Mis à jour le : 10 juillet 2017 / Publié le : 28 juin 2016
La réforme du collège en questions / réponses
La lecture des grilles horaires peut certes donner le sentiment que l’horaire dédié aux disciplines est réduit. Mais les temps d’accompagnement personnalisé (AP) et d’enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), intégrés au temps de service des enseignants, sont bel et bien au service de la transmission et de l’appropriation des savoirs : sinon, ils n’auraient aucun sens. Il s’agit, en équipe, de construire des modes d’apprentissage diversifiés : cours en classe complète, temps d’AP et EPI sont solidairement au service de l’acquisition des connaissances et compétences identifiées dans les programmes. La réforme du collège ne comporte donc pas de risque intrinsèque d’abaissement du niveau. À cet égard, il faut observer que l’accompagnement personnalisé s’adresse à tous, et permettra aux élèves qui ne connaissent pas de difficultés de bénéficier de temps d’approfondissement dans différentes disciplines. Les EPI diversifieront les propositions pour rejoindre tous les élèves et moduler les degrés d’exigence. Comme en attestent les enquêtes PISA, l’École française souffre d’ailleurs moins d’une insuffisance de préparation des élites que de son incapacité à compenser les inégalités socioculturelles et à prendre en compte les disparités scolaires. D’ailleurs, le Statut de l’Enseignement catholique nous rappelle combien notre attention doit prioritairement se tourner vers les élèves les plus fragiles. On sait qu’une hétérogénéité scolaire bien accompagnée est profitable à tous, y compris aux élèves les plus à leur aise scolairement : c’est en ce sens que la réforme peut et doit être mise en œuvre, en aidant chaque jeune à progresser sur son chemin de réussite.
Les nouveaux programmes ne sont certes pas parfaits et les divers spécialistes repèreront toujours des lacunes. Mais ils reviennent sur des modalités de connaissance négligées depuis longtemps dans les programmes précédents : l’apprentissage systématique, la mémorisation, la ritualisation d’activités… Ils insistent sur la part nécessaire de l’apprentissage syllabique dans l’acquisition de la lecture, sur l’importance du calcul mental en cycle 2 (CP-CE1- CE2) et 3 (CM1-CM2-6e). Le cycle 3, qui articule les deux dernières années de l’école élémentaire et la première année de collège, invite à poursuivre le travail de base initié à l’école, pour les élèves qui entrent en 6e sans maîtriser les fondamentaux. En Histoire, les premiers projets de programme prévoyaient, selon une logique à divers égards contestable, des thèmes imposés et des thèmes facultatifs. Les programmes arrêtés proposent en revanche, pour tous, un parcours construit chronologiquement. L’ensemble des programmes, conçu à partir du socle commun, est construit sur quatre cycles de trois ans pour l’école et le collège. Il est demandé aux enseignants, à partir du cadre des programmes, d’édifier la progressivité des apprentissages au fil du cycle. Fondés sur la confiance faite à la compétence des professeurs, ils permettent de structurer efficacement les apprentissages fondamentaux.
Il serait temps de sortir d’une opposition binaire et le plus souvent factice entre « transmission » et « pédagogie » : l’une ne va pas sans l’autre. En outre, il faut bien voir que la réforme concerne l’organisation du collège, et que pour leur part les nouveaux programmes identifient les connaissances et les compétences requises, tout en donnant des repères de progressivité et en précisant les attentes en fin de chaque cycle. Les EPI, s’ils peuvent susciter des productions variées, sont construits à partir d’exigences référées aux programmes. Ces diverses évolutions invitent au plein exercice de la liberté pédagogique et de la responsabilité des enseignants. L’accroissement du travail de groupe, nécessaire entre enseignants, conduira à un discernement commun sur les modalités pédagogiques envisagées et à garantir, s’il en était besoin, de ne pas recourir à des méthodes fantaisistes ou inopportunes.
Les EPI ne sont pas des activités ludiques appelées à constituer une parenthèse dans l’apprentissage. Il s’agit de varier les modalités de travail, en invitant les enseignants, 2 à 3 heures par semaine, à mobiliser davantage l’intelligence active autour de projets qui, par le décloisonnement et le dialogue entre disciplines, permettent de transmettre et de construire différemment les savoirs. Les productions réalisées dans les EPI peuvent d’ailleurs donner lieu à une évaluation dans le cadre du diplôme national du brevet, ce qui aidera les élèves à s’y consacrer avec sérieux. L’expérience des TPE en lycée montre qu’un dispositif, qui avait pu susciter des résistances lors de sa mise en œuvre, est aujourd’hui apprécié et défendu par les enseignants. À cela, l’on peut certes objecter que ce qui vaut pour de grands lycéens n’est pas nécessairement adapté aux besoins de jeunes collégiens. Mais les professeurs des collèges sont tout aussi soucieux que leurs collègues des lycées d’une formation sérieuse et solide de leurs élèves : ils sauront construire des EPI plus ambitieux et plus riches que les quelques exemples caricaturaux qui sont, à juste titre, dénoncés par les adversaires de la réforme.
