Les parents et l’École : des attentes et attitudes variables

Le 15 novembre dernier, au Sénat, l’Apel nationale a organisé son petit-déjeuner débat annuel sur le thème « Parents d’élèves : consommateurs ou acteurs ? », à partir d’un sondage Ipsos commandé par la fédération. Trois experts ont nourri l’échange.

Noémie Fossey-Sergent

Catherine Becchetti Bizot, médiatrice de l'Education nationale, analyse les résultats du sondage Ipsos/Apel- ©Marc Guidoni

En septembre dernier, l’institut de sondages Ipsos a réalisé, sur demande de l’Apel nationale, une enquête auprès de 1 200 parents d’élèves de l’Enseignement catholique, de la maternelle au lycée, portant sur leurs perceptions et attentes vis-à-vis de l’École. Ses premiers résultats ont été dévoilés lors du petit-déjeuner débat organisé par l’association au Sénat, le 15 novembre dernier.

Si 92 % d’entre eux pensent qu’ils doivent coopérer étroitement avec l’École et que leur implication dans la scolarité de leurs enfants est la principale clé de réussite, ils se révèlent assez différents dans leur comportement. « Il y a deux grandes catégories (cf. le détail en encadré). 53 % sont des parents acteurs, c’est-à-dire impliqués dans la vie de l’École mais avec des attentes fortes pour la réussite et l’épanouissement de leur enfant, et 47 % sont plutôt consommateurs, dans le sens où ils ont une attitude plus distante avec une logique de délégation », analyse Federico Vacas, de l’institut de sondages Ipsos.

Médiatrice de l’Éducation nationale, Catherine Becchetti Bizot (au micro sur la photo) observe que l’augmentation des conflits École/familles pour lesquels elle est saisie par les parents de l’enseignement privé et public s’analyse de deux façons. « On peut y lire à la fois l’anxiété des familles, qui ont parfois un sentiment de mise à l’écart de la part de l’École, mais aussi un souhait de s’impliquer davantage dans l’éducation de leur enfant », explique-t-elle. Elle remarque cependant une nouveauté : « La tendance à vouloir s’impliquer dans le contenu des enseignements et de contester parfois la capacité des enseignants à évaluer. » Selon elle, la crise sanitaire a joué un rôle dans les modifications de comportement des parents. Certains sont aujourd’hui plus impatients, exigeant une grande réactivité des enseignants, par exemple pour une réponse à un mail, « parce qu’ils s’étaient habitués durant le confinement à échanger presque instantanément avec l’enseignant de leur enfant ».

 

Inviter les familles à participer

Jérôme Gaillard, directeur de l’école Saint-Vincent à Hendaye (64), a choisi de demander à chaque famille de s’investir 3 heures par an pour des activités de la communauté éducative. Sandrine Simon, directrice d’école Jeanne-d’Arc, à Figeac (46), a pour sa part personnalisé la charte éducative de confiance de son établissement en demandant aux représentants des parents de réfléchir au rôle qu’ils souhaitaient y avoir. Pour cette dernière, l’attente forte des familles, qui peut parfois être oppressante pour la communauté éducative, est à mettre en lien avec le besoin de sécurité et de protection depuis la Covid et les actualités anxiogènes. Un constat partagé par les deux autres intervenants, qui notent que la sécurité et le bien-être de leur enfant est devenu une des attentes principales des familles, et qu’à l’inverse leur mal être (via le harcèlement, les réseaux sociaux notamment…) est l’une de leurs grandes craintes.

Une piste, selon Catherine Becchetti Bizot, serait de reconnaître le rôle et l’expertise de chacun, parents d’un côté, équipe enseignante de l’autre, et de montrer que la dynamique collective de l’établissement sert le suivi individuel de l’enfant. Elle suggère aussi d’être vigilant sur la forme des échanges. « Beaucoup de parents se sentent convoqués par l’établissement, et pas invités pour échanger au sujet de leur enfant », note-t-elle. Ce qui peut d’autant plus les braquer s’ils ont eu eux-mêmes une mauvaise expérience de l’école enfant…

Comment faire alors pour que, comme le veut l’esprit du Statut, les parents de nos établissements soient les premiers éducateurs de leurs enfants et s’investissent au sein de l’établissement, sans pour autant se montrer intrusifs envers les enseignants ?

Un autre levier, comme en a témoigné Laurence Weerts, coordinatrice du Pacte pour un Enseignement d’excellence, en Belgique, pourrait être de donner un pouvoir accru aux parents au sein de l’École. Notre voisin a en effet demandé à ses établissements de solliciter l’avis des familles, réunies dans un « conseil de participation » sur les projets de la vie de l’École quatre fois par an (au lieu de deux jusqu’à maintenant), en plus d’un avis obligatoire sur le projet de l’établissement. Les parents belges sont également poussés à devenir davantage acteurs de la scolarité de leur enfant grâce à un outil numérique activé par l’enseignant en cas de difficulté de l’élève. « Les enseignants sont tenus par cet outil de formaliser un dialogue précoce avec la famille », souligne Laurence Weerts.

Enfin, Federico Vacas a mis en exergue une information encourageante : sociologiquement, les milieux sociaux sont divers dans les deux catégories. Ce qui veut dire que ces comportements vis-à-vis de l’École ne sont pas liés à des facteurs socio-démographiques et qu’il y a donc une vraie possibilité pour que les 47 % de consommateurs basculent un jour dans la catégorie acteurs. Une perspective que s’est donné Gilles Demarquet, président de l’Apel nationale, en conclusion : « Le sondage montre que nos familles veulent jouer un rôle au sein de l’établissement mais il faut aller les chercher, les motiver. »

Qui sont les parents ?
Six catégories au total…

L’institut de sondages Ipsos a réalisé pour l’Apel nationale un sondage auprès de 1 200 familles de l’Enseignement catholique en septembre dernier. Les deux grands groupes identifiés – parents acteurs et parents consommateurs, plus passifs– se subdivisent chacun en trois sous-catégories. Parmi les parents acteurs, il y a « les exigeants impliqués » (23 %), qui ont des attentes très fortes envers l’école en termes de niveau, d’encadrement, mais qui s’investissent aussi beaucoup en son sein ; les « conservateurs impliqués » (20 %), qui eux ont inscrit leur enfant dans le privé parce que l’enseignement religieux, la tradition et les valeurs morales sont clés ; et enfin les « déçus du public » (10 %), qui ont à l’inverse peu d’attachement à l’aspect religieux et veulent voir réussir leurs enfants.

Parmi les parents consommateurs, on distingue les « conservateurs modérément impliqués » (20 %), qui ont choisi le privé par tradition, ayant souvent eux-mêmes fait leur scolarité dans l’Enseignement catholique ; les « modérément impliqués » (16 %), aux attentes moyennes, sans attachement fort à la tradition ni à l’enseignement religieux, et enfin « les désimpliqués » (11 %), des parents distants et peu impliqués dans la scolarité de leurs enfants.

 

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