Le tour de France Prospective passe en Occitanie

Après Angers et Lille, c’est à Narbonne que le tour de France de la Prospective a fait étape, le 26 novembre dernier. Un brainstorming joyeux a permis à 130 acteurs de l’enseignement catholique de la région Occitanie, issus de treize diocèses, d’imaginer l’avenir avec optimisme.

Sylvie Horguelin

Le vent soufflait fort le 26 novembre dernier au Parc des sports et de l’amitié de Narbonne (11). C’est dans un immense barnum bercé par les rafales que cent-trente représentants de l’enseignement catholique d’Occitanie se sont retrouvés pour leur Journée Prospective. Une grande première que ce rassemblement qui réunissait les membres des communautés éducatives de treize diocèses ! Reçus par l’équipe du Comité régional de l’enseignement catholique (Crec) chargée de la logistique – Marie Lasserre et Olivier Surel –, les participants ont aussi été accueillis par les élèves de BTS Économie sociale et familiale du lycée Beauséjour de Narbonne, à la bonne humeur contagieuse. En ouverture de la journée, il revenait à Bénédicte Andréjac, présidente du Crec et directrice diocésaine du Gers, de présenter la région Occitanie, après le mot d’accueil du maire de Narbonne, Didier Mouly, ancien élève de l’enseignement catholique.

« Nous allons vivre un temps d’intelligence collective guidé et animé par Codesign-it!, a expliqué Bénédicte Andréjac. Ce temps, voulu par le Secrétariat général dans le cadre d’une démarche prospective nationale, est décliné dans chaque région de France (…). Nous sommes là pour oser, rêver ensemble. L’enseignement catholique a besoin de vous ! » Et Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique, de poursuivre : « Nous comptons sur vous pour enrichir la démarche car chaque territoire a ses spécificités. » Le top départ pour une journée en mode World Café était donné !

Rythmée par des séquences de travail de trente minutes, la journée a permis aux participants (chefs d’établissement, enseignants, élèves, personnels Ogec, responsables des Apel ou membres des directions diocésaines…) de débattre d’un maximum de sujets en s’arrêtant à des tables qui présentaient chacune un thème. Petit tour d’horizon.

Tout commence par un diagnostic…

 

La table 11 invitait à s’interroger sur le « cadre législatif et réglementaire en constante évolution ». Animé par François Reichert, directeur diocésain du Tarn et de Garonne, le groupe compte Mgr Alain Planet, l’évêque de Carcassonne et de Narbonne qu’on identifie à sa croix pectorale, car chaque participant est masqué (pandémie oblige) et porte un badge avec son seul prénom. « Les réformes se succèdent. Le cadre est de plus en plus en mouvement. Dans ces conditions, il est difficile d’avoir une vision prospective, expose François Reichert. On éprouve de la lassitude. Un peu d’immobilisme ferait du bien. » Le débat est lancé. Loin d’être dans la seule déploration, les participants soulignent la liberté pédagogique dont dispose l’enseignement catholique pour ne pas se laisser enfermer dans les contraintes réglementaires...

 

Table 13, on échange sur le fait que « le commun d’une conception chrétienne de la personne humaine semble parfois s’effacer ». Manon, étudiante au lycée Beauséjour, s’inscrit en faux : « J’étais en CM2 dans le public en décrochage sans qu’on s’occupe de moi. Je suis entrée dans l’enseignement catholique qui privilégie l’accompagnement du jeune et cela a tout changé. » L’élève y est vu comme une personne, renchérit un président d’Apel, tandis que Marianne Lanticq, chef d’établissement de l’école Saint-Martin de Vic-en-Bigorre (65), expose que la conception chrétienne de la personne doit toutefois être explicitée davantage. Il faut que les établissements présentent mieux ce qu’est l’enseignement catholique. « Je n’osais pas inscrire mon enfant car j’étais divorcée », lui a confié un jour une mère… Que de fausses représentations à changer !

Suit un travail sur les axes stratégiques

Les éléments de diagnostic posés, il fallait repérer des leviers de transformation regroupés en quatre axes : « affermir et mieux faire connaître notre projet d’éducation intégrale de la personne » ; « développer la liberté et l’excellence éducative et pédagogique pour tous » ; « adapter et déployer une offre éducative actualisée » ; « renouveler le modèle économique et la gouvernance ».

 

La table 15 s’est emparée de ce dernier axe. Geneviève Malavieille, chargée de mission pour le 1er degré à Mende, en Lozère, explique au groupe : « Nos écoles rurales sont menacées. Il faut qu’on soit meilleur. Chaque établissement doit avoir un projet attractif. Allez voir Sainte-Émilie, à Fournels, l’équipe de cette école où l’on pratique la coopération, est très soudée ! » Mathieu Baldit, chef d’établissement du collège/lycée Immaculée-Conception à Espalion, dans l’Aveyron, témoigne à son tour : « Mon établissement était au bord du dépôt de bilan. Maintenant, tout va bien. J’ai créé un internat permanent pour des élèves internationaux. Il faut élaborer un projet fort. Avoir de l’audace. Quand il y a de l’enthousiasme, l’argent arrive ».

Table 8, on se demande comment « développer la liberté et l’excellence éducative et pédagogique pour tous ». Flavy, une élève de Beauséjour, dénonce la pression exercée par les profs et les parents au nom de la recherche de cette excellence. Tandis qu’un chef d’établissement rappelle à tous que « l’excellence doit consister à aider chacun à tirer le meilleur de lui-même ». Pour les élèves en bac pro, l’excellence ce pourrait être de faire un stage à l’étranger, avance un membre de l’Udogec de Perpignan.

