Éduquer à l’humanisme fraternel

Les représentants des établissements catholiques du monde entier se sont retrouvés à New York du 5 au 8 juin derniers, à l’occasion du congrès de l’OIEC (Office international de l’éducation catholique). Malgré leurs différences, tous les pays ont un même objectif : « Éduquer à l’humanisme de la fraternité pour construire une civilisation de l’amour ».

Louis-Marie Piron

© Marie Lopez

Du 5 au 8 juin 2019, à New York, l’université jésuite de Fordham a accueilli plus de 500 responsables des écoles catholiques du monde entier sur son campus de Lincoln Center à l'occasion du congrès de l'Office international de l'éducation catholique (OIEC). Des participants de plus de quatre-vingt pays étaient présents pour se laisser interpeller par des conférences, des présentations de pratiques éducatives, pastorales, pédagogiques, des témoignages et des rencontres.

La veille de l’ouverture, s’était tenue l’assemblée générale de l’OIEC qui avait rassemblé les représentants des pays, congrégations et organisations membres. Au cours de cette réunion, le secrétaire général, Philipe Richard a été renouvelé dans sa fonction et Paul Barber, secrétaire général de l’enseignement catholique d’Angleterre et du Pays de Galle, a été élu président pour quatre ans. Un nouveau conseil dont la France est membre, a été élu.

© Marie Lopez

Le congrès qui avait pour thème « Éduquer à l’humanisme de la fraternité pour construire une civilisation de l’amour », s’est tenu à un moment où le nombre d'inscriptions dans les écoles catholiques est en augmentation, particulièrement dans les pays en développement. Partout, les écoles catholiques travaillent pour la transmission de la foi aux élèves catholiques, mais également pour la promotion de la dignité et le développement intégral de l’Homme. Les écoles catholiques jouent un rôle essentiel dans les systèmes éducatifs nationaux de nombreux pays, en accueillant des élèves de toutes les confessions et de toutes origines. À l'échelle mondiale, elles inscrivent plus de soixante millions d’élèves, soit une augmentation de 80 % depuis 1980. Il faut ajouter six millions d’étudiants inscrits dans des universités catholiques.

L'Inde compte le plus grand nombre d'inscrits dans les écoles catholiques, suivie par la République Démocratique du Congo, l'Ouganda, le Kenya et le Malawi. La France, les États-Unis, le Rwanda, l'Argentine et la Colombie complètent le top 10 des pays accueillants un grand nombre d’élèves. Les pays d’Afrique accueillent 43,7 % du total des inscriptions dans les écoles catholiques dans le monde...

« Ce congrès nous offre une occasion unique pour discuter des défis et des opportunités auxquels font face les écoles catholiques. Notre thème cette année est l'éducation à l'humanisme fraternel pour construire une civilisation de l'amour », a déclaré d’emblée Philippe Richard, secrétaire général de l'OIEC

© Marie Lopez

La messe d’ouverture dans la cathédrale Saint-Patrick a permis aux participants de se retrouver, de se recueillir et de prendre conscience de leur appartenance à une communauté éducative mondiale.

De nombreux sujets ont été abordés : la promotion d’une culture du dialogue et de paix, la promotion de l'identité chrétienne des écoles, la protection des enfants contre toutes les formes d’abus, la dimension inclusive de l’école, les enjeux pour les dirigeants, les évolutions du métier d’enseignant face aux réalités d'aujourd'hui, l'éducation en matière de développement durable, le dialogue avec les organisations internationales...

La séance de clôture s’est tenue au siège des Nations Unies rappelant ainsi le rôle déterminant de l’OIEC comme ONG ayant statut consultatif auprès de l’ONU à New-York et à Genève, de l’UNESCO à Paris, du Conseil de l’Europe à Strasbourg. Les enjeux de ces représentations sont fondamentaux pour promouvoir une vision chrétienne de l’éducation.

Dans le message qu’il a adressé aux congressistes, le pape François a rappelé, en reprenant les paroles de Jean-Paul II, que les institutions éducatives étaient appelées à construire « un humanisme capable d’insuffler une âme au progrès économique, pour qu’il soit tourné vers la promotion de tout homme et de tout l’homme ». Un projet autour duquel toutes les écoles se retrouvent.

L'allocution vidéo du pape François, ci-contre,
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Prendre de la hauteur à New York !

Présents au congrès de l’OIEC, quatre membres de la délégation française partagent ce qu’ils ont vécu à New York.

