Mis à jour le : 12 juillet 2018 / Publié le : 9 avril 2018

Le Réenchantement en actes

Officiellement lancé en ce printemps 2018, le Laboratoire national des initiatives, au cœur de l’espace Montalembert, à Montrouge entend mettre en acte de la démarche du Réenchantement de l’École et de son triple principe d’action : penser, explorer, partager.

Par Yves Mariani,
animateur du laboratoire
national des initatives

Pourquoi parler d’initiatives ?

Cette création est pensée comme le premier acte d’une action destinée à s’inscrire dans le temps long. Elle participe d’une invitation faite à tous les niveaux de l’institution : ouvrir des voies nouvelles pour soutenir l’esprit d’exploration et de découverte des enseignants, des équipes, des établissements qui, au quotidien, ont le souci de renouveler leurs pratiques et de vivre une relation éducative qui s’inscrit dans le projet d’éducation intégrale de la personne.

La démarche de laboratoire, telle qu’elle est proposée à tous, essaie de se construire dans une sorte de pas de côté, forcément modeste et patient. Pas de côté pour essayer d’échapper aux injonctions permanentes au changement qui semblent, parfois, produire une forme de résistance, quelle que soit la pertinence des objets de « réforme » évoqués.

Parler d’initiative, c’est alors sortir d’une démarche du haut vers le bas et partir de ce qui se cherche au plus près de la classe, de l’établissement, du réseau. C’est aussi la volonté de sortir d’une forme de malentendu autour de la notion d’innovation et de l’idée de « nouveauté » dans l’action éducative. C’est une des leçons que, comme l’ont fait beaucoup d’autres avant nous, l’on peut tirer du travail du réseau des observatoires : la majorité des initiatives, souvent passionnantes et porteuses de fruits, que l’on voit se développer dans les établissements s’inscrivent autant dans une histoire de l’éducation que dans l’exploration d’espaces réellement nouveaux.

« L’École nouvelle » de Decroly, Freinet, Claparède et consorts est toujours à venir. Les grands fondateurs de Vincent de Paul à Don Bosco ou Anne-Marie Javouhey ont, certes, des enfants fidèles, mais leur projet d’éducation dans et pour la société reste à venir.

Peut-être faut-il essayer de se libérer de cette injonction permanente au nouveau, mal comprise ? L’École française a, à l’évidence, besoin d’idées nouvelles, mais elle a, au moins, autant besoin que ses principaux acteurs, enseignants et éducateurs, se sentent autorisés à s’engager dans leur pratique, dans leur action quotidienne, dans des actions qui, pour eux, apparaissent nouvelles et, pour cela être amenés à relire et remettre en question leurs habitudes, leurs « façons de faire » pour oser explorer de façon libre et responsable … en se sentant soutenus, reconnus, reliés ... et inscrits dans une histoire.

La création des laboratoires est un maillon supplémentaire dans l’animation et le pilotage institutionnels pour inventer des lieux qui permettent la valorisation de ces initiatives et la rencontre de ces acteurs du quotidien dans un esprit de recherche et de partage.

« La porte
du changement
s’ouvre
de l’intérieur »

Jacques Chaize

 

Un lieu d’accueil et de discernement ouvert et libre

Même si la comparaison n’est pas totalement adaptée, le premier axe de ce laboratoire national s’inspirera partiellement de l’esprit des incubateurs ou pépinières d’entreprises. Dans un souci de souplesse et d’adaptation permanente, il cherchera à construire un environnement porteur pour penser l’accueil d’enseignants, d’équipes désireux d’élargir leur horizon, de rencontrer d’autres acteurs et de construire ensemble le discernement et les stratégies qui leur permettent d’inscrire leur action de façon durable et sereine dans l’histoire de leur établissement et de leur environnement. À la croisée des ressources de formation, d’animation et d’observation, le laboratoire cherchera à d’être ce lieu de lien, de découverte qui permette de penser d’autres modalités d’accompagnement de ces initiatives. Sans a priori ni esprit de chapelle, il sera pensé comme un lieu de pensée, de recherche, bien sûr, mais une très grande importance sera donnée à une liberté d’approche qui essaie de rompre avec les effets de mode, les oppositions binaires dont l’actualité éducative a le secret. Il s’agit donc bien d’inventer un lieu de confrontation et de diversité reposant sur la conviction que mettre la notion d’initiative(s) au cœur du projet c’est, nécessairement, refuser l’esprit de système et toute volonté d’orthodoxie.

Malgré la modestie assumée de ses moyens, le laboratoire accueillera, ainsi, des volontaires souhaitant sortir de leur environnement proche pour vivre, avec d’autres, cette exploration

Un lieu d’approfondissement
et de recherche

Fruit de la démarche de réenchantement, le laboratoire national aura aussi la mission d’approfondir la recherche et l’exploration autour de problématiques majeures qui apparaissent comme des « nœuds » de la pensée éducative. C’est dans cet esprit, qu’à la demande du secrétaire général de l’enseignement catholique, Pascal Balmand, trois fils de réflexion et d’action seront développés pour le démarrage de ce laboratoire :

  • la question des savoirs et du rapport au savoir, aujourd’hui, en sortant des faux débats sur la transmission et en prenant en compte les évolutions considérables que connaît notre société en la matière ;
  • la question de la construction de la parole de l’élève de la petite enfance à l’âge adulte, de l’accueil de cette parole et de sa place dans la vie de l’établissement ;
  • la question de la « gouvernance » et des modes de pilotage pour essayer de penser autrement l’articulation entre « horizontalité » et verticalité, là aussi dans le contexte très nouveau que nous connaissons aujourd’hui.

Il s’agira, autour d’initiatives vécues par des équipes, de construire ensemble une réflexion plus globale en lien direct avec le Conseil des veilleurs de la démarche de réenchantement et, plus largement, avec les chercheurs et les acteurs de la société engagés dans cette problématique.

Un lieu de veille
et de production

Pensé comme un carrefour ouvert, le laboratoire, en articulation avec l’animation du département Éducation du Sgec, le travail du réseau des observatoires et les actions engagées par l’École des cadres missionnés, participera à la veille éducative. À l’écoute des évolutions internes de l’enseignement catholique mais aussi de tout ce qui se cherche à l’extérieur de celui-ci. Il participera et animera un espace spécifique au sein du site web du secrétariat général. Cet espace proposera des ressources, des éclairages, des mises en valeur d’initiatives.

Un point d’appui
et de soutien

Enfin, la petite équipe de ce laboratoire aura pour rôle de soutenir la création de laboratoires aux dans les autres niveaux de l’institution. Dans un esprit partagé, mais en refusant l’idée de modèles ou de statuts figés, elle favorisera l’émergence d’une logique de réseau, d’échanges pour faire vivre un esprit d’initiatives.

On l’aura compris, aussi ambitieuse que nécessairement modeste, cette création du laboratoire garde à l’esprit la belle intuition de Jacques Chaize : « La porte du changement s’ouvre de l’intérieur ».

 

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