Pour améliorer l’apprentissage des élèves

Pour Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation à l’Université de Paris et directeur du labo LaPsyDé, on ne pourra améliorer l’apprentissage des élèves sans revoir la formation des enseignants.

Propos recueillis par Noémie Fossey-Sergent

 

Que nous disent les neurosciences sur les stratégies à instaurer pour améliorer l’apprentissage des élèves ?

G. B. : Les données en psychologie de l’apprentissage (qui existent depuis près de cinquante ans) montrent qu’on peut jouer sur la mémorisation, la concentration et la motivation de l’élève. En posant par exemple des questions aux élèves, toutes les vingt-cinq minutes environ, on les amène à se tester, à s’auto-évaluer sur ce qu’ils ont appris. L’enjeu, c’est que l’élève s’autonomise et prenne l’habitude de faire cela seul.

Autre constat : corriger un devoir trois semaines après qu’un élève l’a rendu, est inefficace. Le cerveau apprend par essai/erreur et il a besoin de le faire dans un temps rapproché. Pour y parvenir, l’enseignant peut recourir au numérique avec des corrections instantanées. On a découvert ainsi que l’apprentissage de la graphie sur tablette est plus efficace que sur papier : quand les enfants tracent les lettres, le logiciel leur montre en temps réel le geste attendu. Enfin, on sait que l’évaluation sommative casse la motivation. Mieux vaut réaliser une évaluation formative, en présentant à l’élève ce qu’il a acquis et ce qu’il lui reste à améliorer. Définir des objectifs clairs pour les apprenants avant d’entrer dans le contenu de l’apprentissage les aide aussi à persévérer.

 

Vous avez travaillé sur l’application de ces techniques aux élèves de milieux défavorisés. Pourquoi ces derniers peuvent-ils particulièrement tirer profit des connaissances sur le cerveau ?

G. B. : Parce que ces connaissances permettent de compenser les inégalités éducatives dues au milieu social d’origine des élèves. Les connaissances et stratégies métacognitives sont moins bonnes chez les enfants de milieux défavorisés. Cela explique en partie, dès la maternelle, les inégalités éducatives dans le développement du langage et l’acquisition des mathématiques. Il est donc primordial que l’on puisse enseigner très explicitement ces connaissances et stratégies métacognitives. Par exemple, il est essentiel d’expliquer à ces élèves l’importance de l’attention en classe pour leur mémorisation, leur montrer comment évaluer ce qu’ils ont appris, en bref leur donner les clés pour bien apprendre. La maternelle devrait être le lieu où l’on apprend à apprendre. On devrait ensuite seulement entrer dans les fondamentaux (lire, écrire, compter).

 

Les enseignants s’appuient-ils sur ces connaissances ?

G. B.: Il est difficile de le savoir mais on sent une appétence croissante pour ces questions. Elle est plus forte chez les professeurs du 1er degré. Dans le 2d degré, le dispositif des « cogni’classes », a rassemblé jusqu’à 3 000 classes dans les collèges et lycées. On voit aussi dans les plans académiques de plus en plus de propositions de formation sur ces thèmes. Si on veut un impact sur les apprentissages, il faut que les enseignants s’acculturent à ces connaissances scientifiques. Aujourd’hui, les maquettes de formation initiale des enseignants ne leur font aucune place. Ils n’ont en général que trois heures sur le développement cognitif de l’enfant.

 

Qu’ont à gagner les professeurs à utiliser en classe ces techniques ?

G. B. : Ceux qui travaillent avec nous, via les appels à projets témoignent d’un regain de motivation, de créativité. Cela les remet dans des postures d’interrogation pédagogique. Avec les neurosciences, ils deviennent des chercheurs, posent un regard neuf sur certains élèves… Participer à des recherches leur donne aussi une culture scientifique. Plus largement, appliquer en classe des mécanismes d’apprentissage efficaces et scientifiquement prouvés, c’est participer à la transformation de notre système éducatif afin qu’il fasse réussir tous les élèves. J’invite les enseignants qui veulent se lancer à consulter notre blog de vulgarisation scientifique www.le21dulapsyde.com, à se renseigner sur les « cogni’classes »… et à se former .

 

Un établissement peut-il participer à un projet de recherche que vous menez ?

G. B. : Oui, par deux biais. Il y a les recherches que nous menons au laboratoire LaPsyDÉ. Nous travaillons par appels à candidature avec des établissements privés et publics, de la petite section de maternelle jusqu’à l’université, à proximité du laboratoire donc plutôt en région parisienne. Pour certains projets les élèves viennent au laboratoire notamment pour les projets qui nécessitent d’enregistrer l’activité du cerveau pendant que les élève résolvent des problèmes, lisent ou comptent. Pour d’autres projets, les chercheurs vont dans les écoles pour recueillir des données. À l’issue du projet, on présente ensuite à l’équipe pédagogique et aux élèves ce qu’on a observé et ce que cela implique en matière de pédagogie…

Les enseignants peuvent prendre une part plus active à nos recherches dans une démarche de recherche ouverte et participative à l’aide d’une plateforme en ligne. Depuis quatre ans, nous avons en effet un partenariat avec les éditions Nathan qui nous permet via le site lea.fr de proposer à toutes les classes de France et d’ailleurs une participation à une rechercher collaborative. Le principe, cette fois, est de co-construire des projets de recherche avec les enseignants. Nous n’intervenons pas en classe. Ce sont eux qui co-construisent la recherche, mènent les expérimentations et collectent les données. Récemment, on a lancé une expérience en ligne avec près de 4 000 collégiens et 500 enseignants sur le thème d’apprendre à apprendre. On leur a expliqué comment fonctionne le cerveau, le rôle du sommeil et du stress sur les apprentissages. Les premiers résultats suggèrent que ce type d’intervention favorise des conceptions moins fixistes de leurs compétences scolaires (je suis bon, je suis mauvais) et donc leur motivation à apprendre.

 

Quels champs de recherches, en rapport avec les apprentissages, restent selon vous à explorer ?

G. B. : Je pense que la question des parents est encore un angle mort de notre travail. On s’est beaucoup focalisés sur les enseignants. On a donc lancé un projet pour intervenir auprès de parents de milieux défavorisés, dont les enfants sont scolarisés en REP et REP+ dans l’académie de Paris et de Versailles. On va proposer une intervention par semaine durant ving-quatre semaines (une petite vidéo que les parents recevront sur leur portable et qui expliquera un concept de neurosciences suivi d’une activité à faire avec leur enfant) et voir si cela réduit les inégalités éducatives.

 

Quelques ressources pour aller plus loin

 

Un livre

Grégoire Borst est co-auteur de Les neurosciences cognitives dans la classe – Guide pour expérimenter et adapter ses pratiques pédagogiques (ESF, 2021), avec des fiches pratiques écrites par deux enseignants.

 

Un site

https://sciences-cognitives.fr/

 

 

Le labo du cerveau

Le laboratoire du CNRS LaPsyDé (Laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant) combine approches comportementales et imagerie cérébrale pour comprendre les lois de l’apprentissage dans le cerveau. Il applique les connaissances obtenues en laboratoire aux classes et évalue ensuite ces techniques. Le LaPsyDé travaille avec un réseau d’établissements à qui il propose régulièrement de participer à des recherches collaboratives.

Le site du laboratoire : lapsyde.com

Son blog de vulgarisation : le21dulapsyde.com

Appel à recherches collaboratives : lea.fr

 

Sans oublier le Hors-série du magazine Enseignement catholique Actualités, dont cette interview est tirée

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