Mis à jour le : 8 novembre 2018 / Publié le : 19 octobre 2018
L’inclusion scolaire, un défi international
Sophie Cluzel et Jean-Michel Blanquer ont lancé, lundi 22 octobre, une concertation afin de mieux accueillir les enfants handicapés à l’école. Ce coup d’envoi fait suite à deux journées de colloques qui ont présenté et analysé les politiques conduites dans 14 pays étrangers.
Rendu des copies en février 2019 pour une mise en place des premières mesures dès la rentrée suivante.
Par Aurélie Sobocinski
Conjuguer la perspective quantitative avec une dynamique qualitative : c’est le changement de paradigme « tant dans l’esprit que dans l’organisation et la gouvernance de l’Ecole » auquel Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, a appelé le 18 octobre à l’occasion de l’ouverture d’un colloque international sur l’éducation inclusive à la cité des sciences de La Villette (Paris) devant 400 représentants, acteurs éducatifs et sociaux de 14 pays.
« L’enjeu de l’école inclusive est l’enjeu de l’école en général. Si l’école parvient à inclure les élèves en situation de handicap, elle dit quelque chose sur sa capacité à développer des parcours personnalisés pour tous les élèves », a souligné le ministre qui a rappelé la création de 250 ULIS (unités localisés d’inclusion scolaire) sur le quinquennat dont 38 à cette rentrée en lycée ainsi que l’expérimentation d’un PIAL (pôle inclusif d’accompagnement localisé) dans chaque académie visant une approche territoriale coordonnée des aides humaines, pédagogiques, éducatives et thérapeutiques.
« L’approche inclusive va bien au-delà de la question du handicap : il s’agit de faire place à la diversité et à la singularité de chacun », a ajouté pour sa part Sophie Cluzel, en préambule à ces deux journées d’études et de comparaisons internationales. Après différents séjours d’observation en Espagne, au Danemark, en Italie, en Suède et au Canada, la secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées s’est dite « frappée » par le développement actuel de politiques inclusives « qui profitent non seulement aux élèves à besoins éducatifs particuliers mais aussi à tous les élèves » et par « l’implication forte des chefs d’établissement, leur autonomie dans la gestion des ressources et la coopération existant au sein des établissements avec les partenaires extérieurs ».
Au Portugal par exemple, où 97% des élèves en situation de handicap sont scolarisés, « l’étiquetage « élèves à besoins particuliers » a été abandonné dans la nouvelle loi sur l’inclusion en milieu scolaire fondée sur l’inclusion curriculaire », a expliqué le secrétaire d’état à l’Éducation, João Costa, participant à la conférence: L’approche multidisciplinaire n’est plus centrée sur le handicap mais sur les barrières aux apprentissages de chacun. Tous les élèves sont spéciaux ! Cela implique un changement de regard sur le groupe (classe, ndlr) et de culture : la dénomination de « classe homogène » a été supprimée avec la conviction que l’hétérogénéité est le chemin pour la véritable inclusion, et consolide la démocratie. Ce qui est crucial c’est le sentiment d’appartenance.»
Pas de modèle idéal qui tienne pour autant... « Il n’est pas question de plaquer un modèle sur un autre. L’ambition des comparaisons internationales est de se confronter positivement -chacun ayant à construire sa voie selon son histoire et sa démographie», a rappelé Martine Martine Caraglio, haut fonctionnaire au handicap et à l’inclusion.
« Il y a aujourd’hui des évolutions générales en matière d’adaptation des curriculum et des examens, des formations se développent pour les enseignants, les personnels spécialisés, les équipes. De même, on observe des difficultés similaires liées aux inégalités, à la qualité du vécu scolaire ou aux modalités d’organisation des aides. Face à ces nombreux défis l’enjeu est de croiser nos expériences respectives et d’enrichir nos réflexions pour une mise en œuvre rapide et concrète », a souligné l’inspectrice générale qui espère le développement prochain d’un réseau d’échange international sur le sujet.
"Le défi de la formation des enseignants"
Anick Debay-Woszenski, directrice de l’école-collège de l’IEM (institut d’éducation motrice) St Jean de Dieu à Paris, se félicite du partaneriat qui la lie à l'école Saint-Christophe.
