Mis à jour le : 29 avril 2024 / Publié le : 24 avril 2019

Miser sur l’architecture inclusive

Aux confins de l’Yonne niche  « un scarabée à cinq pattes »… Cette structure d’accueil pour autistes, L’Éveil du Scarabée, est entièrement pensée pour s’adapter à leur handicap. On y découvre une mise en espace bientraitante pour tous.

Virginie Leray

 

À L’Éveil du Scarabée de Champcevrais (89), un foyer médicalisé intercommunal où vivent vingt personnes autistes, des résidents accueillent le visiteur sur le seuil sans crainte. Ils démontrent ainsi toute l’attention portée ici à atténuer les contrastes et leurs effets anxiogènes : Auvent, baies vitrées et moucharabiehs assurent une transition tout en douceur entre l’extérieur et l’espace de vie central qui n’a rien d’un froid couloir d’hôpital.

Au milieu de ce large chemin de déambulation, coiffé d’une voûte tapissée de e pièges à sons, trône même un arbre à palabres. Pour garantir une luminosité constante, des réverbères surélevés prennent le relais des puits de lumière naturelle quand le jour baisse et leurs LED colorées diffusent des tonalités dynamisantes le matin, plus chaudes et apaisantes le soir…

Le long de cet espace partagé qui mène au bar-restaurant, tout ouvert également, sont aménagées de discrètes alcôves, sortes de zones d’isolement sans porte, protégées des sons et des regards et agrémentées de mobilier enveloppant. De part et d’autre de cette agora, se tiennent deux ensembles de salles, largement vitrées, dédiés au personnel et aux soins, tandis que les chambres se répartissent à la périphérie du bâtiment.

 

À l’inauguration du lieu, en 2015, l’enthousiasme des résidents a été à la hauteur du scepticisme du personnel : « Ces locaux ne sont plus pensés pour faciliter leur travail mais pour le confort des résidents. Leurs crises ont d’ailleurs été divisées par dix, déstabilisant des soignants habitués à ne gérer que l’urgence. La transparence du lieu fait enfin qu’on ne sait plus qui est sous le regard de qui… et implique, par exemple, que le staff tienne ses réunions au vu de tous », détaille Jean-Pierre Sanchis, directeur de la structure, plutôt fier d’avoir fait basculer son équipe du « sur-veiller » au « veiller-sur ».

 

Liberté et fluidité

 

 

Une révolution née de la rencontre avec Emmanuel Negroni, architecte maître d’œuvre de la construction. Sa découverte du monde de l’autisme lui a inspiré « une architecture thérapeutique » qui pose les principes de mises en espace bientraitantes pour tous : « Il s’agit de favoriser la liberté et la fluidité des déplacements, de lutter contre l’impression d’enfermement grâce aux jeux de lumière et aux lignes de fuite visuelles et de mieux articuler espaces ouverts et lieux de replis », énonce-t-il en présentant les plans d’un institut médico-éducatif qui doit sortir de terre à Écouen (95) en 2020.
Ses jardins intérieurs et perspectives traversantes ont de quoi faire rêver les élèves et éducateurs qui subissent trop souvent le vacarme des cantines, la lumière crue des spots plafonniers, les bousculades de couloirs ou encore la difficulté à partager l’espace des cours de récréation ou à penser l’intime dans les internats. Des sas de décompression pour les élèves hyperactifs ayant besoin de se recentrer ou des endroits pour échanger au calme avec un professeur seraient aussi les bienvenus.
En attendant la prise de conscience du bénéfice relationnel qu’apporteraient des locaux collectifs mieux agencés, Emmanuel Negroni a aussi imaginé du mobilier anti-stress, tel que des assises ou des tables permettant de s’installer dans de multiples configurations. Autant d’aménagements qui pourraient contribuer à embellir le climat scolaire !

Un surcoût … rentable

Globalement, l’Éveil du scarabée affiche un surcoût de près de 25% comparé à d’autres structures identiques. Pour autant, son prix au mètre carré construit reste autour de 2000 euros contre 1800 euros pour des HLM et jusqu’à 2700 euros pour un équipement culturel. De plus, son système de géothermie permet de réaliser des économies de fonctionnement non négligeables.
Emmanuel Négroni fait aussi valoir que les coûteux chantiers de mise aux normes sont davantage rentabilisés lorsqu’ils sont mis à profit pour repenser durablement et en profondeur les aménagements spacieux.

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