Le courrier adressé par le ministre de l'Education
aux chefs d'établissement de lycées,
le 5 novembre 2020
Mesdames, Messieurs les Chefs d’établissement,
La réforme du lycée général et technologique et la réforme du baccalauréat atteignent en cette année scolaire 2020-2021 leur plein déploiement. Je tiens à vous remercier très sincèrement pour votre engagement admirable dans sa mise en œuvre et dans les actions d’information que vous avez conduites afin d’en expliquer les finalités et les modalités.
L’aboutissement de ces deux réformes s’effectue dans un contexte difficile sur le plan sanitaire. Dans cette situation particulière, j’ai souhaité écouter le plus largement possible l’ensemble des acteurs pour prendre les décisions les plus adaptées. Le comité de suivi de la réforme du lycée général et technologique s’est réuni le mercredi 4 novembre : ses copilotes m’ont présenté le compte rendu des échanges et des propositions qui se sont exprimées lors de cette réunion. Je me suis également entretenu avec les membres du groupe national des personnels de direction ce même mercredi 4 et ai réuni un conseil national de la vie lycéenne le jeudi 5.
Lors du CNVL, j’ai été très attentif aux inquiétudes exprimées par les lycéens face à une organisation nouvelle et un calendrier modifié du baccalauréat, associés à de nouvelles épreuves comme celles des enseignements de spécialité et du Grand oral. Les élèves m’ont également rapporté leurs craintes après une année de première durant laquelle leurs apprentissages ont pu être perturbés. De fait, si les professeurs ont fourni tous les efforts possibles, et je les en remercie encore, pour assurer l’année scolaire dernière un lien continu avec leurs élèves et pour trouver des modalités d’enseignement efficaces dans un contexte dégradé, nous savons cependant que le confinement de mars à mai a eu des effets non négligeables sur les apprentissages des élèves.
J’ai par ailleurs pris en compte la situation qui touche les professeurs et vous-mêmes, personnels d’encadrement. J’ai bien conscience de la charge de travail importante qu’a entraînée la mise en œuvre du nouveau lycée et des effets des adaptations répétées face à une crise sanitaire qui se prolonge. S’est ajouté à cette situation l’effet de sidération et d’horreur devant l’assassinat de notre collègue Samuel Paty, qui a touché en plein cœur toute notre communauté éducative ainsi que tout notre pays.
Dans cette période difficile, nous devons être guidés par les principes de lucidité, de clarté et, autant qu’il est possible, d’anticipation sur l’ensemble du calendrier 2020-2021 de l’examen.
C’est avec ces exigences continuellement à l’esprit et pensant toujours à l’intérêt de nos élèves que j’ai envisagé les possibles ajustements de la session 2021 du baccalauréat. Différentes propositions relatives à l’organisation du baccalauréat m’ont été transmises, que j’ai toutes examinées. Je veux ici les évoquer en toute transparence pour expliquer les décisions que j’ai prises.
J’ai immédiatement écarté une première possibilité qui consistait à maintenir tels qu’initialement prévus le calendrier et la nature des évaluations et des épreuves du baccalauréat : dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons, face aux contraintes organisationnelles que vous rencontrez, cette éventualité n’était pas adaptée.
Les propositions de modification portaient sur des ajustements de différentes natures afin que soit prise en considération la situation exceptionnelle qu’ont traversée et que traversent encore les élèves et qui a pu avoir une incidence sur leurs apprentissages :
— un aménagement des programmes des enseignements de spécialité ;
— une reconsidération des modalités (contrôle terminal / contrôle continu) des épreuves ;
— une révision du calendrier des épreuves.
