Deuxième journée des rencontres nationales des mixités

Pour mettre en œuvre le protocole d’accord sur la mixité sociale et scolaire des établissements catholiques, signé en mai dernier avec le ministère de l’Éducation nationale, les deuxièmes Rencontres nationales mixités, orchestrées par Pierre Marsollier, en charge des questions politiques au Sgec, ont étudié deux moyens d’action : la modulation des contributions financières des familles et la création ou la délocalisation d’établissements.

 

Si instaurer des tarifs différenciés est l’un des moyens d’accroître la mixité sociale et scolaire dans les établissements, il suscite quelques réticences. « Ce changement doit donc aller de pair avec un effort de communication et de pédagogie de tous : tutelles congréganistes, diocèses, Ogec et, bien sûr, chefs d’établissement », a souligné Nathalie Tretiakov, adjointe au secrétaire général de l’Enseignement catholique en ouverture des Rencontres nationales des mixités du 25 mars dernier, à Paris. Dans la Sarthe, par exemple, les deux tiers des établissements ont déjà modulé leurs contributions. Avec de nombreux questionnements énumérés par le secrétaire général de l’Udogec, Frédéric Sureau : « Faut-il demander aux familles l’avis d’imposition ou le quotient familial de la CAF ? Combien de tranches créer ? Comment éviter que cette modulation ne suscite une concurrence dommageable entre établissements ? » Et un enseignement : « L’écart entre le bas et le haut de la grille tarifaire doit être significatif pour réellement agir sur la mixité sociale des établissements. »

 

Accompagner les Ogec

Nombre d’Ogec redoutent de plus que « leurs ressources baissent, que les familles refusent de donner des justificatifs de revenus, que les plus aisées s’en aillent… Nous devons les inciter à étudier la question », a expliqué Jean Chapuis, délégué aux œuvres éducatives du réseau lassalien. Pour les convaincre, les experts de la Fédération des Ogec font valoir que la mise en place d’une tarification différenciée augmente la contribution des familles d’environ 20 % (cf. p. 26).

 

 

Galop d’essai lancé pour Items

La plateforme qui rendra accessible les données socio-économiques des établissements de l’Enseignement catholique est désormais accessible aux chefs d’établissement. Ils sont d’ores et déjà invités à remplir les données de l’année en cours – qui seront affichées l’an prochain – afin de se familiariser avec l’outil. Les éléments demandés concernent les forfaits et les autres aides reçues, les contributions familiales et les tarifs de cantine. Cette saisie sera obligatoire à partir de la rentrée prochaine en vue d’un affichage public des données en janvier 2025.

Aller vers les périphéries

 

 

Pierre Marsollier, responsable des questions politiques au Sgec a encouragé une politique d’implantation volontariste au sein de territoires socialement ségrégués : «Ce n'est qu'en se développant dans ces secteurs en besoin de mixité que l'école catholique pourra s’affranchir des déterminismes géographiques qui lui valent d’être accusée de pratiquer une sélection par l’argent.»

« Dans un contexte tendu où l’Enseignement catholique est volontiers désigné comme bouc émissaire des difficultés du public, il doit oser diversifier son recrutement. Cela contribuera à mieux démontrer sa plus-value pédagogique et sécurisera son avenir dans un contexte de baisse démographique », a insisté Philippe Delorme, le secrétaire général, rappelant que toute nouvelle ouverture est désormais conditionnée à des objectifs de mixité sociale.

Les quelques soixante-dix participants réunis pour étudier ce levier de la mixité sociale ont aussi été encouragés par l’inspecteur général honoraire de l’éducation Jean-Charles Ringard : « Agir au service de la cohésion sociale du pays ne peut que renforcer votre identité d’établissement catholique », a-t-il salué, avant de plaider pour le développement de contrats d’objectifs et de moyens avec les collectivités locales, comme le permettent les lois de déconcentration de 2004 et de 2022.

Forts de ces conseils et des retours d’expérience de chefs d’établissement, les participants ont conclu la journée en élaborant des outils visant à identifier et justifier « un besoin scolaire reconnu » et en construisant une feuille de route qui récapitule les grandes étapes d’une création d’établissement.

