Mis à jour le : 2 juin 2017 / Publié le : 2 juin 2017
Le climat scolaire en questions
Spécialisé dans l’étude des nouvelles problématiques éducatives (décrochage, violence scolaire, discrimination, harcèlement) et plus largement de l’impact du climat scolaire dans la gestion des établissements, Benjamin Moignard, maître de conférences à l’UPEC (Paris Est – Créteil) et directeur de l’Observatoire universitaire international éducation et prévention (OUI-EP), est venu échanger avec les directeurs diocésains à Ajaccio à l’occasion de leur congrès annuel du 15 au 17 mai derniers sur les enjeux liés au climat scolaire en matière de pilotage et de gouvernance.
Propos recueillis par Aurélie Sobocinski
Que recouvre précisément cette notion de climat scolaire ?
Benjamin Moignard : C’est une expérience subjective de la vie et du travail au sein de l’école vécue par chacun des acteurs en son sein. On a souvent tendance à la réduire à la relation avec les élèves alors qu’elle inclut toutes les autres relations au sein de l’établissement -entre professeurs, avec la direction, les parents- et le sentiment de sécurité ressenti par chacun dans ce cadre.
Où en est l’école de son climat aujourd’hui ?
B.M. : Elle va plutôt bien! C’est ce que montrent en tout cas les enquêtes sur le climat scolaire depuis la fin des années 90 : que ce soit pour les élèves ou pour les enseignants, l’idée largement répandue selon laquelle il y aurait une très forte détérioration générale du climat scolaire est fausse. En revanche, cette relative stabilité masque un creusement des inégalités aux deux bouts de la chaîne : le climat se dégrade dans les établissements qui n’allaient déjà pas très bien et s’améliore dans les établissements les plus favorisés.
Quels sont les facteurs à l’origine de sa dégradation?
B.M. : Cela tient d’abord au manque de stabilité et de gestion des équipes éducatives au sein des établissements les plus en difficulté, une condition indispensable pour améliorer la qualité du climat scolaire. Le système de nomination en France alimente cet effet avec une culture de la hiérarchisation des légitimités professionnelles qui veut que plus l’établissement scolaire dans lequel on exerce est favorisé, plus on a de reconnaissance dans l’exercice de son métier d’enseignant ou de chef d’établissement. A cela s’ajoute une gestion des punitions et des sanctions de moins en moins maîtrisée et des registres relationnels très durs avec le recours quasi routinier aux exclusions temporaires. En Seine-St-Denis, Seine-et-Marne et Val-de-Marne, on a ainsi chaque jour l’équivalent d’un collège d’élèves exclus temporairement à la rue !
Quels sont les leviers identifiés pour l’améliorer ?
B.M. : Un premier point d’appui essentiel pour créer l’espace d’une relation éducative plus pérenne et sereine tient dans la définition d’une culture d’établissement commune. C’est aussi un enjeu de révolution culturelle pour les enseignants français. Il y a urgence, si l’on veut contribuer à la réussite des élèves et répondre aux situations nombreuses de souffrance, de mal-être et de défiance des enseignants vis-à-vis de l’institution, à mettre en place un travail collectif sur la dimension pédagogique, sur le rapport à l’élève, sur la cohérence entre les disciplines.
Que suppose la mise en place de cette logique d’équipe en termes de gouvernance ?
B.M. : Il y a un enjeu à affirmer et à fixer une perspective collective qui soit intelligible pour tous et en particulier pour les enseignants. Les chefs d’établissement doivent absolument y travailler en tenant compte de la réalité de l’expérience enseignante. Ce ne sont pas les enseignants le problème, mais bel et bien une difficulté structurelle du système français à prendre en compte la difficulté scolaire et à accompagner les professionnels dans cette transformation professionnelle nécessaire pour y remédier ! Des pistes d’action existent déjà sur le terrain avec des équipes au travail sur les questions de sanctions et de punitions en essayant d’avoir des mesures plus sensées et cohérentes au plan éducatif ; d’autres mettent en œuvre des classes sans notes, avec des résultats...Il faut sortir des postures idéologiques !
Y-a-t-il en la matière des enjeux spécifiques aux établissements de l’Enseignement catholique ?
B.M. : L’Enseignement catholique peut à mes yeux capitaliser sur un point en s’inscrivant déjà assez largement dans une culture d’établissement forte, même si les mises en place sont sans doute variées et variables sur le terrain. Il y a là un enjeu et un levier à utiliser et renforcer. Nous manquons de données larges et fiables pour aller plus loin dans l’analyse aujourd’hui mais c’est en projet : notre observatoire pourrait travailler prochainement en lien avec le Sgec sur des enquêtes de climat scolaire afin d’appréhender précisément les modalités d’organisation sur ces questions au sein des établissements et de proposer des outils de pilotage concrets. Au cœur de cette question de l’amélioration du climat scolaire, l’enjeu fondamental c’est la réussite de tous les élèves, et pas seulement celle de quelques-uns.