Propos recueillis par Sylvie Horguelin

©DR

Cécile Vacher, chargée de mission 1er degré à la direction diocésaine du Cantal

« Était-il nécessaire d’aller si loin pour parler de Laudato si ? Au vu des gratte-ciels, New York est la ville idéale pour prendre de la hauteur et saisir la dimension internationale de l’enseignement catholique. De la réalité du Maroc où les élèves sont principalement musulmans, à celle de l’île Maurice qui a pris pleinement la dimension pastorale de l’engagement environnemental dans ses écoles, en passant par le Liban qui a choisi d’accueillir les jeunes syriens qui ont souffert de la guerre, voilà de quoi modifier l’image de l’enseignement catholique vue de la France qui me paraissait pourtant déjà plurielle. L’occasion aussi de questionner, au-delà de l’identité chrétienne, la façon chrétienne de vivre son identité ! J’ai aussi découvert, via la cérémonie de clôture à l’ONU, le lien avec cette instance internationale et la cohérence qu’il y a à se référer aux Objectifs de Développement Durable 2030 dans nos diocèses. La dimension spirituelle n’y est pas, mais c’est une belle façon d’ouvrir une petite fenêtre sur l’Eden, pour reprendre l’expression d’un représentant du Congo. Puisque personne n’est trop petit pour agir, le défi en France comme ailleurs reste celui de Laudato si : l’humanisme solidaire. »

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Philippe Lepeu,
président de la fédération Formiris

« J’ai été frappé par la richesse des témoignages présentés dans les laboratoires. Ces exposés m’ont permis de découvrir des réalités et des expériences extrêmement diverses. Les intervenants ont su souligner l’originalité des réflexions et l’investissement des équipes éducatives et des dirigeants pour construire des réponses innovantes aux problématiques soulevées. Parmi beaucoup d’autres, je retiendrai l’intervention du père Boucrot sur la situation de l’enseignement catholique au Maroc et le choix institutionnel de faire vivre l’identité chrétienne dans des établissements dont les élèves, les enseignants, voire souvent les chefs d’établissement, sont musulmans ! J’ai eu la confirmation de l’importance vitale de la formation des maîtres qui est confrontée dans tous les pays aux évolutions multiples de la société, des élèves et des futurs enseignants. La volonté, affichée par le congrès, de promouvoir au sein de l’OIEC une réflexion sur la formation des enseignants est très positive et traduit bien la prise de conscience des enjeux qu’elle soulève. »

 

Thierry Chevallier,
président de l’Unisfec

« Il a été réaffirmé que l’enseignement catholique doit aller au-delà des seuls contenus disciplinaires et développer des valeurs, une posture et un mode de vie pour un monde meilleur. Si la culture du dialogue est absente alors l’individualisme, l’ignorance et le radicalisme se développeront. Le constat a aussi été fait de l’extrême variété de l’École catholique. Cela ne doit pas nous faire oublier la pauvreté de certains pays : misère des familles sans accès à l’éducation, des moyens des écoles, des salaires et de la formation des enseignants.  Augusta Muthigani, président de l’OIEC, a nommé huit défis pour les écoles catholiques dans le monde. Parmi eux, la formation des maitres. Pour la plupart des nouveaux professeurs, l’enseignement est plus un « job » qu’un engagement. Au-delà de la simple formation académique, il faut donc consolider cette formation autour du projet si particulier que portent nos écoles. La France est un pays « riche » sur ce plan, comment peut-elle aider les autres pays à former les maîtres ? Et peut-on construire une vision commune d’une pédagogie au service de la scolarisation des enfants et adolescents ? Deux questions qui restent à creuser. »

 

 

 

 

 

 

© Marie Lopez

 

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Virginie Bécourt, directrice de l’école Saint-Joseph - Don Bosco à Asnières (92), vice-présidente du SYNADEC

« Ce congrès m’a permis de bien comprendre le lien entre deux grandes lignes directrices pour les écoles catholiques du monde : celle fixée par les Nations Unies et l'UNESCO, avec le plan Éducation 2030 d'une part, et celle proposée par l’Église avec l'Encyclique Laudato si d’autre part. Les conférences et les ateliers proposés ont permis une prise de conscience sur les difficultés actuelles de l'éducation.

Je retiens tout particulièrement l’expérience éducative du lycée Saint-Luc de Banfora au Burkina Faso qui a réussi à accomplir pleinement sa mission d’école et de culture de la paix. Deux points fondamentaux ont fait écho en moi : l’importance d’éveiller chez les jeunes leurs talents et leur sens de la créativité, souvent délaissés par un système scolaire qui n’exploite pas suffisamment la multiplicité des intelligences ; la nécessité de mieux connaître et estimer la foi chrétienne en mettant en place une pédagogie basée sur l’acceptation de l’autre à travers une cohabitation pacifique entre les adeptes des différentes religions. En quelques années, cette proposition pédagogique a eu un impact positif sur la vie scolaire des adultes et des jeunes en terme de convivialité, d’acceptation mutuelle malgré les différences de culture et de culte. Conclusion du père Alexandre Bingo, directeur diocésain au Burkina Faso :  « Donnons des racines et des ailes à nos enfants, ils inventeront un monde de paix ».

Ce congrès est bien le symbole d'un engagement fort de l'OIEC pour la mise en œuvre du principe d'éducation pour tous, associé à la Parole de l’Église. »

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