La mise en place de la réforme des programmes sur l’ensemble des niveaux, à la même rentrée 2016, suscite, il est vrai, un travail d’édition rapide, sans doute mené dans l’urgence, pour la réalisation des manuels scolaires. La liberté éditoriale étant entière en France, la production va nécessairement présenter une qualité inégale. Certaines inepties ont déjà pu être repérées. Cela n’est hélas pas nouveau : des manuels ont parfois proposé des contenus, des ressources et des exercices peu appropriés. Cependant il ne faut pas exagérer la place des manuels, qui ne constituent qu’un outil parmi d’autres. Seuls ont valeur réglementaire les programmes, et nul manuel n’est imposé. Il revient aux enseignants d’exercer leur discernement pour repérer les supports pertinents qu’ils prescriront. Il faut donc faire confiance à leur professionnalisme pour varier les types de ressources et ne pas recourir à celles dont la qualité serait médiocre, voire les visées contestables.
Le premier projet de réforme avait considérablement réduit la place des langues anciennes au collège, en les limitant à un EPI, ce qui a suscité de légitimes protestations. Le ministère en a tenu compte dans les textes réglementaires de mai et juin 2015 : en combinant EPI et horaires complémentaires, il est aujourd’hui possible de proposer un enseignement de latin et de grec, quoique sur un temps légèrement moindre à ce qui prévalait jusqu’alors (si l’on utilise à leur maximum toutes les possibilités de travailler sur les langues anciennes, l’horaire qui leur dédié est désormais en moyenne, sur la totalité du cycle 4, diminué d’un quart d’heure hebdomadaire).
Oui et non, puisque des classes bi-langues peuvent être maintenues, à la condition d’être des « bi-langues de continuité ». À ce jour, la réforme du collège n’est pas complètement cohérente en ce qui concerne la place faite aux langues vivantes. Alors qu’est affirmée la volonté de développer leur enseignement, en faisant débuter l’apprentissage d’une LV2 dès la 5e pour tous les élèves, la réforme supprime les classes bi-langues. Cela a suscité des réactions nombreuses et souvent fondées, auxquelles les dispositions réglementaires actuelles ne répondent pas complètement. Les textes disposent que peuvent être maintenues, en classe de 6e, les classes bi-langues de continuité, si l’établissement accueille des élèves ayant été initiés à une autre langue que l’anglais à l’école élémentaire. Dans de nombreux territoires, l’initiation à une langue autre que l’anglais a donc dès lors été mise en œuvre au début de l’année civile 2016, pour permettre l’installation de classes bi-langues de continuité. Cela n’a toutefois pas toujours été fait avec la rigueur requise, et n’a pu par ailleurs être réalisé partout, ce qui génère des inégalités territoriales, comme, en certains lieux, des inéquités entre enseignement public et enseignement privé. Assurément, il y a là un point de fragilité de la réforme qui fera l’objet de notre attention.
L’évolution des services, des horaires, et la suppression de certaines classes bi-langues ont suscité des craintes légitimes quant au maintien du service de tous les enseignants. Les professeurs des autres langues que l’anglais et les professeurs de technologie ont notamment pu s’inquiéter.
Globalement, il n’a toutefois pas été retiré de moyens aux collèges. L’on peut en revanche observer des variations entre établissements, là où il a fallu prélever sur l’excédent d’un collège pour abonder les moyens attribués à un autre collège. Elles pourront être compensées ou atténuées par des compléments de service entre les établissements en vue du maintien des services. Et, si, dans un collège, l’horaire global dans une langue vivante ou en technologie vient à baisser, l’organisation des temps d’accompagnement personnalisés, des EPI et des horaires complémentaires doit permettre d’assurer le temps de service des enseignants concernés. Pour ce qui est de l’Enseignement catholique, un bilan précis sera établi fin novembre à l’issue du mouvement de l’emploi 2016.
La réforme du collège, c’est vrai, s’inscrit dans un train de réformes importantes articulées à la loi de refondation de l’École du 8 juillet 2013. De surcroît, elle s’applique pour les quatre années de collège en une seule rentrée.
La mise en œuvre simultanée de diverses réformes peut, en revanche, aider à la cohérence du dispositif éducatif. Les nouveaux programmes sont conçus à partir du nouveau socle de connaissances, compétences et culture, et ils ouvrent des perspectives pour les enseignements pratiques interdisciplinaires.
En tout état de cause, chacun est bien conscient du fait que tout ne pourra être mis en place dès la rentrée 2016. Il s’agit d’initier un processus d’évolution, qui, au fil des années, par la formation et l’analyse des pratiques, permettra de conduire l’évolution du collège, dont chacun reconnaît que l’actuelle organisation n’est pas satisfaisante.
