Mis à jour le : 4 octobre 2022 / Publié le : 4 octobre 2022
Anpec: Aux sources de la violence
Du 14 au 16 septembre derniers, 64 psychologues, membres de l’Anpec ont suivi à Amboise (37) leur formation de rentrée, qui avait pour thème la violence chez l’enfant et l’adolescent. Trois jours pour se former mais aussi pour se retrouver entre professionnels.
Mireille Broussous
Théorie le matin, mise en situation l’après-midi. Tel était le programme du premier jour de la formation des psychologues de l’Anpec (Association nationale des psychologues de l’enseignement catholique), intitulée « Comment accompagne-t-on en tant que psychologue de l’éducation l’agressivité et la violence chez l’enfant et l’adolescent ? ». Menée par l’organisme de formation Epsilon Mélia, celle-ci s’est déroulée à Amboise (37) du 14 au 16 septembre derniers.
Le matin, deux formatrices ont abordé la question de la gestion de la violence. Isabelle Jarrigue, psychoclinicienne et chef du service éducatif Apprentis d’Auteuil a souhaité préciser le sujet. Selon elle, l’agressivité – « l’une des principales sources d’énergie de l’individu » d’après le pédiatre et psychanalyste Donald Winnicott – manifeste, bien que de façon malhabile, une volonté de communiquer avec l’autre. La violence, « expression de l’impuissance ou de la toute-puissance est, au contraire, une négation de l’autre », selon Isabelle Jarrigue. Comment réagir à cette violence lorsqu’on encadre des jeunes ? En suspendant son jugement et en faisant un pas de côté, car « un jeune n’est pas violent sans raison. Il existe toujours une source familiale, sociale ou institutionnelle », insiste Delphine Guillaume, consultante en psychologie. Il est possible de la prévenir en décryptant le plus en amont possible les situations afin d’apaiser les tensions. « Ensuite, c’est à l’environnement de devenir “thérapeutique” par une pédagogie adaptée, un travail avec les familles, une présence et un engagement auprès des jeunes », affirme Isabelle Jarrigue.
Douce violence
La violence ne provient donc pas toujours des jeunes, elle peut être institutionnelle ou éducative. On parle, envers les jeunes enfants en crèche ou en maternelle de « douce violence ». Elle englobe ces petits gestes par lesquels l’adulte montre son impatience, ces ordres donnés à tort et à travers : « mange », « dors », « ce n’est pas grave », etc. Sans parler des punitions dont le sens n’est pas toujours compris des enfants. « Lorsque l’adulte punit, il cherche surtout à se soulager lui-même. Sanctionner, c’est autre chose, c’est engager un travail de réflexion avec l’enfant ou le jeune sur ses actes », rappelle Isabelle Jarrigue.
Jeux de rôles
En début d’après-midi, l’assemblée était conviée à des jeux de rôle et des mises en situation. Dans un premier temps, les participants ont simplement échangé des regards silencieux avec leurs voisins en marchant dans la salle. Puis la comédienne Clothilde Pradère a demandé à chaque petit groupe (de 5 à 6 personnes) de mimer une scène vécue par l’un des participants dans laquelle une forte agressivité s’est exprimée. À la fin de cette courte scène, chacun devait s’immobiliser pour créer une sorte de tableau vivant. Les groupes se sont concertés pour choisir l’histoire la plus forte. Les sources d’agressivité identifiées sont multiples : parents, chefs d’établissement, membres de l’administration, psychologues « en chef » à l’égard de leur équipe, ou équipes de psychologues entre elles lorsqu’elles ne partagent pas le même point de vue sur l’opportunité d’adresser une information préoccupante à un juge alors qu’un mineur est en danger, par exemple. Des scènes fortes, centrées sur la violence que les adultes exercent les uns envers les autres, plutôt que sur celle qui émane des jeunes…
Trois questions à Céline Bouet
et Marie-Agnès Brethé,
co-présidentes de l’Anpec
Le changement de convention collective impacte-t-il le métier de psychologue de l’éducation ?
Marie-Agnès Brethé : Nous étions rattachés à la convention collective nationale des psychologues de l’enseignement privé. Nous avons rejoint la Convention collective nationale de l’enseignement privé non lucratif (CEPNL) au premier septembre dernier. Cela a, avant tout, un impact sur l’évolution de notre rémunération. Auparavant, il existait des échelons, les progressions salariales étaient principalement liées à l’ancienneté. Désormais, nous allons devoir négocier individuellement les hausses de salaire. Il faudra faire valoir le suivi de nouvelles formations, l’obtention d’un nouveau poste ou de nouvelles responsabilités. L’ancienneté comptera peu. L’individualisme sera donc nécessairement plus fort.
Existe-t-il aujourd’hui un déficit de psychologues en milieu scolaire comme il y a un manque d’enseignants ?
Céline Bouet : Il est difficile de recruter des psychologues de l’éducation, de même qu’il est difficile d’embaucher des psychologues hospitaliers. Les bacheliers sont nombreux à démarrer des études de psychologie mais peu d’étudiants poursuivent jusqu’en master 2. Par ailleurs, les psychologues scolaires sont confrontés à une certaine précarité professionnelle, les rémunérations sont peu satisfaisantes en début de carrière et il est souvent nécessaire de parcourir de longues distances pour se rendre d’un établissement à l’autre… En outre, de plus en plus de diplômés osent se lancer en libéral. De ce fait, oui, il existe un déficit de professionnels. Des établissements en Île-de-France, par exemple, cherchent actuellement à recruter sans succès. Il est vrai aussi que parallèlement la demande s’accroît. Les établissements et les diocèses ont ouvert des postes car ils souhaitent renforcer l’accompagnement psychologique des élèves.
Parce que la crise sanitaire a laissé des traces ?
Marie-Agnès Brethé : Oui. Suite à la Covid-19, la santé mentale des jeunes s’est dégradée. Leur environnement familial a beaucoup évolué. Certains parents ont changé de profession et ont déménagé dans un processus de déconstruction/reconstruction. Cela a, bien sûr, eu un retentissement sur les jeunes. Par ailleurs, la crise écologique, la guerre en Ukraine fragilisent les adolescents mais aussi les enfants, qui trop souvent accèdent à l’information sans filtre ni explication…