Mis à jour le : 28 mai 2025
De l’École à la société inclusive!
« C'est au plus près du territoire que l'éducation inclusive se construit, grâce à l'articulation d'une vision commune et d'un engagement local. » C’est ainsi que Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique, a ouvert les tables rondes digitales du 14 mai, en duplex depuis Angers, où, comme dans bien d'autres régions de France, les acteurs de l’École pour tous se sont réunis pour suivre la retransmission en live des deux débats organisés au national et construire en parallèle des pistes d’actions inclusives concrètes et adaptées à la diversité des situations locales.
L'insertion professionnelle en débat
Le premier des deux débats retransmis en direct -et toujours visionnable en différé- portait sur les partenariats à construire avec le médico-social au service, notamment, de l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap, un processus délicat au cours duquel Marin a pu « se sentir perdu, parfois même abandonné » alors qu’il se sent aujourd’hui « bien accueilli » dans l’emploi de bibliothécaire qu’il occupe en CDD.
Aider à cette insertion, c’est précisément la vocation du Difep, « filet de sécurité » inventé par le lycée Saint-Martin, à Roubaix, avec des services éducatifs extérieurs pour accompagner jusqu’à l’emploi ses élèves sortant d’Ulip, ces Ulis basées en lycée professionnel et déjà axées sur la découverte des métiers. « C'est tout l'environnement du jeune en situation de handicap que nous prenons en compte en cassant les logiques de clan, de dispositifs..., entre l'École, le secteur médico-social, les missions locales, France Travail... », explique Jean-Luc Lambert, le chef d’établissement, qui fait valoir que les entreprises ont besoin de temps et d’aide pour adapter leurs postes, citant à l’appui l’exemple de Victoire :
L'annuaire des entreprises adaptées sur:
Annuaire recensant 2500 Esat et Entreprises adaptées
https://www.hosmoz.fr/Annuaire/
Tout savoir sur le Difep de Saint-Martin à Roubaix
« Excellente en cuisine, l’agitation du coup du feu lui faisait perdre ses moyens. Aujourd’hui, elle prend en charge la découpe des légumes ou la préparation des poissons en amont et a des missions plus protégées pendant le service : elle a trouvé sa place et l’employeur, ravi, constate aussi une amélioration générale du climat de travail avec moins de fébrilité pendant les moments de pression ! »
« Offrir un écosytème soutenant et en lien avec les familles pour que les personnes en situation de handicap trouvent leur place au travail », c’est également l’objectif d’Yves de La Porte, fondateur de l’entreprise adaptée Citad’ailes qui place ses salariés en mission dans des entreprises classiques jusqu’à ce qu’ils trouvent le poste qui leur convienne, en un à deux ans. Cette alternative aux ateliers protégés des Esat peut constituer un adjuvant précieux aux établissements soucieux d’accompagner leurs élèves jusque dans l’emploi.
À noter que les Instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (Itep) qui accueillent des jeunes atteints de troubles du comportement cherchent aussi à bâtir des passerelles avec le milieu scolaire. C’est le cas à Lyon où Elisabeth Borjon, directrice du Ditep Le Prado, œuvre sans relâche à désinstitutionnaliser sa structure. Résultat : 80% des jeunes du Ditep sont scolarisés en milieu ordinaire ou dans des classes spécialisées implantées au sein d’établissements scolaires : « Nos éducateurs deviennent des adjuvants pédagogiques, des professionnels de santé assistent aux réunions de suivi avec les parents : la mobilité et l’audace, ce sont les clés pour innover, éviter les ruptures de parcours, assouplir les transitions », s’enthousiasme celle qui entend bien participer aux PAS, les Pôles d'appui à la scolarité : « Ces structures vont ouvrir la voie de solutions communes ARS-EN. »
Commentant l’expérimentation en cours dans quatre départements de ce qui doit remplacer les Pial à la rentrée 2027, Nathalie Tretiakow, adjointe au secrétaire général de l’Enseignement catholique, a confirmé qu’ils offraient « un lieu de jonctions intéressant » permettant des actions conjointes en matière d’insertion professionnelle, mais aussi des interventions plus rapides et plus fluides, plus ajustées aux besoins des élèves qu’ils aient ou non une notification handicap.
Gagner en agilité professionnelle:
la question de la formation et des PAS
Journées pédagogiques communes entre 1er et 2d degrés, développement des compétences psycho-sociales des enseignants pour prévenir le risque d’usure ou de souffrance professionnelle : pour agir aussi à l’échelle d’un établissement, Noémie Chavanes, formatrice et cheffe d'établissement de l’école maternelle et primaire de l’ensemble scolaire Raoul-Follereau de Chazelles-sur-Lyon (42), a proposé de multiples leviers. Elle recourt même au plan Boussole, outil d’autodiagnostic de la bientraitance éducative, pour impliquer les enseignants en fonction de leurs appétences, dans des commissions fixant des objectifs d’amélioration du climat scolaire et relationnel. « Mon travail consiste à accompagner les équipes pour trouver l'équilibre entre compensation et accessibilité et à embarquer tout le monde en faisant des propositions adaptées à chacun pour faire vivre le collectif. »
Du côté de la formation initiale et continue des enseignants, Marie-Agnès Renault, directrice de l'Isfec Bretagne, a évoqué l'enjeu « d’initier les enseignants à une posture professionnelle de questionnement permanent, qui les prépare aux pratiques inclusives, à l’adaptation et aux coopérations avec d’autres acteurs hors Éducation nationale ». Dans le but que l’École inclusive devienne réellement l’affaire de tous, une nouvelle formation de professionnalisation aux pratiques inclusives les sensibilise désormais à la conception universelle des apprentissages qui permettra de généraliser une culture de l’accueil de tous. Enfin, sur le modèle de formations associant enseignants et personnels de vie scolaire ou AESH, des sessions proposées conjointement aux équipes éducatives et aux parents d’élèves sont également à la réflexion.
Jacques Bouvet, référent École inclusive de la direction diocésaine de Lyon a, quant à lui, souligné l’ampleur des mutations en cours : « Ayant commencé ma carrière d’enseignant en Itep, je fonctionnais en pluridisciplinarité avec des éducateurs et le milieu médical, mais chacun dans son rôle. L’idée est d’aller aujourd’hui vers de l’interdisciplinarité en concourant chacun de manière complémentaire sur des champs de compétences partagés. Cela permettra de véritables passages de relais entre des acteurs différents tout en préservant l’identité professionnelle de chacun. » D’où l’importance, selon lui, de renforcer l’offre de formation continue par des échanges de pratiques entre pairs, à travers le Pédagotroc diocésain, transformé en cette année de mise à l’honneur de l’école inclusive en journée « dispositif ouvert » où des enseignants ordinaires ont été immergés au sein d’Ulis, de Segpa, d’UPE2A pour allophones, d’unité d’enseignement autisme, d’Itep ou d’IME… Alors que le modèle purement transmissif ne fonctionne plus, cette agilité enseignante est cruciale, car au service du sens que l’on veut donner à l’École : « C’est elle qui permettra aux enseignants de mieux gérer l’hétérogénéité des classes et de prodiguer une éducation intégrale à tous. »