Table 1, chacun réfléchit à la meilleure façon d’« affermir et mieux faire connaître notre projet d’éducation intégrale de la personne ». Jean-Pierre Mazeau, chef d’établissement de Beauséjour, témoigne : « On a demandé aux parents pourquoi ils choisissaient notre lycée. L’élément catholique arrive très loin. Le premier motif, c’est l’accompagnement, le projet éducatif c’est-à-dire la formation intégrale de la personne. Dans notre établissement, chacun chemine ensemble librement. Et je reste toujours étonné quand j’ai des élèves de terminale qui demandent à être baptisés.». Un collègue de l’Hérault poursuit : « il nous faudrait mieux montrer que ce sont là les fruits de l’évangile ». Le groupe conclut qu’il y a deux niveaux de communication à travailler : le dire et le faire.

On termine par des actions concrètes…

Après une courte pause déjeuner, arrive la troisième phase : celle des actions concrètes. Il revient à chacun de choisir un thème dont il pourrait se saisir avec son équipe.

Table 13 pour « déployer une offre éducative actualisée », Caroline Le Blevenec, directrice de l’école Sainte-Germaine à Toulouse, a déjà ouvert, en septembre dernier, une annexe dans une zone défavorisée. François Reichert, quant à lui, invite à élargir l’offre éducative à la crèche, comme cela se pratique à Nîmes à l’Institut Emmanuel-d’Alzon. Mais aussi au périscolaire en nouant des partenariats avec des clubs sportifs ou les mouvements scouts. De fait, les parents apprécient les activités péri – avant et après l’école –, y compris pendant les vacances, reconnaissent les participants. Ces derniers font état de besoins nouveaux en matière de formation pour avancer dans ce domaine : formation au lobbying, à la collecte de fonds, au crowdfunding mais aussi à la création d’associations.

Table 15, il est proposé de « donner corps à une économie du partage entre établissements à travers la fusion d’Ogec ou la constitution d’ensembles scolaires ». De fait, dans les départements ruraux, avoir une Ogec pour chaque petite école est un handicap. « Il faut lever les freins pour avoir un seul président par bassin géographique », soutient un président d’Ogec. Un responsable d’Urogec complète le propos en préconisant de s’appuyer sur les tableaux de bord d’Indices pour montrer les expériences qui marchent et convaincre les équipes du 1er degré réticentes. « On fonctionne encore trop à l’affectif dans les écoles », souligne-t-il.
Table 7, l’idée qu’il faudrait présenter aux enseignants et cadres éducatifs des expériences menées dans d’autres établissements ou pays pour « développer la liberté éducative et pédagogique » fait l’unanimité. Les marchés de connaissances pédagogiques et autre « pédagotroc » lyonnais sont cités en exemple. Tout comme l’ouverture par le Sgec d’une plateforme des initiatives et le travail réalisé par les Laboratoire national des initiatives (et ses déclinaisons régionales). Certains proposent de profiter de la réforme de la formation initiale pour aller visiter des collègues dans d’autres établissements, pendant que les professeurs stagiaires effectuent leur stage dans leurs classes.

 

Bye bye Narbonne !

La journée s’est conclue par un affichage coloré de post-it sur lesquels chacun avait écrit des mots résumant la journée. On pouvait lire sur le tableau : partage, échange, convivialité, ouverture, dynamisme, espérance, innovation, joie…
« Vous avez vécu une démarche de synodalité et formulé des propositions, comme les autres régions, a déclaré Philippe Delorme. Avec les instances de l’enseignement catholique, il nous faudra les prioriser. Certaines pourront être travaillées au niveau régional… » Le mot de la fin fut prononcé par Mgr Alain Planet. « Courage, c’est moi ! », a-t-il lancé avec l’humour qui le caractérise. Puis l’évêque a souligné la richesse de cet « échange intergénérationnel » avant de marteler : « Ce qu’il faut remettre au centre, c’est le Christ. Dieu qui est venu parmi nous ». Et d’inviter chacun à repartir « avec ce qu’il a découvert et le souvenir des demi-visages des personnes rencontrées ».

Fiche d’identité de l’Occitanie

 

Avec près de 73 000 km2, l’Occitanie est la deuxième région de France en surface. Elle représente deux fois la Belgique. Et compte pas moins de 13 diocèses: Albi (81), Auch (32), Cahors (46), Carcassonne (11)/Narbonne (11), Mende (48), Montpellier (34), Montauban (82), Nîmes (30), Pamiers (09), Perpignan-Elne (66), Rodez (12), Tarbes/Lourdes (65), Toulouse (31).

Constituée de plaines à l’ouest, elle débouche sur la Méditerranée à l’est et est encadrée par deux massifs montagneux au nord et au sud. La Région compte 6 M d’habitants, avec une population qui accueille chaque année 50 000 habitants de plus. Elle est dominée par deux métropoles, Toulouse et Montpellier, avec 26 villes de taille moyenne.

L’enseignement catholique y représente 14 % des élèves scolarisés, soit 139 000 jeunes accueillis dans 590 établissements. À l’image de l’évolution nationale, les treize diocèses enregistrent un tassement dans le 1er degré et une croissance dans le 2nd degré. Pour anticiper la baisse démographique qui s’annonce, le territoire s’est doté d’orientations stratégiques, publiées en février 2020. Parmi les sept axes retenus : « L’innovation et la dynamique pédagogique en termes de rythmes, d’évaluation, d’individualisation et de différenciation tout en habitant nos espaces de liberté ». À suivre.

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