Mis à jour le : 30 septembre 2024 / Publié le : 27 septembre 2016

Le jeu vidéo au service de l’élève

Le jeu vidéo est omniprésent, même à l’école. Bien encadrée, sa pratique peut servir d’outil d’apprentissage pour développer les compétences de l’élève et mieux le comprendre, explique la psychologue Vanessa Lalo.

Par Maxime Mianat

Vanessa Lalo est favorable à l'utilisation du jeu dans les apprentissages.
Vanessa Lalo est favorable à l'utilisation du jeu dans les apprentissages. © HELHa

Une application de jeu d’échecs est installée sur votre portable ? Vous avez essayé Candy Crush ou la Wii en famille ? Alors, comme 80 % des Français, vous êtes consommateur de jeux vidéo. Depuis dix ans, l’essor de ce loisir – qui est même devenu un sport – est considérable, perceptible jusque dans les salles de classe. Chez l’élève, il constitue « un élément fondamental de sa construction et l’aide à nourrir son imagination », expose Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans le numérique, qui voit dans cet outil un moyen efficace de développer ses compétences. Utiliser le jeu dans les apprentissages permet en effet aux élèves de dépasser leurs limites, tout en les poussant à s’impliquer davantage. « Les jeux vidéo réclament de l’inventivité, de la stratégie, de la réflexion, alors que regarder la télévision est un acte passif. Le sujet qui joue est actif et ne subit pas ; il dépasse ses limites, réalise des choses qu’il ne peut pas faire dans la réalité. C’est une gratification permanente », poursuit la chercheuse.

Dans les jeux de tir en vue subjective (dans lesquels le joueur voit l'action à travers les yeux du protagoniste), l’utilisateur fait travailler sa concentration, sa dextérité ou encore sa précision psychomotrice. Les jeux de plateforme développeront la mémorisation et la motricité, en obligeant le joueur à interagir physiquement avec son corps pour évoluer dans les différents tableaux. L’esprit d’équipe, la solidarité et l’intégration dans une communauté sont des attributs propres au MMORPG (1), ces mondes ouverts multijoueurs où il est impossible d’avancer seul pour progresser. Dans Minecraft, un univers infini de créativité absolue, un mode (2) propose aux enseignants de se connecter avec leurs élèves pour mettre en place des classes virtuelles. En leur montrant qu’ils sont capables de construire des structures virtuelles imposantes, le professeur contribue à restaurer leur confiance en eux. Grâce aux serious games, ils peuvent transmettre toutes ces compétences dans le cadre scolaire. C’est aussi un moyen pour eux de mieux connaître leurs élèves, selon le postulat : « Dis-moi comment tu joues, je te dirai qui tu es. »

Entrer en relation

Le jeu vidéo est un formidable outil pour entrer en relation les uns avec les autres, communiquer et obtenir des informations. « Si Freud était encore en vie, il jouerait avec ses patients à Mario Kart », affirme malicieusement Vanessa Lalo. « Chaque individu révèle dans sa façon de jouer une partie de sa personnalité. Un adolescent qui parle de son avatar, de son prénom, de son jeu favori, va raconter toute sa vie. En l’écoutant, on ouvre une porte vers son intimité. C’est un partage d’expérience qui le touche. » Au CHU de Bordeaux, le jeu Les Sims est utilisé en atelier thérapeutique avec les adolescents en grande difficulté psychologique. « L’écran sert de tiers et l’avatar créé par l’adolescent sert de support de conversation avec les adultes. La façon de jouer, de s’habiller, le fait de privilégier sa carrière au dépens de ses amis... tout ceci permet d’entrer en relation avec l’enfant et de débloquer des traumatismes. » À l’école, toute la difficulté est de savoir placer le curseur au bon endroit, de laisser à l’enfant suffisamment de libertés tout en l’avertissant des risques d’une pratique excessive et de la violence de certains opus. L’interactivité permet de se réapproprier cette violence, de corriger son regard pour mieux comprendre l’autre.

(1). Jeu de rôle en ligne massivement multijoueur

(2). http://minecraftedu.com/

 

Vous avez dit gamification ?

Le recours aux jeux vidéo dits « sérieux » trouve tout son sens à l’école, comme le démontre Jean-Pierre Gallerand qui les utilise en classe.

Par Maxime Mianat

Le jeu Dans la peau d'un scientifique fonctionne avec un système de récompenses.
Le jeu Dans la peau d'un scientifique fonctionne avec un système de récompenses. © DR

La « gamification » ? Une tendance récente qui encourage l’utilisation des mécanismes du jeu vidéo – comme la progression et les récompenses – dans d’autres domaines, dont l’enseignement. L’idée que les serious games puissent contribuer à améliorer les compétences, les résultats et le comportement des élèves, est désormais validée par plusieurs études. Les jeux sérieux permettent d’apprendre autrement, et leur usage en classe se développe. Jean-Pierre Gallerand, professeur de Sciences de la vie et de la Terre et auteur d’une quarantaine de serious games, préfère parler de « simulations d’apprentissage ». Son site personnel (44.svt.free.fr) propose ses logiciels en téléchargement, dont l’un d’entre eux est traduit en treize langues !

En présentant sa simulation Dans la peau d’un scientifique, l’enseignant est revenu sur ce qu’il a vécu en classe avec ses élèves : « Ils sont captivés par ce logiciel car ils peuvent réaliser les expériences de Jean-Henri Fabre en toute liberté. Si je leur propose du travail traditionnel, 70 % d’entre eux le feront mal et ne retiendront rien. Il faut les motiver. » Il leur propose, par exemple, de capturer des papillons de façon ludique mais en s’aidant de la science. « Je me suis aperçu qu’une fois le jeu terminé, ils voulaient le refaire pour obtenir un meilleur classement et la médaille d’or. » Ce système de récompenses pousse les jeunes à progresser pour passer au niveau supérieur. Si la « gamification » a du sens à l’école, elle passe toutefois par de la formation, car, comme le rappelle Jean-Pierre Gallerand, « acheter du matériel informatique sans former les profs ne sert à rien ». Aux enseignants de s’approprier cet outil en faisant en sorte d’intéresser les élèves sans que ces derniers ne trouvent cela trop sérieux.

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hs-eca-mai-juin-2014Issu du hors-série du magazine Enseignement catholique actualités de mai - juin 2014, p 24

À retrouver dans le hors-série d'ECA de mai - juin 2014

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