« Dans notre établissement médico-social, certains de nos élèves en situation de handicap moteur sont en inclusion dans l’école voisine St Christophe depuis trois ans. Avant sa fermeture, nous avions une convention avec l'école Saint Charles depuis de très nombreuses années. Le plus de ce partenariat c’est que notre équipe d’enseignants spécialisés et l’équipe pluridisciplinaire de l’IME accompagne toute l’équipe -enseignants, AVS- de St Christophe. La formation des enseignants en milieu ordinaire est le vrai défi pour aller plus loin dans l’école inclusive aujourd’hui, tout comme celle des AVS. Avec la directrice de St-Christophe nous organisons des rencontres régulières -tout le monde participe aux temps d’équipe de suivi de scolarité et les enseignants peuvent se retrouver également sur les temps de midi pour faire le point sur les jeunes en inclusion et adapter l’accompagnement en classe à leurs besoins. Un autre sujet à relever aujourd’hui est l’accessibilité des ressources éducatives numériques pour améliorer l'accueil et la pleine intégration des élèves, et faciliter le suivi de leur scolarité par leurs parents. Dans la politique ambitieuse mise en avant par Jean-Michel Blanquer et le changement d’organisation des moyens d’accompagnement qui s’annonce au niveau des établissements et non plus des MDPH, nous attendons de voir quels vont être les moyens effectivement alloués mais des répartitions différentes entre les établissements médico-sociaux et l’école sont possibles. Ma seule crainte dans le projet gouvernemental actuel est le risque d’une inclusion à marche forcée : nous avons des élèves qui ne peuvent et ne souhaitent pas être en inclusion, et il me semble essentiel que leur souhait soit pris en compte et que nous respections le parcours personnalisé de chacun. Il y a urgence aussi à développer toutes les formations professionnelles pour les jeunes en situation de handicap qui n’ont souvent pas le niveau pour accéder en seconde générale. Aujourd’hui pourtant, à l’heure du numérique, l’offre est quasiment inexistante et ils se heurtent à un réel plafond de verre pour poursuivre leurs études. Ce qui ressort profondément aujourd’hui aussi c’est la nécessité de faire davantage place aux jeunes en situation d’inclusion, d’en faire de réels acteurs de leur parcours dont l’avis est pris en compte, ainsi que celui de leurs familles. Cela fait partie de notre rôle d’accompagnants ! »
Ailleurs, d’autres leviers d’action
• Au Danemark il est très courant que les enseignants coopèrent avec des rééducateurs dans des classes, une pratique initialement développée en Ecosse.
• Au Danemark toujours, en Suède, au Canada, des systèmes à deux enseignants en classe -un spécialisé, un « normal »- ont été développés. « Une variante décisive en termes de professionnalité des accompagnements réalisés en classe », selon Gilles Pétreault, inspecteur général de l’éducation nationale.
• En Norvège et en Écosse, au-delà des formations en équipe et des formations pluri-catégorielles qui sont initiées aujourd’hui -en France y compris, à l’image de l’expérimentation actuelle réunissant les acteurs de l’éducation nationale, des MDPH et des établissements médico-sociaux menée en Auvergne-Rhône-Alpes, sont organisées des sessions de formation pour les élèves et les étudiants eux-mêmes afin qu’ils connaissent les enjeux de projet de scolarisation ou d’études qui leur est proposé, qu’ils sachent mobiliser les ressources à leur disposition et faire appliquer ce à quoi ils ont droit.
Ressources
• Autour du colloque international des 18 et 19 octobre, en attendant la publication des actes :
Ici
• L’Agence européenne pour les besoins éducatifs particuliers et l’éducation inclusive : organisme indépendant qui sert de plateforme de collaboration à ses 29 pays membres dans le domaine des besoins éducatifs particuliers et de l’éducation inclusive (dont la France), elle produit de nombreux rapports de comparaison internationale qui peuvent être commandés en français gratuitement
www.european-agency.org/Fran%C3%A7ais/publications
• Rapport Cnesco : Ecole inclusive pour les élèves en situation de handicap. Accessibilité, réussite scolaire et parcours individuels, Serge Ebersold, Eric Plaisance, Christophe Zander, CNESCO, conférence de comparaisons internationales, 2016.
• Depp, note d’information N°4, février 2015, A l’école, au collège, les enfants en situation de handicap constituent une population différenciée scolairement et socialement.
• Depp, note d’information n°26, octobre 2016, Pour la première fois, un regard sur les parcours à l’école primaire des élèves en situation de handicap.
• Rapport IGAENR-IGEN: Évaluation de l'aide humaine pour les élèves en situation de handicap, juillet 2018.
• Rapport IGAENR : L’inclusion des élèves en situation de handicap en Italie, février 2018.