Plusieurs critères ont présidé à ma décision. Le premier d’entre eux est la volonté de garantir le caractère national du baccalauréat : nous y sommes tous très attachés ; en témoigne le large consensus des partenaires sociaux. Le deuxième critère est le souci de préserver l’esprit de la transformation du baccalauréat, et donc de celle du lycée général et technologique. Vous le connaissez : il s’agit de permettre à chaque élève de construire un parcours de formation plus adapté à son profil, plus ambitieux et davantage relié aux perspectives de l’enseignement supérieur afin qu’il puisse poursuivre, après le baccalauréat, ses études avec les bases les plus solides et la plus grande confiance. Le troisième critère qui a motivé mes décisions est partagé par nous tous : maintenir le niveau d’exigence du baccalauréat.
Quels seraient les effets de ces éventuelles mesures ?
Une révision du calendrier des épreuves terminales, qui reporterait les épreuves des enseignements de spécialité après mars, romprait le lien entre le baccalauréat et la procédure Parcoursup. En d’autres termes, les résultats des élèves à ces épreuves ne pourraient être pris en compte dans leur accès à l’enseignement supérieur. Un aspect très important de la réforme conçue à la fois pour revaloriser le baccalauréat et mieux préparer l’élève à sa réussite dans l’enseignement supérieur, serait perdu.
Le passage au contrôle continu intégral, que nous avons dû mettre en œuvre de manière tout à fait exceptionnelle l’année dernière, modifierait radicalement quant à lui le caractère du baccalauréat, dont les épreuves terminales, symboles d’exigence et d’un égal traitement des candidats sur l’ensemble du territoire, sont l’un des piliers.
Enfin, la réduction des programmes pour les épreuves terminales des enseignements de spécialité notamment ne constituerait pas non plus une solution. En ce début du mois de novembre, les professeurs ont d’ores et déjà abordé au moins un, voire deux objets d’étude des programmes des enseignements de spécialité. Ces programmes ne sont, pour beaucoup d’entre eux, pas linéaires : les professeurs peuvent s’en saisir et les mettre en œuvre comme ils le souhaitent, ce qui relève de leur pleine initiative et de leur liberté pédagogique.
C’est fort de ces réflexions et en écoutant avec beaucoup d’attention les organisations représentatives que j’ai pris les décisions suivantes.
Les trois périodes d’évaluations communes prévues pour les classes de première et de terminale seront annulées en cette année 2020-2021. Il importe en effet de laisser le plus de temps possible aux apprentissages des élèves et, pour cela, de faciliter l’exercice des missions des professeurs et des personnels de direction. La répartition des coefficients entre contrôle continu et épreuves terminales sera préservée : les 40% acquis dans le cadre du contrôle continu se fonderont sur les notes portées sur les bulletins trimestriels. La banque nationale de sujets demeurera ouverte : elle sera consultée avec profit par les professeurs qui y trouveront ainsi des exemples de sujets qu’ils pourraient utiliser en classe. Dans le même souci d’allègement, j’ai souhaité que l’organisation de la certification des compétences numériques Pix pour les élèves de Terminale soit reportée : ils pourront s’y présenter ultérieurement, dans le cadre de leurs études supérieures. Ces temps ainsi libérés permettront aux professeurs et aux personnels de direction de disposer de plus de temps pour aider et accompagner les élèves.
Les épreuves des enseignements de spécialité se tiendront aux dates prévues, du 15 au 17 mars.
Afin de tenir compte des effets de la crise sanitaire sur les acquis des élèves, j’ai demandé que, pour chacune de ces épreuves, soient proposés, au choix des élèves, deux sujets élaborés à partir des entrées prépondérantes des programmes. J’ai par ailleurs demandé que les documents de correction soient particulièrement développés et précis pour cette session, et qu’ils comportent des critères d’évaluation détaillés, afin que soit garantie une égalité de traitement des candidats. Un accompagnement des professeurs sera par ailleurs mis en œuvre, qui les aidera à approfondir leur réflexion sur l’évaluation. La session de remplacement pour ces épreuves terminales des enseignements de spécialité sera avancée de septembre à juin, afin de rendre possible, pour les élèves absents pour cause de force majeure lors des épreuves de mars, l’intégration de ces notes dans la seconde phase de Parcoursup pour les élèves concernés, beaucoup moins nombreux que lors de la première phase. Avec cette mesure seront à la fois garantis le caractère national de l’examen, par la tenue des mêmes épreuves, et la considération d’une situation toute particulière qui exigeait une adaptation.
