Mis à jour le : 8 mars 2018 / Publié le : 8 mars 2018
Un self anti-gaspi
Suite à un incendie, le restaurant scolaire du Collège St Vincent à Brissac-Quincé, en Maine et Loire a dû être entièrement reconstruit. Une renaissance qui a donné l'occasion d'instaurer un programme zéro déchet, de dynamiser l'éducation nutritionnelle, de repenser la qualité des aliments, des locaux et le modèle économique. Récit du chef d'établissement.
Le 22 juillet 2015, un incendie détruisait le restaurant scolaire du Collège St Vincent à Brissac-Quincé en Maine et Loire. En quelques semaines, il a fallu installer un restaurant provisoire en construction modulaire, envisager une production de repas en cuisine centrale avec livraison en liaison froide, se rééquiper entièrement en matériel de cuisine, vaisselle… Une vraie course contre la montre pour être prêt à accueillir les élèves le 1er septembre.
Puis, le temps de la réflexion sur les bâtiments à reconstruire et la restauration à mettre en place est venu. L’OGEC du collège et de l’école avaient déjà en tête de faire évoluer la qualité des repas fournis et un projet de construction avait par ailleurs été envisagé.
Deux groupes de travail ont donc vu le jour pour travailler en parallèle et en liaison à ces deux projets. Un groupe était chargé d’étudier le projet « bâtiment » pendant que l’autre travaillait sur le projet « restauration ». L’enjeu aboutir en moins de 18 mois, l’assurance incendie ne prenant en charge la location des modulaires que sur ce laps de temps. Mission presque accomplie dans les délais puisqu’au retour des vacances de printemps, le 24 avril 2017, les élèves entraient dans ce nouveau restaurant.
Un projet co-construit
Enquêtes auprès des familles, des élèves, des personnels se sont succédées pour connaître les attentes et les priorités à se donner, le tout avec l’aide d’un cabinet expert en restauration PH partners.
Les résultats de ces enquêtes ont été présentés aux élèves lors d’un conseil de délégués. Ils ont pu prendre connaissance du projet, donner leur avis et se faire les porte-parole du projet auprès de leurs pairs. Démarche identique avec les parents lors de conseils d’établissement où la réflexion s’est poursuivie.
Dans le même temps quelques membres de l’Ogec, responsable de vie scolaire, chefs d’établissement de l’école et du collège se sont déplacés dans différents restaurants dans le département de Maine et Loire mais aussi à Lyon et Loches, notamment pour y découvrir comment réduire la quantité de déchets de plateau élève.
Petit à petit, le projet a pris forme avec trois objectifs :
- réduire les déchets plateaux en rendant les élèves responsables de leurs choix,
- améliorer la qualité des repas tout en veillant à l’équilibre des repas, privilégier l’approvisionnement local, le fait-maison, avec des produits de saison,
- garder la maîtrise des coûts repas.
Le nombre de repas à fournir chaque jour est d’un peu plus de 700 : 500 collégiens (demi-pensionnaires à 97%), 135 primaires, 65 maternelles, une vingtaine d’adultes.
Nous voulions que le temps de repas devienne un temps de détente, sans stress, dans une ambiance sonore et un cadre agréable. Le choix a donc été fait de la création de 4 salles de restauration articulées autour de locaux de stockage et production, et d’une laverie commune à tous les publics.
Globalement l’équivalent de deux services s’enchaînent pour les collégiens et primaire (sur une durée de temps méridien de 1h30), mais le plus souvent les élèves disposent du temps qu’ils souhaitent pour déjeuner soit entre 20 min et 1h30. Le service en « scramble » présente l’avantage de permettre un service beaucoup plus rapide qu’un système « self » (7 à 8 personnes peuvent se servir en simultané là où dans un self chacun attend que le précédent avance pour se servir à son tour).
Des repas de qualité…
Nous voulions également que les élèves mangent à leur faim, avec des produits de qualité. Nous avons lancé un appel d'offre auprès de plusieurs prestataires et établi un cahier des charges précis avec des exigences fortes en matière de qualité des produits. Par ailleurs, les modalités du service devaient permettre aux élèves de manger à leur faim tout en limitant le gaspillage :
- pour les maternelles, un service à table, sans choix dans les différentes composantes du repas. Ils sont servis par du personnel dédié (ASEM). L’éducation au goût prend toute son importance.
- pour les primaires, collégiens et personnels, le choix a été fait d’abandonner le service en self classique pour un service en « scramble », où les élèves se servent eux-mêmes, dans les quantités qu’ils souhaitent, pour un repas avec 5 composantes :
- Trois entrées proposées, service à volonté
- Deux viandes ou deux poissons au choix, avec deux garnitures à volonté
- Trois produits laitiers au choix
- Trois desserts au choix
- Un fruit en complément choisi dans une corbeille de fruits.
Les priorités choisies étaient :
- la réalisation d'une cuisine de qualité, faite sur place avec un maximum de produits frais,
- la mise en avant des produits de saison, issus majoritairement de fournisseurs locaux;
- l’utilisation de matières premières de qualité (en partie bio, produits labels, AOC…).
Suite à l’appel d’offre, nous avons contractualisé avec RESTORIA qui nous a accompagné dans notre projet et a créé pour nous le concept « Mission zéro ».
Un projet de restauration au service du projet éducatif
Des repas équilibrés, une éducation au goût. L’équilibre des repas est assuré par un choix « dirigé » dont les élèves n’ont pas forcément conscience. Exemple, si les trois entrées proposées sont de même type « crudités », dans ce cas les deux garnitures de plat chaud proposées seront de type « féculent » et inversement. L’exigence étant qu’à minima chaque élève goûte à chaque composante. On est donc assuré d’un équilibre des repas.
