La réforme de la voie pro sur les rails

Un milliard d’euros supplémentaire, une carte des formations remaniée, des stages plus longs et indemnisés, une rémunération accrue pour les enseignants qui accepteront certaines missions de suivi des élèves et d’organisation, la réforme de la voie professionnelle vise à augmenter les chances de réussite des lycéens de la voie pro.

Mireille Broussous

Faire de la voie professionnelle, une « voie d’excellence », tel est l’objectif d’Emmanuel Macron annoncé lors de son intervention, le 4 mai dernier, au lycée professionnel Bernard-Palissy à Saintes (17).

Cette réforme en préparation depuis octobre dernier sera dotée d’un financement annuel d’un milliard d’euros supplémentaire. « Les objectifs donnés aux 160 acteurs de l’enseignement professionnel et de l’emploi qui ont participé à son élaboration étaient simples : aller vers moins de décrochage, vers une meilleure insertion professionnelle et vers davantage de réussite lors de la poursuite d’études », explique Bruno Clément-Ziza, directeur de cabinet de Carole Grandjean, ministre déléguée en charge de l’Enseignement et de la Formation professionnels. La réforme repose sur un accompagnement personnalisé des lycéens par les enseignants et la prise en charge de diverses missions sur la base du volontariat. En contrepartie de ce pacte spécifique aux enseignants du pro, ces derniers verront leur rémunération boostée de 7 500 euros bruts annuels.

 

Lutter contre le décrochage 

Pour motiver les élèves et reconnaître leur engagement dans l’entreprise ainsi que leur progression, une gratification leur sera versée. Lors des périodes de stage, dont la durée devrait être doublée, 50 euros par semaine seront versés aux élèves de seconde, 75 euros à ceux de première et 100 euros aux terminales. Les sommes ne seront réglées ni par les entreprises, ni par les lycées, un opérateur spécifique sera créé. 420 millions d’euros seront consacrés à ces indemnisations. Parallèlement, pour consolider les savoirs fondamentaux en français et en mathématiques, des cours à effectifs réduits ou en co-intervention pourront être organisés. Plus globalement, l’accompagnement des élèves sera renforcé. « Cela ne se fera pas nécessairement toute l’année mais à des moments clés comme lors des retours de stages », indique Jean-Marc Huart, directeur de cabinet du ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye.

Enfin, le dispositif « Tous droits ouverts », généralisé dès la rentrée prochaine, permettra aux élèves décrocheurs - 33% des entrants en seconde pro- de faire des allers-retours entre des lycées professionnels et d’autres structures comme les écoles de la deuxième chance ou le monde du travail. Si les élèves veulent revenir au lycée, ce dernier devra être en mesure de les accueillir et de leur proposer des stages et des cours de rattrapage. « Nous allons donner un maximum de flexibilité aux établissements », assure Bruno Clément-Ziza.

 

Faciliter l’insertion professionnelle

Renforcer le lien entre les établissements et les entreprises est l’un des piliers de la réforme. Un bureau des entreprises sera créé dans chaque établissement afin de faire vivre la relation entre le lycée et l’entreprise et de mieux concevoir les périodes de stages. Par ailleurs, des formations courtes post-bac seront multipliées. Actuellement on compte 4 500 places dans ces dispositifs. Plus de 15 000 places supplémentaires devraient voir le jour sur le territoire. « Le mentorat montera aussi en puissance. Les élèves pourront ainsi bénéficier d’un réseau professionnel », affirme Jean-Marc Huart.

Pour améliorer l’insertion des jeunes, encore faut-il s’adapter aux besoins des territoires. La carte des formations sera amenée à évoluer. Trois acteurs participeront à ce travail : l’État, les Régions et les acteurs économiques : entreprises, branches professionnelles et partenaires sociaux. Les formations ne facilitant ni l’insertion professionnelle ni la poursuite d’études seront fermées dès 2026. L’objectif est « d’accélérer le cycle d’ouverture et de fermeture des formations », précise Bruno Clément-Ziza. Le plan d’investissement France 2030 permettra, en outre, de mobiliser des moyens financiers pour transformer les plateaux techniques des établissements afin d’ouvrir de nouvelles formations.

Enfin, les responsables des établissements comme les familles et les élèves auront à disposition des indicateurs d’insertion, établissement par établissement, ainsi que des informations sur les métiers qui recrutent au niveau du bassin d’emploi et de la région.

