« Contre vents et marées »

Dans une période marquée « du sceau de l’incertitude », où tout semble « par trop mouvant, volatile, éphémère », le secrétaire général de l’Enseignement catholique, Philippe Delorme, en a appelé, à « la sérénité et à la cohérence que réclame l’École », lors de sa conférence de presse de rentrée, le 19 septembre dernier à Paris.

 

Fort heureusement, les incertitudes actuelles n’ont pas empêché la rentrée dans les 7200 établissements de l’Enseignement catholique. Philippe Delorme, son secrétaire général, a ouvert sa conférence de presse du 19 septembre dernier, au vingt-deuxième étage de la Tour Montparnasse, à Paris, en saluant l’engagement des équipes enseignantes et éducatives qui ont permis aux élèves de reprendre le chemin de l’école en toute sérénité. Il y voit aussi un gage de solidité du projet éducatif de l’Enseignement catholique, « socle permanent, qui, contre vents et marées, résiste au sac et au ressac. Et qui par sa vitalité offre une proposition éducative cohérente : claire, stable, apaisante… »

Pour autant, il a déploré un climat de défiance et de soupçon délétère face à l’immensité des enjeux éducatifs actuels affirmant que la guerre scolaire n’avait pas de raison d’être : « Ceux qui nous accusent de prospérer sur les supposées défaillances du public ne guériront rien des maux du système éducatif en dévalorisant des établissements dont l’apport éducatif est reconnu. Les urgences éducatives de notre société n’invitent-elles pas à faire ensemble, à travailler ensemble (…), de se faire confiance et de faire cause commune ! »

Il a aussi vilipendé « le temps des “priorités éphémères” où tout est incertain, inabouti, suspendu, mal ou non financé, pas évalué ». Pour exemple, le Pacte dont le recul est très préjudiciable aux maîtres de l’Enseignement catholique : alors que ceux-ci s’étaient engagés avec générosité dans le dispositif, présenté comme levier majeur de leur revalorisation, l’enveloppe de leurs établissements fond cette année de 60% en moyenne, le budget global alloué au Pacte étant aligné sur les volumes sous-consommés du public.

«Nous ne sommes pas privilégiés ! »

« Mauvaise foi, excès de langage, appréciations à l’emporte-pièce, discrédits et soupçons, déviations idéologiques… » Philippe Delorme n’a pas mâché ses mots pour s’insurger contre les faux procès intentés à l’Enseignement catholique. Avec une perte de 4 600 postes en 15 ans contre 25 000 dans le public (soit 18,5 %), l’Enseignement catholique subit une baisse d’enseignants proportionnelle à celle du public. À structure comparable, « taille par taille », les heures par division sont les mêmes que dans le public. Si les nombreux petits lycées ruraux consomment nécessairement plus de moyens par élève, il a fait valoir qu’ils contribuaient à limiter les fractures territoriales

De plus, 41 % des écoliers de l’Enseignement catholique, « hors commune » ne bénéficient pas du forfait d’externat, censé garantir la gratuité de l’enseignement. Et l’ensemble de ses élèves – même les plus modestes – ne bénéficient pas des aides sociales accordées à ceux du public pour la restauration ou les transports. Philippe Delorme a aussi souligné que l’Enseignement catholique était désormais exclu du dispositif des internats d’excellence, que plusieurs rectorats freinaient les ouvertures d’Ulis et que les Régions n’associent pas l’Enseignement catholique à l’élaboration des Plans prévisionnels d’ouverture des formations.

Priorité à la formation,
au supérieur
et à l’école inclusive

 Parce qu’une École qui ne se soucie pas des plus fragiles ne serait pas catholique, Philippe Delorme a annoncé que l’institution célèbrerait le vingtième anniversaire de la loi de 2005 sur l’école inclusive par un grand programme d’animation l’an prochain : « Il s’agira bien sûr de s’intéresser à tout ce qui a trait aux situations de handicap et de besoins éducatifs particuliers. De mesurer le chemin parcouru, (500 Ulis créées en quinze ans), d’insuffler de nouvelles dynamiques, et plus encore d’explorer de nouvelles pistes d’alliances éducatives, qui restent encore trop ténues avec le secteur médico-social ».

