La Turquie, sous le choc

C’est le choc, en Turquie, une semaine après le séisme qui a dévasté le sud-est du pays et le Nord de la Syrie, lundi 6 février, et dont le bilan provisoire atteint les 45 000 morts. Avec un cinquième de la surface du pays ravagé et deux millions de réfugiés, l’aide d’urgence et le temps de la reconstruction vont mobiliser durablement les énergies. Déjà, durant ces deux premières semaines de deuil national, les six établissements catholiques, basés à l’Ouest du pays, participent à l’élan de solidarité.

Si les deux séismes du lundi 6 février – dans la nuit puis en milieu de journée- qui ont frappé le sud-est de la Turquie et le Nord de la Syrie, n’ont pas été perceptibles à Istambul, l’onde de choc a plongé le pays entier dans l’effroi. A la télévision et sur les réseaux sociaux, les images de sauvetage contrarié par des tempêtes de neige et le décompte oppressant des morts ont vite donné la mesure de la catastrophe : une semaine après on dénombre plus de 30 000 victimes turques, des dizaines de milliers de blessés et de sans-abris, des régions dévastées, notamment l’Hatay ou Maltaya et des villes entières comme Antioche, complètement sinistrées, hôpitaux compris.

Notre-Dame de Sion à Istambul

Bien loin de l’épicentre, à Istambul et Izmir, où sont basés les six lycées catholiques de Turquie, fermés comme tous les établissements scolaires, pour deuil national jusqu’au 20 février, la sidération a vite laissé place à l’action. Des « chaînes téléphoniques » ont averti de la fermeture, pris des nouvelles des familles originaires des régions touchées et proposé des entretiens assurés notamment par les « Conseillers d’orientation psychologues » responsables de l’accompagnement personnalisé des lycéens. Parmi les élèves des décès de parents éloignés sont à déplorer mais des enseignants et personnels ont été touchés de plus près et beaucoup sont toujours en attente de nouvelles, les réseaux de télécommunication de l’est ayant été détruits. C’est le cas d’ Ayça Van den Bleeken, enseignante de philosophie à Saint-Joseph d’Istambul, dont deux cousins ont été hospitalisés en situation critique et un troisième est toujours porté disparu. Comme à Notre-Dame-de-Sion, à Saint-Michel, où une enseignante a perdu ses deux parents et dont la sœur est toujours recherchée, une cellule d’écoute psychologique a aussi été mise en place. « On sent que le besoin de parler augmente au fil du temps. Ce sont en majorité des parents chez qui la catastrophe réveille le traumatisme du séisme de 99 à Izmit. Mais nous sommes aussi inquiets pour les jeunes, psychologiquement fragilisés par la pandémie, qui se retrouvent à nouveau chez eux devant les chaînes d’info, dans un climat profondément anxiogène » explique Jean-Michel Ducrot, chef d’établissement.

Saint-Joseph à Izmir

En attendant le retour des élèves et les hommages collectifs aux victimes, les collectes de produits de première nécessité se sont organisées en un temps record, en lien avec les mairies, qui travaillent elles-mêmes avec les organismes de secours gouvernementaux comme l’AFAD: « Vêtements chauds, couvertures, produits d’hygiène, nourriture et produits pour bébés… les dons de familles et d’anciens élèves ont afflué à tel point que  dès le mardi matin, un premier convoi de 220 cartons, chargés en un quart d’heure, à l’aide d’une chaine humaine de dizaines de personnes, a pu partir. Nous poursuivons depuis une deuxième collecte que les lycéens des clubs participent à trier et conditionner », détaille Paul Yves Georges, directeur de Saint-Joseph.

Saint-Benoît à Istambul

« Ici, l’élan de générosité est impressionnant et fait tomber les barrières. Chacun participe, donne son sang, charge des camions. Nos congrégations respectives ainsi que la diaspora turque ont relayé des appels aux dons à l’international et beaucoup de pays ont répondu présents -comme la France qui déploie un hôpital de campagne dimanche-. Beaucoup de nos enseignants et personnels sont aussi partis prêter main forte pour fouiller les décombres, aider à nourrir les rescapés, servir d’interprètes. Mais l’effort devra être maintenu sur une longue durée à tel point les besoins vont être considérables en générateurs, chauffages, piles et en matériel médical comme des prothèses… », complète Hermine Ridé, chef d’établissement de Sainte-Pulchérie, d'Istambul.

Saint-Joseph à Istambul

Il s’agit aussi de se projeter dans le temps long de la reconstruction, comme l’évoque Paul-Yves Georges : « L’association des écoles privées de Turquie dont nous sommes membres a déjà lancé un appel à inventorier le mobilier scolaire que nous pourrions mettre à disposition. Nous répondrons bien sûr présents en ciblant nos efforts sur la reconstruction du réseau éducatif comme les lassalliens l’avaient fait à Izmit en 2000 en reconstruisant une école avec Caritas. » En attendant, la gestion de l’urgence continue et la question de l’accueil des populations sans-abris va notamment se poser.

D’ici là, les chefs d’établissement ont hâte de retrouver leurs élèves et savent que si leurs équipes d’éducateurs ne sont pas encore au complet, ceux qui sont restés mettront les bouchées double pour les accueillir. Des aménagements concernant les épreuves des concours d’entrée à l’université ont déjà été annoncés : ils ne porteront que sur les programmes du premier trimestre de terminale. Pour maintenir l’équité avec les sinistrés et abaisser -un peu- le niveau d’anxiété générale.

 

Caritas, présente en Turquie et partenaire des établissements catholiques locaux, a lancé un appel aux dons.

https://don.secours-catholique.org/urgenceturquie/~mon-don

 

Tragédie, en Syrie aussi

En Syrie, le bilan officiel fait état de 3600 morts – dont un prêtre grec-melkite, le père Imad Daher- et les premiers convois d’aide d’urgence n’ont pu arriver sur site que mercredi, indiquant une désorganisation maximale. Plusieurs sites archéologiques ont été touchés, notamment la citadelle médiévale d’Alep et sa vieille ville, classée au patrimoine mondial en péril de l’Unesco.
A Alep, Franciscains, Salésiens et Frères maristes participent activement à l’aide d’urgence. L’OEuvre d’Orient concentre également son action dans cette région, dans une situation humanitaire catastrophique, après douze ans de guerre et où l’aide peine à arriver.

L’Œuvre d’Orient à ce jour n’organise pas de convois de biens matériels depuis la France. En revanche, elle a acheminé depuis Beyrouth, plus de 5000 couvertures à Alep. Les 400 000 € collectés par le fonds d’urgence de l’OEuvre d’Orient vont servir dans un premier temps à l’achat de couvertures, de produits d’hygiène et l’apport de repas chauds pour les personnes ayant perdu leur logement.

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