Publié le : 24 octobre 2018
Éduquer : une responsabilité partagée
Un grand rassemblement de l'enseignement catholique de Guadeloupe de 500 personnes a permis d'associer largement à la réflexion autour des futures orientation diocésaines tout en affirmant une conception de la mission éducative comme une responsabilité partagée.
« Éduquer … une responsabilité partagée ! » Tel était le thème de cette grande rencontre de l’Enseignement catholique diocésain de Guadeloupe au WTC, ce vendredi 12 octobre, à l’initiative du Père Thierry Saint-Clair, directeur diocésain de l’enseignement catholique.
Tous les établissements de Guadeloupe avaient supprimé les cours afin de permettre à tous les personnels des écoles, collèges et lycées de se retrouver pour une réflexion approfondie sur le sujet dans le but de préparer les grandes orientations qui seront prises par l’évêque après que tout le travail de préparation, de concertation et d’échange en ateliers sera remonté.
500 participants
Cette journée pédagogique validée par le Recteur d’Académie, hors du département et excusé, était placée sous les meilleurs auspices. Et ce sont plus de cinq cents personnes qui, bravant les intempéries et les routes bloquées, se sont retrouvées pour entendre les conférences, et échanger en atelier.
Après la prière du matin animée par Sœur Véronique et Diacre Jacky Ramassamy afin de placer la journée sous les regard de Dieu, François-Joseph Ousselin, chaleureux animateur de la journée, accueillait Mgr Riocreux, Cardinal Jean-Pierre Ricard et Père Thierry Saint-Clair qui avaient réussi à passer !
Mgr l’évêque de Guadeloupe a introduit les échanges en félicitant les participants pour avoir bravé toutes les difficultés pour venir. Après avoir présenté Cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux, longtemps président de la conférence épiscopale française, et aujourd’hui responsable de l’enseignement catholique au sein de cette même conférence, il a dit combien « les enjeux de l’enseignement catholique sont importants, c’est pourquoi nous devons tous travailler à la rénovation des textes qui le régissent ».
Monseigneur Ricard a lancé son propos de façon hardie rappelant que le Cardinal Bergoglio au début du conclave qui devait l’élire pape avait eu cette phrase sublime devant tous les cardinaux réunis : « L’Église ne doit pas ressembler à la femme recourbée de l’Évangile… regardant le sol, ne sachant où aller »… « je plaide pour une Église en sortie »… « Si tu avais à dire le cœur de la Foi, et c’est capital si on veut répandre une Bonne Nouvelle aujourd’hui : tu es aimé… »
Une fois posé les facettes de l'évangélisation, Msg Ricard a remis « la mission de l’éducation » dans cette perspective d’Evangélisation. Il convient de ne pas réduire l’évangélisation à la catéchèse ni à l’éducation en réseau protecteur (à l’entre soi social et religieux). L’éducation est le service de la personne humaine : sa croissance, son développement, ses acquisitions… et vis-à-vis de tous les jeunes sans exclusive. D'où deux écueils à éviter: celui de l’utilitarisme des savoirs et celui de l’élitisme.
Cardinal Ricard dans son style direct, positif et souriant, cite-t-il souvent le pape François comme un repère sur pour l’avenir : l’éducation intégrale de tout le jeune, de tous les jeunes. La dimension sociale de l’éducation doit être honorée : dans une société pluraliste le vivre ensemble est la clé ! Une éducation ouverte à tous. Et de citer la parole percutante du pape François : « vous êtes nés dans la rue, n’hésitez pas à y retourner ! » Il y a une anthropologie chrétienne dans laquelle il faut puiser pour une vraie dynamique de l’évangélisation. L’expérience chrétienne part de la conception de l’homme. Paul Ricoeur : « Les valeurs humanistes universelles (tolérance, fraternité…) ne sont-elles pas un peu comme des fleurs coupées à l’expérience éphémère. Alors qu’enracinées en Dieu dont elles sont issues, elles sont éternelles ».
Le sens du bien commun est exigeant d’où cette intelligence de la foi qu’il faut acquérir coûte que coûte. Ainsi la communauté éducative et ecclésiale entraîne cette responsabilité commune partagée. Car l’évangélisation ne peut être qu’ecclésiale : origine en Dieu de la communion fraternelle. Nous devons entrer tous ensemble dans la grande aventure de l’Education !
Rôle premier du chef d’établissement. Comme dit Pascal Balmand (secrétaire général de l’enseignement catholique national) : « Dans une société sécularisée, mesure-t-on suffisamment que le premier contact avec l’Eglise est souvent l’école catholique, donc le chef d’établissement ! »
Sens de l’Eglise pour tous les acteurs dans les établissements : certains sont très ancrés dans la foi et engagés ; pour d’autres la foi est moins mise en avant… l’essentiel est la dynamique de l’évangélisation que l’on veut mettre en avant. La qualité des relations dans le respect : les actes doivent accompagner les paroles.