Côté formation, malgré la suspension de la refonte de la formation initiale, l’Enseignement catholique continue d’avancer dans le domaine conjoint de la formation initiale et continue. Ainsi, le 9 octobre prochain, l’ensemble des acteurs impliqués dans les questions de formation se réuniront pour élaborer les orientations de leur politique interne, pour les cinq années à venir. L’accent sera aussi mis cette année sur le développement de l’offre de formation de l’enseignement supérieur, un paysage qui se reconfigure et se modifie rapidement, de même que les attentes des jeunes. Une rencontre nationale se tiendra sur ce thème en mai 2025.

Des effectifs encourageants

Selon les estimations de rentrée, l’Enseignement catholique ne perd qu’un demi-élève par établissement, dans un contexte démographique nettement décroissant. La baisse se limite donc à 3 480 élèves contre 8 000 l’an dernier et 18 000 la précédente) … au lieu des 11 000 annoncés par la Depp, le service statistique du ministère de l’Éducation nationale.

De surcroît, les inscriptions dans les premières classes de chaque degré sont en progression : nettement pour les petites sections de maternelle, à l’entrée en 6e et, dans une moindre mesure en 2de. À noter également une belle rentrée en lycée professionnel (+1750 lycéens), ainsi que dans l’enseignement agricole (+830 élèves), qui retrouve ainsi une progression significative.

Si 19 académies sur les 30 enregistrent même des hausses d’effectifs, Philippe Delorme a néanmoins indiqué des baisses importantes dans des régions de forte implantation (Lille, Rennes ou Nantes), et une fragilisation encore accrue de certains départements ruraux (Orne, Lot et même le Cantal…).

 

Des contrôles à bon droit

 La liberté n’exclut pas le contrôle bien sûr. Et dans la foulée du rapport de la Cour des comptes de juin 2023, l’Enseignement catholique a été le premier à réclamer « des contrôles pleinement légitimes dans le cadre de la Loi Debré ».  Philippe Delorme a néanmoins souhaité « des contrôles à bon droit, appropriés et proportionnés : Nos établissements sont-ils devenus des présumés “hors-la-loi”, ce qui justifierait un soupçon généralisé ? Nous sommes-nous jamais soustraits à un contrôle ? Sommes-nous a priori coupables de ne pas les avoir suffisamment réclamés à un État qui s’en désintéressait ? Et maintenant qu’il se réveille, doit-il nécessairement instruire à charge pour se rattraper ? »

La méconnaissance de certains contrôleurs -de la DGFIP sur le volet financier, comme de l’Éducation national sur le volet enseignement- posant certains problèmes, Philippe Delorme a regretté que l’Enseignement catholique ne soit pas associé à la rédaction en cours de vademecum précisant le champ d’application des contrôles et les spécificités de l’Enseignement catholique, comme cela a été le cas pour le processus d’évaluation des établissements scolaires. Il a illustré son propos par l’exemple d’un contrôleur signifiant de manière erronée à un établissement qu’il n’avait pas le droit de contracter un emprunt…

Protocole mixité

 En matière de mixité, « l’Enseignement catholique tient ses engagements, mais l’État, pour l’instant, ne suit pas », a expliqué Philippe Delorme, rappelant à ceux qui voudraient des résultats immédiats que cette politique s’inscrivait dans une perspective de cinq années.

L'Enseignement catholique a construit la base de données partagées et publiques, Items, qui permettra une transparence sur la réalité sociale et économique de ses établissements dès janvier 2025, où elle sera mise en ligne. En attendant, une comparaison par département des IPS fait apparaître que 44 % des collèges catholiques ont un IPS équivalent à celui du public, voire inférieur -pour 16% d’entre eux- à celui de leurs homologues du public, ce qui dément le préjugé d’une école catholique réservée aux riches.

