de la communauté éducative (du personnel de cantine à l’enseignant), recueillir leur perception sur le sujet puis défi nir des indicateurs à suivre dans le temps pour maintenir les bonnes habitudes et changer ce qui doit l’être. Attention : certaines questions sur l’implication des parents dans l’école ou sur l’aménagement des toilettes sont très précises, ce qui peut, tout comme le principe d’évaluation, susciter quelques réticences initiales. « Les notes ne sont que des prétextes à la discussion, prévient Christophe Armanet, du département Éducation du Sgec. Une occasion de mettre sur la table ce dont d’habitude on ne discute pas. » Émilien Klufts, le chef d’établissement, confirme : « En plus d’aider l’équipe à se saisir collectivement de la question, le questionnaire Boussole, travaillé en journée pédagogique, a suscité une candidature spontanée à la mission de référente EARS ! »

« Brisons le silence »

PPPF-Girault

Mieux recueillir la parole des élèves et prévenir toute forme de violence. C’est l’objectif du plan « Brisons le silence, agissons ensemble », présenté mi-mars dernier par Élisabeth Borne, suite à l’affaire Bétharram. Ce plan est fondé sur trois piliers. Comme dans le public, les établissements catholiques devront systématiquement faire remonter au niveau académique tout fait sensible via l’application Faits Établissement. Un réflexe déjà répandu dans le réseau. Les cas graves devront être transmis au ministère.

Ensuite, une nouvelle procédure du recueil de la parole des jeunes sera mise en place pour la rentrée 2025.Des questionnaires anonymes en ligne seront proposés aux élèves après les voyages scolaires comportant au moins une nuitée ainsi qu’aux internes, à chaque trimestre. À « la moindre alerte », des entretiens avec des professionnels sociaux, de santé, et des psychologues seront organisés. Ces deux nouvelles mesures s’assortiront du renforcement des contrôles dans les établissements privés sous contrat, troisième pilier de ce plan ministériel. Visant le contrôle de 40 % des établissements privés sous contrat dans les deux prochaines années, la ministre de l’Éducation nationale a annoncé une hausse des effectifs d’inspecteurs dédiés, qui seront portés de 140 à 200. Les contrôles se feront pour moitié sur place alors qu’ils se faisaient jusqu’à présent à trois quarts sur pièce.

Noémie Fossey-Sergent

NUMÉROS D’ALERTE
119 : ligne d’écoute dédiée à l’enfance maltraitée.
30 18 : numéro académique pour alerter sur toute forme de violences en milieu scolaire (harcèlement et violences numériques).
08 06 23 10 63 : Service téléphonique d'orientation et de prévention dédié aux personnes atteintes du trouble pédophilique des CRIAVS (Centres de ressources pour les intervenants auprès d’auteurs de violence sexuelle).

POUR LES VICTIMES EN MILIEU ECCLÉSIAL
Cellules d’écoute dans chaque évêché.
116 006 : numéro national d’aide aux victimes (géré hors Église par France Victimes).
Les instances de réparation de la CEF et de la Corref qui ont accompagné 2 500 personnes depuis 2021 :
Inirr : secretariat@inirr.fr
CRR (Commission de reconnaissance et réparation) : 09 73 88 25 71

Articles parus dans ECA n°426 (Avril-Mai 2025)

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Philippe Delorme - bureau

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