 

Mieux préparer les élèves au supérieur

La réforme propose aux élèves deux options. L’une destinée à ceux qui souhaitent intégrer la vie professionnelle suite à l’obtention de leur bac, l’autre dédiée à ceux qui veulent poursuivre leurs études. L’année de terminale sera modifiée. Les élèves passeront les épreuves plus tôt dans l’année afin de se concentrer sur la suite de leur parcours. Ceux qui opteront pour une insertion rapide dans le monde du travail effectueront six semaines de stage supplémentaires tandis que les autres, pour mieux aborder le supérieur, bénéficieront de quatre semaines de cours de renforcement en plus. Il s'agit ici d'améliorer des chiffres qui restent "cruels", selon les termes du chef de l'État: un tiers des bacheliers professionnels accèdent à l’emploi avec cet unique diplôme, tandis que sur les 28% s’engageant dans le supérieur, seuls 16 % poursuivent leurs études jusqu’au bout.

 

Un « pacte » pour un meilleur suivi des élèves

7 500 euros brut par an (soit 565 euros par mois), tel est le montant du « pacte » dans lequel pourront – ou non – s’engager les enseignants des filières professionnelles. Celui-ci n’est pour l'instant pas modulable au contraire de celui proposé dans le 1er degré et dans les filières générales et technologiques du 2nd degré : les enseignants devront prendre « le bloc » ou rien. Il implique d’effectuer quatre tâches en plus de leurs cours : deux heures de face-à-face pédagogique par semaine, des remplacements de courte durée, plus deux missions différentes, par exemple, l’animation des relations avec les entreprises, l’accompagnement des collégiens dans la découverte de la voie professionnelle, le suivi des élèves en voie de décrochage ou dans la suite de leur parcours une fois le bac obtenu. Les missions devraient varier en fonction de l’expérience professionnelle des enseignants. « L’objectif est de mener un projet collectif autour du chef d’établissement pour faire réussir les élèves. Grâce au pacte, la mobilisation sera plus forte », assure Bruno Clément-Ziza. Le budget alloué au pacte est de 285 millions d’euros. Autre point essentiel pour les enseignants, quand des formations fermeront, ils seront accompagnés dans leur reconversion. Un volet « Ressources humaines » de la réforme est dédié à ces évolutions de carrière.

 

L'Enseignement catholique dans les startings-blocks

Un certain nombre de propositions pouvant être expérimentées dès 2023 au sein d’établissements volontaires, en vue d’une généralisation en 2024... "Il appartient à chacun de se mettre dans les starting-blocks pour expérimenter certains axes selon les sensibilités des équipes et des projets déjà envisagés", interpelle Jean-Marc Petit, secrétaire général de RenaSup.

Le Sgec est d’ores et déjà en contact avec les ministères afin d’envisager les modalités concrètes de ces volets expérimentaux, en concertation avec RenaSup qui poursuit ses échanges avec les services de la ministre déléguée afin d’accompagner le plus efficacement possible les établissements volontaires. Jean-Marc Petit invite notamment les établissements à se positionner sur les mesures favorisant la double logique insertion/poursuite d’études, soulignant le fait que ces deux critères orienteront les décisions d'ouverture et de fermeture. Selon lui, "le succès de la réforme et le développement des établissements reposeront sur la formation des équipes et leur capacité à se mobiliser conjointement sur ces deux objectifs".

La réorganisation de l’année de terminale avec des épreuves avancées dans le calendrier afin de permettre une fin d'année à la carte en fonction des choix de l'élève pour l'année suivante. Ceux qui veulent aller sur le marché du travail affectueront un stage de fin d’année ayant vocation à favoriser une insertion directe dans l’emploi- augmentant les périodes passées en milieu professionnel de 50%. Ceux qui veulent poursuivre des études s'u prépareront à laide de quatre semaines de cours intensifs d’enseignements généraux et professionnels.

La mise en place de parcours de consolidation pour les élèves ayant des difficultés dès la rentrée en BTS, via un pré-conseil de classe, qui se tiendra quelques semaines après la rentrée et proposera un parcours renforcé en vue d'optimiser les chances de réussir un BTS en deux ou trois ans.

La création d'au moins une nouvelle mention complémentaire, à raison d’au moins une par bac pro, pour permettre pendant un an une meilleure spécialisation… et jouer un rôle de classe passerelle préparant une entrée en STS.

