Mis à jour le : 31 mai 2018 / Publié le : 6 juillet 2016
Congrès de l’Apel : retour aux sources
Il y a 86 ans, la première Apel naissait à… Marseille. C’est dans cette ville que s’est tenu, du 3 au 5 juin dernier, le congrès de l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre qui fédère désormais 900 700 familles.
Par Sylvie Horguelin
Sur le thème « Pourquoi l’École ? », le 19e congrès de l’Apel s’est déroulé dans la cité phocéenne, du 3 au 5 juin 2016, sous un soleil radieux. Bravant grève des transports et intempéries, deux mille participants, venus de la France entière, ont été chaleureusement accueillis au Parc Chanot par Emmanuelle Giravalli, présidente de l’Apel de Marseille. « On vous attendait depuis 86 ans ! », a-t-elle lancé émue, en rappelant que la première Apel était née dans cette ville et qu’aucun congrès ne s’y était déroulé à ce jour. Aussi, l’Apel académique d’Aix-Marseille, sous la houlette de son président Jean-François Hillaire, avait multiplié surprises gastronomiques, musicales et théâtrales (avec des sketches savoureux d’élèves) pour enchanter les congressistes. Les temps de convivialité ont alterné avec des conférences, tables rondes et laboratoires qui ont dessiné les contours de l’École de demain. Parmi les temps forts, le laboratoire sur « le fonctionnement du cerveau quand il apprend », animé par le professeur Grégoire Borst, de l’université Paris-Descartes.
Ce chercheur en neurosciences cognitives de l’éducation a démontré, en faisant réaliser de petits exercices aux participants, que le cerveau adoptait deux stratégies pour apprendre : « automatiser et résister aux automatismes ». La première consiste à « trouver des régularités dans l’environnement pour limiter notre consommation d’énergie »… avec un risque d’erreur. La deuxième nous permet de bloquer ces automatismes, au cas par cas, pour donner la bonne réponse. Les enseignants devront-ils demain apprendre aux enfants à inhiber le système 1 pour activer le système 2 ? Le paléoanthropologue Pascal Picq est allé dans ce sens en lançant aux enseignants : « Vous n’êtes plus ceux qui vont apporter les connaissances. Votre rôle sera d’apprendre à apprendre ». À l’ère de « l’homo numericus » qui permet aux élèves de vérifier ce que disent les professeurs pendant les cours sur leurs smartphones, le rapport au savoir a changé. Mais l’École s’est-elle adaptée ? Non, a lancé l’essayiste Peter Gumbel qui pointe aussi « la non prise en compte du corps », « des méthodes dépassées », « le travail en groupe insuffisant »… Plus tempéré, Jean-Michel Blanquer, directeur de l’ESSEC, pense certes que l’École doit évoluer « mais sur des bases sûres ». Et de rappeler que les enfants des cadres de la Silicon Valley vont dans des écoles… sans écran ! Ce dernier a d’ailleurs invité l’auditoire à ne pas « opposer tradition et modernité ».