En conclusion Mgr Ricard nous lègue trois points d’ancrage : demeurons une communauté ecclésiale qui crée une atmosphère dans un esprit évangélique, dans une ambiance de fraternité et de liberté. L’importance de la bienveillance dans le vie de la société : nos établissements doivent en être le levain. Enfin la pratique de la doctrine sociale de l’Eglise doit irriguer nos communautés scolaires jusqu’à l’université. Catholique veut dire universel : soyons donc remplis d’Espérance ! »
Enseignements des papes sur les sept facettes de l’Évangélisation
- Ne pas se limiter au savoir : l’action de l’évangélisation est une action transformante de tout l’homme.
- L’évangélisation/éducation doit toucher l’homme dans toutes les dimensions de son être.
- La gratuité de l’amour de Dieu, nous pousse au don gratuit de nous-mêmes. Ce service gratuit de tout l’homme repousse le prosélytisme intempestif… nous devons évangéliser par contagion.
- Point besoin de stratégie de Communication (si utile soit-elle). La Com., jaillit de l’expérience de foi. C’est l’expression du contact personnel avec le Seigneur.
- L’évangélisation n’est pas réservée à des spécialistes : tout chrétien est disciple/missionnaire.
- L’évangélisation est pour tous les hommes, sans exception : et revendique une Eglise du dialogue, de l’invitation… comme les disciples d’Emmaüs.
- Enfin l’évangélisation entraîne l’annonce explicite : saint Pierre parle de rendre compte de l’espérance qui est en nous… et Mgr Ricard d’insister « rendre compte de l’expérience qui est en nous ».
« Éduquer avec bienveillance aide l’autre à grandir en humanité »
Frantz César, psychologue et psychomotricien dont la pratique et l’accompagnement sont reconnus de tous, a développé pour nous l'idée qu' « Éduquer avec bienveillance aide l’autre à grandir en humanité »… Et d’emblée, après avoir salué la conférence de Mgr Ricard dont il s’est senti si proche, Frantz nous dit : « la bienveillance est une clé… la clé pour réussir non seulement à l’école, mais dans l’entreprise, et dans la famille ! ». Notre foi nous dit que tout vient de Dieu « créateur premier du monde, du cosmos, de notre humanité, de nous ».
Frantz César parle du lagon (l’île Gosier qu’il nous montre) comme d’un sanctuaire, où les poissons doivent être protégés des rapaces, des cyclones, des requins, des tsunamis… ne sommes-nous pas des pierres vivantes , des roches sur lesquelles les poissons viennent se nourrir et se protéger… Belle image première dans son propos ! Éduquer (en latin alimenter) car on a deux loups en soi : la gentillesse, la bonté… d’un côté… et l’autre loup c’est le méchant, la dureté… le petit enfant : « mais grand-père lequel des deux loups je dois nourrir ? » Le grand-père en homme sage : « celui que tu préfères ! ». Éduquer : alimenter, croître, développer… notre accompagnement se situe à ce niveau ! Dans l’éducation : 20% c’est du don, et 80% c’est un travail sur soi ! On a déjà entendu : éduquer, c’est redresser ce qui est tordu ! Nous venons tous du Créateur et dans ce sens nous avons la responsabilité non seulement d’entreprendre, mais de s’entreprendre. Nous devons nous construire, continuer en nous la création en la respectant, en se respectant.
Puis enracinant son propos sur les maîtres dans l’éducation et la santé, il a proposé des points de repère à l'assistance :
- La Vérité est affaire de cohérence, pas de doctrine
- Recevoir et donner : deux verbes de la création. Or on a tous une part du Créateur en nous-mêmes. Ne sommes-nous pas habités ! Habités parce que baptisés pouvons-nous ajouter !
- D’où l’obligation de la Bienveillance et plus fortement de la bientraitance!
- La Bienfaisance : ne rien faire qui puisse faire du tord
- La Bienveillance met le doigt sur l’intention, l’attitude positive : le souci de faire bien
- L’Attitude bonne : c’est la posture la plus juste.
- La relation d’être, la relation d’aide : en cultivant une bonne méthode, pas de jugement hâtif… jamais…
- Chercher l’équilibre, la sollicitude. Prendre soin. La réponse est spécifique pour chaque être humain.
- Osons dire : grandir en humanité par l’adversité : source de développement, de dépassement.
Et pour conclure, Frantz César nous lègue subtilement comme une empreinte : «la perle est la réponse de la vie blessée à ce qui la blesse ». Dans ces deux enseignements brillants, nous avons du « grain à moudre », à reprendre ensemble, pour nous épauler, nous aider à y voir clair. Jouer collectif dans notre recherche du bien, du bien des autres, comme du nôtre (charité bien ordonnée commence par soi-même, avons-nous entendu dans un atelier).
François-Joseph Ousselin nous invitait alors à aller nous restaurer (l’enseignement catholique diocésain a bien fait les choses d’un bout à l’autre, merci beaucoup à Catherine Romuald) avant de nous mettre en atelier pour réfléchir à nos pratiques à revisiter dans tout ce qui « compose l’Enseignement Catholique ». Une heure trente de travaux, d’échange et de partage fort instructif en atelier.
Et pour conclure la journée, le soleil étant revenu, le groupe choral de Massabielle a enchanté tout le monde dans un bon balan de chants magnifiques ! Avant l’envoi encourageant du Père Thierry Saint-Clair qui nous a aidés à regarder l’avenir avec espérance malgré les difficultés, mais surtout la certitude que Jésus est à la proue de notre navire !
Jean-Marie Gauthier