Autre engagement, en voie d’être largement dépassé : la généralisation de la modulation tarifaire.
S’agissant de l'objectif du doublement du nombre d'élèves boursiers dans les cinq à venir, les établissements de l’Enseignement catholique sont invités à mettre en place un tarif spécial boursier à la prochaine rentrée, ce qui va au-delà des attendus du protocole. Néanmoins, Philippe Delorme a rappelé que « ce dernier objectif est conditionné aux aides sociales publiques dont pourront bénéficier les familles, à l’instar du public, notamment pour la restauration ». Or l’État, qui s’engageait dans le protocole à inciter les collectivités à aller dans ce sens, ainsi qu’à respecter leurs obligations légales en matière de versement du forfait d’externat, ne semble pas avoir avancé sur ce plan.
L’examen d’implantations d’établissements favorisant la mixité scolaire et la reconnaissance du statut d’intérêt général de l’immobiliser scolaire de l’Enseignement catholique est au point mort.
Enfin, seules trois des instances de dialogue académiques censées évaluer cette politique et favoriser les collaborations se sont mises en place, se transformant, parfois mal à propos, « en instances de mise en demeure »

Laïcité et caractère propre

Mieux communiquer sur le projet de l’Enseignement catholique et sa spécificité figure aussi parmi les urgences de l’année. Certains détracteurs de l’Enseignement catholique lui reprochent de ne pas fonctionner exactement pareil que le public, notamment sur l’approche de la laïcité… Or c’est tout l’intérêt du caractère propre, qui inclut l’aspect religieux sans s’y cantonner, de faire une proposition éducative alternative. Entre autres, les établissements catholiques et même leurs enseignants, bien qu’ils soient agents publics, ne sont pas soumis au principe de neutralité.

La catéchèse doit être proposée en dehors des cours et de manière facultative. En revanche, un cours de culture chrétienne ou religieuse, qui ne fait pas appel à une démarche de foi, est tout à fait fondé à être obligatoire, sans qu’il ne soit bien sûr rémunéré par l’Etat. On se situe là dans le même registre que celui de l’enseignement du fait religieux, inscrit dans les programmes et donc censé être transmis dans le cadre des enseignements, dans le privé comme dans le public. Il ne s’agit pas de contrevenir à la liberté de conscience des jeunes. C’est une proposition qui contribue au contraire à éveiller leur conscience, à leur faire découvrir certaines choses afin qu’ils se forgent leur propre opinion. C’est aussi une question d’honnêteté vis-à-vis d’eux : il faut leur expliquer le projet éducatif et les valeurs de l’établissement où ils sont inscrits.  « Jusqu’où ira-t-on dans cette forme de totalitarisme ? Bientôt on nous interdira de suspendre des crucifix aux murs pour préserver la liberté de conscience des élèves !  Je ne comprends pas que, dans la situation actuelle de la France et de l’éducation, ces questions constituent un dossier prioritaire. Cela reste étrange à mes yeux que certains consacrent autant d’énergie à essayer de déconstruire quelque chose qui marche plutôt bien… »

Bien sûr interrogé sur la suspension du chef d’établissement de l’Immaculée Conception, à Pau, Philippe Delorme, sans s’exprimer sur le fond de la procédure en cours, a exprimé certains étonnements : « Je m’étonne qu’un rapport d’inspection, rendu fin juin pour une convocation fin août, ne permette pas au chef d’établissement de redresser la barre. Je m’étonne aussi que la commission qui l’a auditionné ait été majoritairement composée de représentants syndicaux hostiles à l’Enseignement catholique. Je m’étonne qu’une rectrice ait pouvoir de de vie ou de mort sociale sur un chef d’établissement, sans possibilité d’appel suspensif. On peut enfin se questionner sur la sévérité de la sanction alors que les élèves n’ont pas été mis en danger. »

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