Pour ce faire, le travail d’équipe et les temps de concertation doivent s’accroître. Il y a là une vraie difficulté, puisque les enseignants de collège ne disposent pas de temps de service institué pour la concertation. Dans beaucoup d’établissements, néanmoins, des modalités sont inventées pour créer des occasions de rencontre et de travail commun, sans trop alourdir la charge des personnels enseignants.
La nouvelle organisation du collège conduit à une répartition des moyens plus équitable, de 29 heures au minimum par division, entre tous les collèges : 26 heures hebdomadaires réparties entre les diverses disciplines, incluant accompagnement personnalisé et EPI, et 3 heures libres par division (à compter de la rentrée 2017, 2 heures 45 à la rentrée 2016).
S’il est vrai que cette répartition arithmétique peut apparaître trop rigide, la répartition de la dotation dans les établissements permet néanmoins l’indispensable personnalisation des apprentissages et des enseignements. L’accompagnement personnalisé s’adresse à tous les élèves, et peut donc consister, selon les situations, en temps de soutien ou en activités d’approfondissement. Les trois heures libres par division, cumulées par l’établissement, doivent aussi être mobilisées pour la diversification des activités et des orientations pédagogiques spécifiques à chaque collège.
La répartition des dotations calculées à la division semble pénalisante à des établissements qui, pour des raisons diverses, pouvaient bénéficier jusqu’alors d’excédents importants. Ceci a pu conduire à une restitution de moyens, perçue naturellement comme dommageable au projet de l’établissement concerné. Mais le processus ne vise qu’à abonder la dotation d’autres établissements, auparavant déficitaires, et conduit donc à ce titre à un rééquilibrage dont le bienfondé s’avère difficilement contestable.
Les textes réglementaires, en revanche, ouvrent à une liberté de gestion plus grande de la dotation de l’établissement, autour des temps d’accompagnement personnalisé, des EPI et des horaires complémentaires. Ceci concerne 20 % de la dotation. Il est vrai que certains rectorats peuvent tenter d’encadrer tellement cette marge de liberté, qu’elle risque de n’être qu’illusion. Les instances de l’Enseignement catholique veilleront à ce que cette ouverture, apportée par la réforme du collège, ne soit pas compromise par des règles tatillonnes et des contrôles excessifs. La liberté d’organisation et l’autonomie des établissements doivent absolument être défendues.
La rentrée 2016 met en place la réforme des programmes et la réforme du collège. Le contrat d’association fait obligation aux établissements de respecter les programmes et les volumes horaires de chacune des disciplines. Les nouveaux programmes s’appliquent dès lors dans les établissements associés à l’État par contrat, comme les dispositions horaires prévues par la réforme du collège, dans le cadre de la liberté pédagogique reconnue par la loi. Il est donc fondamental que les établissements associés à l’État par contrat habitent et déploient leurs espaces de liberté, dans l’esprit du cadre juridique qui régit leur mode de fonctionnement comme dans celui de la réforme.
Le secrétariat général n’a pas soutenu inconditionnellement la réforme, mais a d’abord et avant tout souhaité que sa lecture se fasse posément et hors de toute polémique. Il a, par ailleurs, invité à l’accueillir favorablement, parce qu’il a considéré que, nonobstant des limites, un bon nombre de ses composantes faisaient écho à des recherches anciennes et constantes du projet de l’École catholique :
- les temps d’accompagnement personnalisés, comme l’une des réponses à la diversité des élèves ;
- les enseignements pratiques interdisciplinaires, comme l’un des lieux utiles pour le dialogue entre les connaissances indispensables à la construction de la culture ;
- la liberté de gestion d’une partie significative de la dotation horaire, ouverture intéressante pour l’autonomie des établissements.
Le secrétariat général a manifesté son regret de la mise en cause des classes bi-langues, et sa vigilance sur la situation des langues anciennes, contribuant ainsi à l’inflexion du projet initial.
Il veillera à ce que des instructions non prévues par le cadre législatif qui nous régit, ne soient pas imposées au nom d’une culture de la centralisation administrative qui serait parfaitement contraire à l’esprit de la réforme.
Il sera pareillement attentif à ce que l’effort budgétaire mis en œuvre pour financer les actions de formation liées à la réforme se poursuive dans la durée, tout comme à la manière dont se développeront les modalités de la nécessaire concertation pédagogique au sein de chaque collège, sous la responsabilité de son chef d’établissement.
Cette réforme ne portera ses fruits que si tous les acteurs se l’approprient, personnellement, et en équipe. Elle offre des opportunités pour répondre à la diversité des collégiens. Les programmes sont bien présentés comme un cadre à partir desquels les équipes doivent construire une progressivité adaptée à leurs élèves. Il s’agit donc, en cultivant l’autonomie reconnue par les textes, de travailler à des modes d’organisation fidèles aux projets de chaque établissement, par la personnalisation de la relation éducative et des modes de transmission des savoirs.
En faisant preuve d’audace, de créativité et de liberté, nous pouvons et nous devons faire vivre la réforme du collège dans la fidélité à notre projet chrétien d’éducation pour le service de tous : c’est à la fois une conviction et une invitation adressée à chacun.