Il faut vivre l'échec comme un apprentissage pour aller plus loin
Un sujet a fait consensus : « l’École doit être créatrice de confiance », a lancé Xavier Delattre, directeur de la fondation Entreprendre. De fait, tout élève a besoin de s’entendre dire : « Tu es une chance pour le monde » et « Nous avons besoin de toi », avait déclaré Mgr Le Borgne, évêque d’Amiens, accompagnateur de l’Apel, en ouverture du congrès. Une préoccupation portée aussi par Marie-Aleth Grard, d’ATD Quart Monde, qui aspire à une École ouverte à tous, « où les élèves se mélangent et pratiquent la pédagogie coopérative » pour former « des adultes de demain, conscients des différentes classes sociales » et solidaires. Deuxième souhait formulé par Xavier Delattre : que les chefs d’établissement et enseignants changent leur relation à l’échec. Comme dans les pays anglo-saxons, « il faut le vivre comme un apprentissage pour aller plus loin ». N’est-ce pas ainsi que la science progresse ? L’astrophysicien Pierre Léna a rappelé combien cette dernière était importante. Pour lui, « la science est un héritage du passé, un lieu ouvert sur le présent et une préparation de l’avenir ». « Beaucoup pensent qu’elle est réservée à une élite », à tort pense le fondateur de La main à la pâte. Et Pierre Léna d’inviter les enseignants à partager avec les jeunes « le grand récit qui permet de comprendre le monde », du Big Bang aux exoplanètes. Plus largement, le rôle de l’École reste bien, selon lui, de transmettre cette culture qui « hisse nos bambins sur les épaules des géants qui les ont précédés ». Au terme de ces trois jours, Pascal Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique, a rappelé que le projet de l’École catholique « réside dans le fait qu’elle entend simultanément enseigner, éduquer et témoigner de la Bonne Nouvelle ». Avec une attention toute particulière à apporter à « la formation de l’esprit et de la sensibilité : les vertus de la patience, de l’effort, de la précision et de la rigueur […] mais aussi, et sur ces points nous pouvons faire plus et mieux, la créativité, le goût de la recherche, l’esprit de coopération, le sens du beau et l’aptitude à l’émerveillement ! ». Le mot de la fin revenait à Caroline Saliou, présidente nationale de l’Apel : « Pourquoi avoir choisi ce thème ? L’Apel a-t-elle voulu insinuer que nous pouvions nous passer de l’École ? Non ». Si l’association de parents d’élèves a jugé opportun de se questionner sur le coeur des missions de l’École, c’est pour redire ce en quoi elle croit. « L’Apel a toujours défendu une École qui apporte la liberté intellectuelle. Les mots ne doivent pas manquer aux élèves pour exprimer leur pensée », a poursuivi la présidente. « Elle doit aussi permettre le vivre ensemble et développer un esprit citoyen. L’Ecole est une porte ouverte vers la société. Elle doit encourager les jeunes à y trouver une mission ». Et de conclure par une boutade : « Pourquoi l’École ? Pour en sortir. Pourquoi l’Apel ? Pour y entrer ! ».
Le guide du congrès Pourquoi l’École ? – 10 bonnes raisons d’aller à l’École, réalisé par l’Apel nationale (36 p.) est à télécharger sur le site : www.apel.fr
Pourquoi l'école ? Pas de surprise ! Pour 65 % des parents, la vocation première de l’École est de « transmettre un socle solide de connaissances et de savoirs fondamentaux aux élèves ». C’est ce que révèle un sondage APEL OpinionWay réalisé en avril dernier en partenariat avec La Croix, auprès de parents d’élèves issus d’un échantillon représentatif de la population française. Arrive en deuxième place : « éduquer au savoir vivre, savoir vivre ensemble et au savoir être, à l’autonomie ». Or, 52 % des parents ont le sentiment que l’École n’est pas bien adaptée aux enfants d’aujourd’hui qui « n’ont pas les connaissances de base » (18 %) et « manquent d’éducation » (13 %). Comment y remédier ? Selon eux, en prenant en compte la personnalité et les talents de l’élève (92 %) ; en améliorant la pédagogie (91 %) ; en valorisant le bien-être et le bien vivre l’École (89 %) ; en s’ouvrant davantage sur le monde socio-professionnel (87 %). Arrive en cinquième position : en renforçant le lien entre les parents, les élèves, les enseignants (86 %). Les parents sous estimeraient-ils le poids déterminant qu’ils jouent dans la réussite scolaire de leurs enfants ?
(1). Les résultats complets du sondage en téléchargement sur www.apel.fr
Lors du 19e congrès de l’Apel, à Marseille, Caroline Saliou, présidente nationale, et Jean-François Hillaire, vice-président, ont été réélus pour un mandat de deux ans. Ils ont obtenu 87 % des voix, soit 220 sur les 253 exprimées (256 inscrits). Sous les ovations de la salle, l’équipe présidentielle s’est engagée à préserver l’unité du mouvement et à représenter tous les parents dans leur diversité. Parmi leurs priorités : renforcer le lien entre l’École et la famille en accompagnant la mise en oeuvre de la Charte éducative de confiance. À l’approche des élections de 2017, Caroline Saliou entend, par ailleurs, rencontrer chaque candidat et créer un groupe de réflexion avec des hommes et femmes politiques de tous bords. Deux autres binômes étaient aussi en lice : Christophe Simon et Paul Gaudin qui ont obtenu 18 voix ainsi qu’Aymeric Le Clère et Philippe Abadie 15 voix.