Mis à jour le : 5 décembre 2024 / Publié le : 19 novembre 2024

Améliorer le dialogue avec les élus

"Nous devons améliorer le dialogue avec les élus, en veillant à ce qu'il ne se réduise pas à une question matérielle et financière. Les maires doivent nous connaître, connaître la spécificité de nos établissements, nos fragilités. De notre côté, il nous faut les entendre". Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique, en ouverture du Salon des maires a prôné la conciliation tout en prévenant que l’enseignement catholique resterait vigilant à conserver ses marges de liberté.

"Ceux qui nous critiquent ne nous connaissent pas" a-t-il regretté au sujet des faux procès faits à l'enseignement catholique… « Notre réalité, c’est qu’en Aveyron, l’IPS de nos établissements est inférieur à celui du public (…) Qu’on nous considère comme une variable d’ajustement dans la définition des cartes de formation par exemple (…) ou encore que le projet de loi de finance en cours de discussion nous est très défavorable… »

Des transports problématiques

Des dizaines d’établissements de Franche-Comté menacés par la remise en cause par la Région, de la gratuité de la carte de transport aux élèves du privé qui en profitaient jusqu’alors au même titre que ceux du public.

Mireille Beyssere, Directrice Diocésaine interdiocésaine de Franche-Comté

Alain Chrétien, Maire de Vesoul

Branlebas de combat en Franche-Comté sur la question des transports. Alertée début juillet, par plusieurs familles n’ayant pas obtenu leur carte de transport, Mireille Beyssere, Directrice Diocésaine de Franche-Comté a eu l’amère surprise de constater que la Région remettait en cause les aides aux transports des élèves du privé pour la rentrée scolaire 2024. Plusieurs départements sont touchés : le Jura, la Haute-Saône, la Nièvre, l’Yonne et le Doubs, particulièrement concerné avec dix établissements et une vingtaine de trajets impactés, ce qui représente un montant de 870 000 euros. Pour les familles, cela représente un surcoût de 1000 euros sur une contribution annuelle qui va de 350 à 700 euros pour les frais de scolarité.

Cette décision résulte d’une harmonisation entre les diverses politiques départementales de transport, à l’occasion du transfert à la Région de cette compétence. « C’est une rupture d’égalité » pour Alain Chrétien, Maire de Vesoul, qui rappelle que l’enseignement catholique est « un service public, reconnu par l’Etat et acteur essentiel de la ruralité et de la dynamique des territoires ». Rebondissement in extremis fin août 2024, lorsque la région annonce le report de cette décision et une mise à disposition des transports pour les élèves du privé. « Un moratoire d’un an que salue Alain Chrétien qui demande « aux conseillers régionaux de remettre ce sujet au cœur des discussions » au motif que « rien ne ressemble plus à un élève du public qu’un élève du privé. Je ne vois pas pourquoi il y aurait deux traitements différents ».

Ce d’autant plus qu’en zone rurale, les établissements d’enseignement catholique, par leur maillage, entretiennent la vie locale et cultivent l’ouverture aux élèves en difficulté sociale ou scolaire, comme le souligne Mireille Beyssere : « Nous accompagnons en proximité, dans de toutes petites structures : certains élèves, au bord du décrochage, vont être pris en charge dans un établissement privé qui va les aider à grandir et à s’épanouir ».

L’aide aux transports de la Région est donc cruciale en zone rurale, il en va du bien-être de l’élève : « Est-ce normal de devoir faire 40 kms tous les jours faute de pouvoir payer un transport moins long jusqu’au collège privé voisin mais plus cher car non subventionné  ? » interpelle Alain Chrétien.

De surcroît, le retrait de l’aide aux transports menace la pérennité même des établissements, souvent isolés géographiquement et fragiles financièrement: « Certains n’y survivront pas car nous ne pouvons pas demander une plus grande contribution financière aux familles » déplore la Directrice Diocésaine de Franche-Comté, évoquant le risque de voir des déserts éducatifs se superposer aux déserts médicaux.  « C’est à contre-courant de l’effort de valorisation de nos villages » confirme le Maire de Vesoul dont l’ensemble scolaire catholique Le Marteroy, totalement inséré dans le tissu éducatif, anime le cœur de ville. Il conclut sur une note d’espoir : « La région reste à l’écoute et la porte est ouverte ». Tout n’est pas encore joué. Dans un désir de compromis, Mireille Beyssere cherche en effet à obtenir le maintien de l’aide en diminuant son coût pour la collectivité grâce à la rationalisation des itinéraires : Une proposition en ce sens a été soumise à l’automne au vice-président de la région. Une future rencontre devrait avoir lieu en janvier.

