Publié le : 8 septembre 2025
L’alternance pour changer d’air et tester des univers professionnels variés
Yannis, 19 ans, né juste après la loi de 2005, est passé l’an dernier du statut d’élève en situation de handicap à celui d’apprenti ayant une reconnaissance de travailleur handicapé. Il fait partie de la génération inclusive qui pose au système éducatif le défi de l’insertion professionnelle. Accompagné par Antoine Pubert, référent handicap du Cerfal, CFA de l’Enseignement catholique en Île-de-France et des équipes enseignantes de Saint-Jean-de-Montmartre, à Paris, il participe à le relever avec brio et bagout.

L’alternance est une voie réputée difficile car imposant un rythme de travail intensif. Comment gérez-vous cela avec un handicap ?
Yannis : En tant que TDAH et multi dys, rester assis sur une chaise toute la journée m’est très difficile. Depuis toujours. C’est pourquoi l’alternance me convient plutôt très bien ! Je passe trois jours par semaine en entreprise (dans le secteur bancaire) et deux jours en cours au lycée Saint-Jean-de-Montmartre. Changer d’air, d’environnement au cours de la semaine me fait beaucoup de bien. Bien sûr, le rythme est fatiguant car mes jours de congés et mes week-ends sont consacrés à travailler les cours… Mais je suis motivé. D’autant qu’en entreprise et en BTS, avoir un ordi n’est plus stigmatisant comme au collège : c’est la norme. En entreprise, je peux aller au distributeur pour bouger et l’IA corrige mes fautes… Finalement ma différence se voit moins. En plus l’alternance, commencée durant les stages de bac pro, me permet de tester des univers professionnels variés et de vraiment me rendre compte de ceux qui peuvent me convenir.
Antoine Pubert : La pédagogie de l’apprentissage facilite la différenciation pédagogique, car les formateurs sont habitués à adapter leurs cours aux apports que les jeunes reçoivent en entreprise et qui sont tous différents selon leurs lieux d’apprentissage. Ce type de cursus requiert en revanche beaucoup d’autonomie, de la volonté et de l’endurance. Pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, il faut des outils qui rendent cela possible. Ce qui est un bénéfice pour tous : la bienveillance est érigée en objectif éducatif.
Quel regard portez-vous sur votre parcours scolaire ?
Yannis : Mon parcours a été compliqué, surtout en primaire. J’ai bénéficié d’une AESH à partir du CE1, année où j’ai aussi commencé diverses suivis d’orthophonie et d’ergothérapie. Un véritable emploi du temps de ministre ! Mais l’école publique n’a jamais accepté que j’utilise un ordinateur en classe et voulait à toute force m’orienter en Ulis, ce que refusait ma mère.
Au collège Saint-Joseph-La Salle à Pantin (93), puis au lycée parisien Saint-Jean-de Montmartre – où je poursuis aujourd’hui un BTS en apprentissage – c’est devenu plus facile : j’ai été mieux accompagné, notamment pour obtenir les aménagements qui m’étaient nécessaires pour les examens du brevet puis du bac : un tiers temps, un ordinateur et l’aide d’un secrétaire-lecteur qui peut reformuler la consigne…
Antoine Pubert : Lorsqu’il faut prévoir de tels aménagements, il y a une logistique derrière et un coût pour l’établissement : des heures de surveillance supplémentaires, voire une salle d’examen séparée… sans parler, par exemple, des heures de l’interprétariat pour des déficients auditifs, qui coûtent très chers. La mission handicap du Cerfal peut apporter un soutien financier. J’incite les jeunes qui le peuvent à demander la RQTH car cela leur ouvre des aides spécifiques. Je travaille ensuite à mutualiser les aides les plus couteuses.
Combien d’apprentis en situation de handicap le Cerfal accompagne-t-il et comment ?
Antoine Pubert : Le Cerfal, CFA de l’Enseignement catholique en Île-de-France, existe depuis vingt ans et fédère aujourd’hui 48 UFA réparties dans des établissements catholiques de ce territoire. Au total, cela représente plus de 5 000 apprenants, dans des filières très variées, allant de la sécurité à la biologie. Voilà dix ans, en 2015, voyant arriver les premiers apprentis en situation de handicap, la structure s’est dotée d’une mission handicap dans le cadre de son travail sur sa responsabilité sociale et environnementale (RSE). En tant que référent handicap, je suis particulièrement les 1,3 % de nos effectifs en situation de handicap déclaré, soit une soixantaine de jeunes, ce qui est encore peu. Mais j’accompagne aussi 10 % de nos apprentis qui bénéficient d’aménagements divers sans que cela soit lié à une situation de handicap avéré.
Les établissements scolaires ont aujourd’hui globalement bien intégré la culture inclusive et la nécessité des aménagements. J’interviens donc plutôt auprès des entreprises pour les inciter à prendre en apprentissage nos jeunes en situation de handicap puis pour les aider à adapter les postes de travail. J’assiste pour cela à de nombreux forum sur l’emploi. Je suis également en lien très étroit avec les tuteurs de nos apprentis en entreprise.

Yannis
apprenti
Antoine Pubert
référent handicap du Cerfal
Saint-Jean-de-Montmartre, un lycée très inclusif
Le lycée Saint-Jean-de-Montmartre (Paris XVIIIe) accueille 400 élèves dont un quart ont des aménagements divers et variés ainsi que quinze élèves relevant de son dispositif Ulis.
Une vingtaine de ses étudiants en BTS réalisent leur cursus en apprentissage via une des 48 UFA du Cerfal, CFA de l’Enseignement catholique en Île-de-France.