Le fait de goûter à minima, permet aussi de faire découvrir des goûts, des saveurs… de prendre un peu pour tester, de se resservir si cela plaît. La consommation de légumes a nettement augmenté !
Une mission « zéro déchets », des élèves responsabilisés. L’objectif zéro déchets atteint dès l’ouverture du nouveau restaurant repose sur une relation contractuelle avec les élèves : vous choisissez ce que vous voulez manger, vous vous servez vous-même de la quantité qui correspond à votre appétit, mais tout ce que vous prenez vous le mangez ! Le tout s’appuyant sur une démarche de service expliquée ci-après.
Et ça marche ! Les chiffres des premiers mois de fonctionnement attestent que les déchets du nouveau restaurant scolaire sont plus de six fois moins important que la moyenne nationale de l’ADEME.
Concrètement, comment se passe le service ?
1 – Les élèves badgent et prennent un plateau, des couverts.
2- Ils choisissent un dessert, un produit laitier, un fruit (ils peuvent ne prendre qu’une ou deux de ces composantes) – Le scramble de dessert est le seul auquel ils n’auront plus accès ensuite, d’où le positionnement à l’entrée du restaurant.
3 – Ils vont déposer leur plateau sur une table.
4- Ils se déplacent au scramble d’entrées, prennent une assiette et se servent d’une ou plusieurs entrées, à volonté. Ils peuvent revenir se servir. Ils peuvent aussi prendre une seule tranche de pain à la fois à ce pôle entrées.
5 – Quand l’entrée est terminée, ils se dirigent vers le scramble « plat chaud » où ils se servent à volonté des garnitures proposées, on leur sert la viande ou le poisson selon la quantité qu’ils souhaitent. A noter, si l’assiette est propre il leur est demandé d’aller prendre de l’entrée avant de revenir au plat chaud. Si l’entrée n’est pas terminée, on refuse de leur servir le plat chaud ! Ils peuvent resservir de garniture à volonté.
6 – Ils mangent leur produit laitier, dessert et fruit.
7 – Ils desservent leur plateau dans lequel aucun reste alimentaire ne doit apparaître. Les pots de yaourts doivent être vides et écrasés pour éviter qu’ils ne servent à mettre des restes. Un tri est fait par les élèves entre les déchets organiques qui seront valorisés sous forme de biogaz, et les autres déchets (pots de yaourts ou fromage blanc principalement).
Une relation différente…
Le personnel n’a plus le même rôle. Le personnel de cuisine et service est dans la salle, en contact direct avec les élèves (et non plus derrière la ligne de self) pour assurer l’approvisionnement des scrambles. Ils ont la satisfaction de voir les plats préparés non plus jetés mais mangés et appréciés !
Les surveillants ont un rôle de surveillance beaucoup plus serein, ils s’attachent à veiller à ce que les règles soient respectées (finir son assiette, bien se comporter…) mais le temps de repas, l’ambiance sonore, la notion contractuelle « je me sers à volonté, mais je mange tout ce que je prends » que les élèves respectent spontanément dans leur très grande majorité rend leur travail beaucoup plus agréable.
Une sensibilisation en amont nécessaire
Avant l’ouverture du nouveau restaurant, une sensibilisation a été nécessaire. Les familles ont reçu un courrier présentant le concept du restaurant zéro déchet. Les élèves ont été informés en vie de classe par un diaporama présenté quelques semaines avant l’ouverture. Idem pour l’équipe éducative sensibilisée également.
Pendant les 15 premiers jours de fonctionnement, l’équipe de cuisine et de surveillance a été renforcée par des professeurs volontaires, aussi bien du côté primaire que collège, pour être présents durant le temps de repas. Ce soutien était primordial pour accompagner la démarche, rappeler les règles, inciter à goûter ou à ne pas trop en prendre, exiger de finir son assiette, veiller au tri des déchets non mangeables…
Deux ou 3 jours difficiles, les élèves ayant l’envie de tout goûter, de prendre ce qu’ils aiment en quantité… et ensuite d’avoir du mal à finir leur assiette. Exigence de l’équipe, rigueur de la règle donnée et très rapidement les élèves comprennent qu’ils doivent s’autoréguler, ne prendre que ce qu’ils sont capables de manger, en prendre un peu puis se resservir s’ils aiment les plats proposés… pour ne pas se retrouver devant une assiette encore pleine et plus du tout d’appétit !
Un modèle économique qui marche !
Auparavant un tiers des repas était jeté, cette portion n’est plus produite désormais. L’économie réalisée est ré-investie dans la qualité des repas « faits maison », à base de produits frais. Cette qualité donne envie de goûter et manger ce qui est proposé et un cercle vertueux s’installe.
A titre d’exemple, avant ce nouveau concept 72 pains en moyenne étaient mis à disposition chaque midi dont une bonne partie partait en poubelle, maintenant seulement 38 pains / jours en moyenne sont consommés, ce qui nous permet de proposer du pain de qualité.
L’utilisation de moins de vaisselle (l’entrée est mangée dans la même assiette que le plat chaud), la préparation de grands plats d’entrée ou de dessert et non de portions individuelles occasionne un gain de temps de travail du personnel réinvesti dans la confection des repas, le fait-maison.
Au final, un coût de repas qui n’a pas augmenté suite à l’ouverture du nouveau restaurant et une satisfaction globale des convives et des familles qui fait plaisir à voir !
Loïc Batardière
Chef d'établissement du collège privé Saint-Vincent
à Brissac Loire Aubance