Rétrospective sur la loi Rocard

Michel Dantin, Secrétaire Général du Cneap
Fernand Girard
ancien Secrétaire Général du Cneap, de 1982 à 1990

Invité à retracer l’historique de la loi Rocard (1984), Fernand Girard ancien Secrétaire Général du Cneapde 1982 à 1990, a rappelé le contexte du vote de cette loi. Celui de vives contestations alors que l’enseignement privé était en passe d’être nationalisé et le réseau agricole mis sous tutelle du ministère de l’Éducation nationale. « C’était un hold-up. Mais le Cneap n’a pas pleuré, n’a pas contesté, il a au contraire proposé le contrat. Michel Rocard lui était très ouvert au dialogue et connaissait bien le monde agricole, ce sont les agriculteurs qui l’ont sollicité ».

De son côté, l’actuel président du Cneap, Michel Dantin, décrit cette période d’élaboration de la loi, comme un temps « extrêmement important pour le monde agricole dans son ensemble », apportant une reconnaissance de l’outil de formation, « un appareil spécifique qui restait attaché au ministère de l’Agriculture ».

Les deux experts s’accordent à dire que la loi Rocard a été l’acte fondateur de l’actuel CNEAP. « C’est ce qui nous distingue des autres systèmes, poursuit Michel Dantin, le CNEAP promeut les missions de l’enseignement agricole, à savoir : éduquer, l’animer les territoires, coopérer à l’international, promouvoir la recherche – nos exploitations agricoles sont des lieux d’expérimentation, aujourd’hui en agroécologie, notamment. » L’animation des territoires est un véritable support pour les élus locaux, puisque les établissements agricoles mènent avec les communes des partenariats avec les crèches, les cantines, ou mettent à leur disposition certains de leurs équipements.

Aujourd’hui, selon Michel Dantin l’enjeu pour le Cneap est d’assurer sa présence sur le territoire et de se développer en réseau : « Tout est bouleversé actuellement, il faut abandonner la notion de verticalité et travailler ensemble. Nos établissements doivent se parler davantage, parler à la société… ».

Dans l’attente de la future loi sur l’orientation agricole, qui doit retourner au parlement en janvier, la résistance à l’œuvre dans le secteur doit être équilibrée, selon Fernand Girard : « nous sommes dans une phase intense de changement. Quand on change, il faut savoir conserver ce qui vaut et changer ce qu’il faut changer ». Michel Dantin lui, se dit confiant et pense pouvoir compter sur le soutien d’élus qui, lorsqu’il les croise en visite dans les établissements scolaires, ne manquent pas de lui vanter le sourire et l’enthousiasme des élèves rencontrés.

Reconquérir une équité de moyens

Pierre-Vincent Guéret, Président de la Fédération nationale des Ogec

 « Il ne faut pas rendre otage les enfants, leurs familles et leurs enseignants d’une bataille idéologique », lance, offensif, Pierre-Vincent Guéret, le président de la Fédération nationale des Ogec. Pour lui,  «aider pour la restauration les élèves du public et pas ceux du privé reste une discrimination. Car, contexte économique tendu ou non, il est essentiel de traiter tous les enfants de la même manière pour respecter le principe de liberté scolaire. »

Or, avec des forfaits variant de 1 à 10 selon les territoires, le financement des établissements de l’enseignement catholique n’obéit pas au principe d’équité posé dans la loi. Le patron de la Fnogec a invité les établissements à entrer dans une culture du lobbying voire du plaidoyer pour faire connaître cette situation. Mais aussi pour faire valoir leur rôle économique, comme employeurs, mais aussi sur l’apprentissage, par exemple. »

Pour mieux se faire connaître et dialoguer davantage avec les élus, la Fédération des Ogec dédie ses prochaines journées annuelles aux partenariats avec les collectivités locales. L’occasion de valoriser les nombreuses coopérations fructueuses et éviter ainsi  que quelques situations d’opposition ne soient pas érigées en généralité.

Partagez cet article

>