 

À noter que la Fondation Saint Matthieu pourrait quant à elle particulièrement soutenir :

- le mentorat via le mécénat de compétences issu d’entreprises mettant à disposition des salariés à cette fin ;

- la remise à niveau des plateaux techniques ou la réorientation des formations vers les métiers et secteurs en tension ;

- les dispositifs de type mention complémentaire ou passerelle, optimisant les chances de poursuite d’études vers les BTS et bachelors pour des élèves issus de baccalauréats professionnels, dans l'esprit des Cordées de la réussite.

Les douze mesures, en bref, dont celles que l'Enseignement catholique tient pour prioritaires

1- Gratifier les périodes de stages des élèves de la voie professionnelle
Rentrée scolaire 2023 : application à tous les lycées.

2 - Permettre des enseignements aux savoirs fondamentaux en classes réduites
Rentrée scolaire 2023 : application dans les lycées professionnels volontaires.Rentrée scolaire 2024 : application dans tous les lycées professionnels.

3- Permettre aux élèves de choisir des options
Rentrée scolaire 2023 : application dans les lycées professionnels volontaires.Rentrée scolaire 2024 : application dans tous les lycées professionnels.

4 -Organiser l'année de terminale en lien avec le projet de l'élève : obtenir un diplôme puis accéder à l'emploi, soit poursuivre ses études.
Rentrée scolaire 2023 : application pour les élèves qui entreront en classe de première (1re session du baccalauréat professionnel en 2025).

5 - Créer trois nouveaux dispositifs pour prévenir les risques de décrochage pendant et après le lycée :

  • Créer un dispositif Tous droits ouverts, qui coordonne le lycée et les partenaires locaux de l'accompagnement pour proposer très tôt aux élèves en risque de décrochage scolaire toute une palette de solutions.
    Rentrée scolaire 2023 : application dans tous les lycées professionnels.
  • Créer un dispositif Ambition emploi, offrant un filet de sécurité pour aider les jeunes sans solution, avec ou sans diplôme après leurs années au lycée, à trouver leur voie.
    Rentrée scolaire 2023 : application pour les jeunes sans solution.
  • Ouvrir un Parcours de consolidation, qui permet de multiplier les chances des bacheliers professionnels qui poursuivent leurs études en BTS d’obtenir leur diplôme.
    Rentrée scolaire 2023 : expérimentation dans les lycées volontaires.
    Rentrée scolaire 2024 : généralisation à l'ensemble des académies.

6 - Mieux préparer l’insertion professionnelle grâce à des partenariats extérieurs.
Rentrée scolaire 2023 : accompagnement de 50% des élèves en année terminale souhaitant s'insérer après leur diplôme. Rentrée scolaire 2024 : accompagnement de 100% des élèves en année terminale souhaitant s'insérer après leur diplôme.

7 - Adapter l’offre de formation pour préparer l’avenir professionnel des jeunes en fixant des objectifs ambitieux :
- Rénover en profondeur un quart des diplômes existants d’ici la rentrée scolaire 2025.- Démultiplier le nombre annuel d’ouvertures et de fermetures de formation.Rentrée scolaire 2026 : viser 100% des formations non insérantes fermées.

8 - Passer de 4 500 à 20 000 le nombre de places en formation de spécialisation en bac+1 à la rentrée 2026, afin de faciliter l’insertion professionnelle des lycéens.
Rentrée scolaire 2023 : 5 000 places dans les établissements volontaires.Rentrée scolaire 2024 : 10 000 places dans les établissements volontaires. Rentrée scolaire 2025 : 20 000 places dans les établissements volontaires.

9 - Créer un bureau des entreprises dans chaque lycée.
Rentrée scolaire 2023 : application à tous les lycées.

10 - Pacte pour les enseignants pro
Rentrée scolaire 2023 : application pour les professeurs en lycée professionnel volontaires.

11 - Accompagner une prise de fonction réussie des nouveaux chefs d’établissement de lycée professionnel.

Rentrée scolaire 2023 : déploiement de la nouvelle offre de formation destinée aux chefs d'établissement et à leurs adjoints nouvellement affectés.Rentrée scolaire 2024 : déploiement de la nouvelle offre de formation destinée aux cadres y compris pour les cadres déjà en poste.

12 - Permettre une nouvelle approche pédagogique du lycée professionnel autour du projet de l’élève.

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