Mis à jour le : 21 octobre 2021 / Publié le : 29 novembre 2019

Journée PPPF : Protéger l’humain et l’institution

La Journée nationale des référents "Programme de protection des publics fragiles" (PPPF) s’est tenue au Sgec, à Paris, le 22 novembre dernier.
Une occasion pour son animatrice Josiane Hamy, chargée de mission au département Éducation du Sgec et coordinatrice du PPPF, de réaffirmer les fondamentaux du programme, et de faire monter en compétences les référents.
Des apports qui seront partagés plus largement lors d'un Webinaire ouvert à tous, donné lundi prochain, le 2 décembre à 17h30.

François Husson

Les chiffres sont là pour rappeler de ne jamais baisser la garde. En France, tous les cinq jours en moyenne, un enfant est tué par un membre de sa famille… On estime à 300 000 le nombre de mineurs touchés par les violences… 130 000 sont victimes de violences sexuelles, et 10 000 enfants sont soumis à la prostitution infantile…

Bien sûr, tous ces faits ne se déroulent pas à l’école, mais l’institution a sa part de responsabilité, dans la bientraitance, la vigilance, la prévention, le signalement et la protection de l’enfant.

Sur ces sujets douloureux, longtemps tus, minimisés ou réglés « en tâtonnant », l’enseignement catholique a mis en place depuis 2018 le PPPF (programme de protection de publics fragiles). Pour que chaque acteur de chaque établissement scolaire puisse connaître, comprendre et traiter tous les types de situations auxquelles une équipe éducative est susceptible d’être confrontée. Car, « avec ces chiffres, ce n’est pas possible que cela n’arrive pas un jour dans votre établissement » , prévient Josiane Hamy, chargée de mission au département Education du Sgec et coordinatrice du PPPF.

C’est tout l’enjeu de la Journée nationale des référents PPPF, qui se déroulait dans les locaux parisiens du Sgec, le 22 novembre dernier. Durant une journée dense et riche en échanges, Josiane Hamy, a animé la session devant un auditoire concentré et avide de ressources, composé d’une grosse quarantaine de référents – psychologues, chargés de mission, adjoints de directeurs diocésains, directeur diocésain, chefs d’établissement – venus de toute la France.

 

Préciser la mission du référent PPPF

 

Prochains Rendez-vous 

 

- Le 4 décembre prochain, pour un Webinaire à destination des chefs d'établissement,  « PPPF, une responsabilité en partage. Les essentiels à connaître, à faire, à dire pour un chef d’établissement » 

 

- Prochaine Journée nationale des référents PPPF, le 27 mai 2020.

 

 

Les travaux ont démarré par la constitution de groupes improvisés qui ont travaillé sur la définition de leurs propres missions de référents, à partir d’amendements et de remarques sur la fiche Persona, co-construite à la session précédente de juin dernier. S’en est suivi un temps d’échanges, pour décrire des situations rencontrées sur le terrain, avant d’échanger les dossiers pour que chaque groupe travaille sur une situation inconnue, se pose des questions et repère les besoins.

Lors du débriefing, Josiane Hamy a pointé la récurrence des situations de maltraitance quasi toutes liées à des violences sexuelles et des violences « tout court », survenues en maternelle, CP, internat, collège et lycée. L’animatrice a rappelé le rôle et les devoirs du chef d’établissement (lire ci-contre).

Josiane Hamy a ensuite effectué quelques piqûres de rappel à propos des procédures en matière de protection des mineurs (lien), rappelant que la question de la responsabilité du chef d’établissement est directe et pénale. La loi oblige tout citoyen à signaler des faits de violence, c’est une responsabilité de citoyen et une responsabilité institutionnelle.

La confidentialité des situations est essentielle. Dans les cas les plus graves on prévient dans les plus brefs délais le procureur, mais pas immédiatement la famille, en particulier dans les cas de violences sexuelles. La direction diocésaine doit être également mise au courant. La communication est importante et doit être anticipée et préparée, que ce soit vis-à-vis des collègues ou des familles.

Il n’est pas nécessaire de trop en dire à l’équipe et de s’épancher un minimum auprès des collègues et proches. Qu’un enseignant sache qu’un de ses élèves « va mal en ce moment » peut suffire.

La question du secret professionnel, du devoir de réserve… sont des sujets à travailler également en amont

Responsabilité du chef d’établissement

- Même après signalement, celui-ci doit continuer à observer, voire d’appeler pour avoir des nouvelles de l’instruction par la CRIP (cellule de recueil des informations préoccupantes)

- Tout doit être fait pour protéger l’enfant victime, mais il ne faut pas oublier que le CE doit respecter les protocoles afin de sécuriser la situation et ses suites éventuelles. Il a la responsabilité de ne pas garder l’affaire en interne, et la loi lui impose de signaler tout fait de violence.

- Une attention particulière doit être portée sur la rédaction des signalements, car c’est un document juridique, recueillir des paroles, observer des faits, préciser où, quand, par qui sont recueillis les témoignages.

