Et les familles ? Elles se battent aussi

Si la multiplication des parcours adaptés en milieu scolaire permet de prévenir le décrochage scolaire, les familles ont aussi un rôle fondamental à jouer. En témoigne l’action conduite par Apprentis d’Auteuil à Chanteloup-les-Vignes.

 

Par Laurence Estival

Avant tout accompagnement, un contrat tripartite est passé entre le jeune, sa famille et les éducateurs.
Avant tout accompagnement, un contrat tripartite est passé entre le jeune, sa famille et les éducateurs. © Apprentis d’Auteuil

C’est dans une maison de ville, à quelques enjambées de la cité de la Noé, qu’Apprentis d’Auteuil a ouvert à Chanteloup-les-Vignes le Pôle accueil jeunes (PAJ), financé par le conseil général des Yvelines et la mairie dans le cadre du programme de réussite éducative (PRE). En ce jeudi d’automne, Sara et Medhi, deux adolescents renvoyés de leur établissement, attendent l’heure du déjeuner qu’ils ont eux-mêmes cuisiné après avoir écouté la leçon de l’éducatrice sur le système digestif. Ici, pas de grandes théories mais des explications concrètes destinées à montrer aux jeunes qu’ils peuvent eux aussi accéder à de nouvelles connaissances à partir du moment où on les met à leur portée. Une fois leur repas avalé, viendra l’heure de partir à la piscine. Les après-midis sont en effet consacrées à des activités sportives et culturelles visant à reconnecter les jeunes à leur environnement et à leur apprendre le vivre-ensemble.

Depuis 2006, cette structure reçoit, entre 10 heures et 17 heures, un maximum de sept jeunes de 8 à 16 ans, en risque de déscolarisation ou de désocialisation. Ceux-ci bénéficient d’emplois du temps adaptés leur permettant d’alterner journées dans leur école ou collège et participation aux actions mis en place par le PAJ. « Aujourd’hui la principale difficulté à laquelle nous sommes confrontés est de faire entrer ces enfants et adolescents dans un cadre, explique Olivier Seux, chef de service. Pour atteindre cet objectif, nous impliquons également les parents. Contrairement à ce qui est dit, la plupart d’entre eux n’ont pas démissionné mais ce sont les institutions qui les ont “démissionnés” alors qu’ils doivent être pleinement associés en tant que co-éducateurs de leurs enfants. »

Un travail de longue haleine qui mobilise l’ensemble de l’équipe… Première étape : faire venir les familles au PAJ. « Avant toute prise en charge, nous sollicitons leur autorisation des familles. Avec le jeune et les travailleurs sociaux, les parents définissent un plan d’actions personnalisé et sont régulièrement invités pour faire le point sur les progrès réalisés », illustre la directrice Dorothée Grone. Les portes du PAJ sont également ouvertes toute la journée aux parents en quête de conseils sur l’éducation de leurs enfants. « Grâce au travail de proximité que nous effectuons, le mamans sont de plus en plus nombreuses à franchir le pas. Certaines, que nous avons déjà aidées, reviennent spontanément vers nous quand elles commencent à avoir des difficultés avec leur deuxième ou leur troisième enfant », poursuit la directrice. Le PAJ sert aussi de médiateur entre les familles et les institutions en cas de problèmes. En outre, il propose des rendez-vous avec un psychologue, et, pour permettre aux familles d’échanger sur leur expérience, des portes-ouvertes sont organisées quatre fois par an le samedi après-midi. « Et quand les familles ne se manifestent pas, nous recherchons, grâce à nos contacts avec les autres travailleurs sociaux, des personnes qui pourraient jouer le rôle d’intermédiaire », précise Zohra El Mannani, éducatrice spécialisée du PAJ.

Hébergement temporaire

« Qu’ils viennent ou non d’eux-mêmes, on s’aperçoit que dans une majorité des cas, les parents ont peur, ils ont le sentiment de n’avoir pas réussi à éduquer leurs enfants. Notre première tâche est de les rassurer », continue Zohra El Mannani. Ce travail consiste notamment à changer le regard qu’ils portent sur leur progéniture, en mettant en avant les progrès des jeunes, notamment dans le cadre de l’accompagnement individuel. Les familles reprennent alors confiance et acceptent de continuer à travailler avec le PAJ pour aller plus loin.

Dans certains cas, Apprentis d’Auteuil offre aussi aux jeunes la possibilité de souffler dans sa maison d’enfants située à une vingtaine de kilomètres de Chanteloup-les-Vignes. Là, ils peuvent bénéficier d’un hébergement temporaire. « Mais les familles ne sont jamais oubliées. Nous préparons, avec elles et avec leurs enfant, le retour à la maison », souligne Dorothée Grone.

Rien n’est pourtant jamais gagné, les lois de la cité reprenant quelquefois le dessus. Comme pour Sara qui en cours de raccrochage scolaire, avec de meilleures notes à la clé, s’est laissé entraîner de nouveau dans des actes de violence. La différence cette fois : son père est immédiatement venu voir le PAJ avec l’assentiment de l’adolescent…

eca351Issu du magazine Enseignement catholique actualités n° 351, octobre - novembre 2012

À retrouver dans l'ECA n° 351

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