Combattre l’auto-censure

Les raisons de l’autocensure des familles ont aussi fait l’objet d’une table-ronde. « Certains parents craignent que le niveau scolaire et l’exigence de discipline soient trop élevés, les classes trop chargées, l’établissement trop loin. D’autres ont peur de la charge financière ou se sentent en conflit de loyauté avec leur milieu d’origine », a résumé Gilles Demarquet, président de l’Apel.

Pourtant, certains parents de milieux défavorisés poussent la porte des établissements catholiques pour les raisons absolument inverses et notamment parce que leur enfant n’obtient pas de bons résultats scolaires dans le public… Quant aux familles musulmanes, « elles viennent chez nous car elles sont en recherche de spiritualité », a affirmé Aurélie Picard, cheffe d’établissement du collège Mère-Teresa, à Villeurbanne (69).

Des établissements mettent en place des stratégies efficaces, au moins jusqu’à la fin du collège : journées et soirées portes ouvertes, développement des classes Ulis et Segpa, passage privilégié en 6e des élèves de primaire du même groupe scolaire, absence de lettre de motivation pour entrer au collège et simplification des démarches d’inscription. « La secrétaire de l’établissement téléphone aux parents qui sont entrés en contact avec nous. Ensuite, je m’efforce de transformer le rendez-vous d’inscription en vraie rencontre », a pointé Aurélie Picard. Toutefois, seuls 30 % des collégiens de Mère-Teresa poursuivent leur scolarité dans un lycée catholique. « Pourtant, d’anciens élèves viennent témoigner de leurs parcours et nous poussons les parents à avoir de l’ambition pour leurs enfants, qui ont toute leur place dans nos lycées généraux », a conclu Aurélie Picard.

Ces nouveaux établissements plus mixtes

 

Clichy (92). Une volonté partagée

L’option préférentielle pour la mixité sociale a été choisie en 2020 avec l’ouverture de l’école-collège Sœur-Marguerite, à Clichy (92), un secteur à forte densité démographique comptant 30 % de logements sociaux. « Le soutien des collectivité locales – mise à disposition du terrain par la mairie, convention signée avec la communauté d’agglomération – et une direction diocésaine imposant un effort financier à l’ensemble de ses établissements pour soutenir l’initiative ont fait le reste », témoigne Hélène Gayomali, la cheffe d’établissement.

 

Villejuif (94). Un suivi attentif

Annexe de l’école-collège de Cachan, le lycée Saint-Joseph, ouvert à Villejuif (94) en 2019, accueille une majorité d’élèves musulmans, compte plus de 20 % de boursiers et propose de nombreux aménagements : un cours de maths et de français hebdomadaires en plus, du soutien à la méthodologie et à l’entraînement oral, des rendez-vous individuels pour l’orientation et des conseils d’éducation (hors problématiques disciplinaires). Autre sujet d’attention, pour Bénédicte Deren, la directrice : « Je passe moi-même dans les classes pour présenter et expliquer en amont le sens de nos nombreuses manifestations interreligieuses et je veille à désamorcer toute tension, inter mais aussi intracommunautaire, qui pourrait survenir, par exemple, pendant le Ramadan entre pratiquants et non observants. »

 

Blois (41). Une fusion entre centre et périphérie

À Blois (41), dans un centre-ville de 48 000 habitants en forte baisse démographique, trois établissements ont réalisé une fusion incluant l’ensemble scolaire Saint-Vincent – Père-Brottier, implanté dans les quartiers nord, plus peuplés mais affichant un taux de chômage de 40 %. Son école, créée en 1999, avait déjà été renforcée par l’arrivée du collège Saint-Vincent-de-Paul, initialement situé en cœur de ville. La dernière fusion en date a permis de sauver l’établissement, qui demeurait financièrement très fragile. Aujourd’hui, il gagne même des effectifs. En revanche, il peine encore à inciter ses élèves à intégrer les lycées catholiques de centre-ville, bien que ces derniers aient adapté leur politique tarifaire.

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