Il est possible de cumuler plusieurs écrits émanant de différentes personnes qui peuvent « faire poids » (médecin scolaire, enseignant, personnel…)

Importance de la communication

 « La place des familles, c’est compliqué, admettait Josiane Hamy. Le chef d’établissement peut craindre de se les mettre à dos, de donner une mauvaise image de l’établissement. Alors qu’au contraire, mieux vaut renvoyer une réputation d’établissement qui traite les problèmes. »

Les entretiens avec les familles doivent être préparés, le chef d’établissement peut parfois craindre des réactions, ça se construit avec des professionnels : le psychologue, un personnel de la Crip, voire la gendarmerie si des des réactions violentes sont à craindre.

Il convient de rappeler que la loi qui oblige à instruire, d’être à l’écoute et de recueillir des paroles, des explications, en pensant à l’intérêt de l’enfant…

La communication envers les autres familles, ou la presse, si l’information a débordé, doit s’effectuer en cohérence avec toute l’équipe, la direction diocésaine et les autorités officielles (procureur, Crip, gendarmerie, rectorat). Généralement, un discours précis et minimal est mis au point, afin de ne laisser aucun parasitage (rumeurs, accusations…) s’immiscer.

Le signalement : Bien choisir ses mots

- « violences sexuelles » et non  « abus sexuel » (pas de notion de curseur)

- Préférer « pédocriminalité » (notion pénale) à « Pédophilie »

-  « Auteur présumé » au lieu de « Agresseur » ou « Accusé »(on ne qualifie pas a priori)

- De même, la « victime » doit être « présumée »

- « Dévoiler » des faits, plus que les « dénoncer »

- Parler de « suspicions » de maltraitance

- Ne pas émettre de jugement, ni donner sa conviction, mais rester neutre et objectif autant que faire se peut

Le rapport "Violences et enfance"

Parmi les 22 recommandations de ce rapport, le Défenseur des droits rappelle l’interdiction de la fessée et de la punition collective, et souhaite que l’interdiction du châtiment corporel rentre dans le Code de l’éducation. Il souligne l’importance de la parole des enfants, et la nécessité de prendre en compte le handicap, source de vulnérabilité et source de discrimination

 

 

 

Le Défenseur des Droits

L’après-midi a débuté par le compte rendu de la visite de Jacques Toubon, Défenseur des droits, aux directeurs diocésains, le 18 novembre 2019 à Montrouge (92). Josiane Hamy a synthétisé les missions de cette autorité administrative unipersonnelle, qui prend sa décision seule, selon son intime conviction. Le Défenseur des droits peut s’autosaisir, a des pouvoirs d’enquête, peut demander des sanctions et personne ne peut refuser de lui répondre.

Ses compétences s’exercent dans cinq domaines

1/ Relation des usagers et des services publics (90 % des demandes)

2 / Défense et promotion de l’intérêt supérieur de l’enfant

3/ Lutte contre les discrimination et promotion de l’égalité

4/ Respect de la déontologie et de la sécurité

5/ Orientation et protection des lanceurs d’alerte

 

Jacques Toubon a parlé de la protection des droits dans l’institution scolaire dans son rapport du 18 novembre 2019 intitulé « Violence et enfance : la part des institutions publiques ». Il a cité le harcèlement comme première violence subie par les enfants, et a rappelé que ne pas réagir est passible de la loi.

« Stratégie de prévention
et de protection de l’enfance »

 

Le rapport d’Adrien Taquet, secrétaire adjoint de Marlene Schiappa, pose les bases de travail. En voici quelques points saillants :

- L’enfant témoin de violences conjugales est à considérer comme une victime

-Le numéro 119 ne traitent que 1/3 des appels – 43 écoutants pour 1 000 appels par jour

Quatre engagements

- Agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins de l’enfant

- Sécuriser les parcours

- Donner aux enfants les moyens d’agir et garantir leurs droits

- Préparer l’avenir et sécuriser leur vie d’adulte

Formation continue des acteurs

« Mettez-vous en réseau, vous y gagnerez ! » C’est sur cet appel que Josiane Hamy a incité l’auditoire à mutualiser les expériences et les questionnements de chacun pour harmoniser les réponses. « Le premier travail est d’aller solliciter les Crip, le procureur et le rectorat et d’harmoniser les protocoles, qui peuvent différer selon les régions », a-t-elle conseillé.

Et pour faire monter en compétence les référents, l’animatrice a recommandé le document Formiris « PPPF repères pour la programmation », base de travail pour construire des formations à destination des enseignants avec les Isfec, et divers partenaires.

La Journée nationale s’est clôturée sur l’application concrète de ses thèmes abordés par la suite, avec la promesse de finaliser la fiche référents PPPF, une demande de collecter les statistiques anonymisées, afin de « savoir le plus précisément combien de situations sont traitées, et de quels types (non probantes, probantes, danger immédiat) » dans l’enseignement catholique, pour mieux se préparer à agir. Josiane Hamy a remercié les participants, en les incitant à partager coordonnées, ressources, documents, et bibliographies...

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