Ces différentes mesures préservent, dans une situation inédite, le cadre fondamental de notre baccalauréat et l’esprit d’une réforme dont les lycéens se sont déjà emparés. Elles leur permettront d’aborder plus sereinement les prochains mois et de se préparer ainsi au mieux au baccalauréat ; elles permettront également aux professeurs de travailler en confiance avec leur classe, avec la certitude qu’un apprentissage régulier de leurs élèves les placera dans les meilleures conditions de réussite au baccalauréat.
La crise sanitaire nous oblige également à des mesures d’adaptation du fonctionnement actuel des lycées. En effet, si le protocole sanitaire défini en juillet 2020 a fait la preuve de son efficacité - les cas de contamination des élèves et des personnels, qui ont fait l’objet d’une communication hebdomadaire, ont été limités -, l’aggravation du contexte épidémique nous a conduits à le renforcer.
Ces mesures s’imposent à tous les niveaux, mais elles sont à l’évidence plus difficiles à appliquer au lycée, où les déplacements des élèves sont plus nombreux et plus fréquents, et l’organisation de la restauration scolaire plus complexe. Du fait de l’âge des élèves, de la taille des établissements et de leur organisation, les risques sont potentiellement plus importants.
Ces constats nous invitent donc à adapter les réponses sanitaires en fonction des différentes situations constatées. S’agissant du lycée, le protocole sanitaire prévoyait déjà la possibilité laissée aux proviseurs de mettre en place un enseignement à distance en soumettant son organisation à la validation des instances académiques.
Au regard de l’évolution du contexte épidémique, j’ai échangé avec vos organisations syndicales afin de faciliter la mise en œuvre de cet enseignement à distance et d’en préciser à l’échelon national les modalités.
Il convient désormais que chaque lycée établisse un plan de continuité pédagogique, mis en œuvre jusqu’aux prochains congés scolaires, qui garantisse au moins 50% d’enseignement en présentiel pour chaque élève. Dans ce cadre, je souhaite qu’une attention particulière soit apportée aux lycées professionnels pour lesquels la mise en œuvre de l’enseignement à distance est rendue plus complexe. Un établissement avec une plus faible densité d’élèves peut ainsi parfaitement garder l’organisation actuelle dès lors qu’elle permet le respect du protocole sanitaire.
Une instruction ministérielle vous sera très prochainement adressée pour préciser ce cadrage national. D’ores et déjà et afin de vous permettre d’anticiper ces adaptations, je tenais à vous faire part des principes suivants.
Il importe que chaque élève soit présent en cours au moins la moitié du temps scolaire. Tous les élèves doivent travailler pendant la totalité du temps scolaire ordinaire, que ce soit en cours, en classes virtuelles ou en autonomie. La cohérence des organisations s’impose : tous les élèves d’un même niveau doivent adopter les mêmes modalités d’enseignements. Les modalités d’organisation sont laissées à votre appréciation : l’accueil en demi-groupes ; l’accueil par niveau dont les possibilités vous seront prochainement détaillées ; le travail à distance un ou deux jours par semaine.
Vous pourrez évaluer, en concertation avec l’équipe pédagogique de votre établissement, la situation et la progression effective des élèves à différentes étapes afin d’ajuster autant que nécessaire votre organisation.
Vous veillerez à formaliser les principales caractéristiques de ce plan de continuité pédagogique dans un document synthétique et opérationnel qui explicitera vos choix et, le cas échéant, mentionnera les difficultés rencontrées. Vous adresserez ce document aux cellules de continuité pédagogique qui sont constituées au sein de chaque académie.
Un ensemble de ressources est mis à disposition des équipes et des professeurs. Il sera très prochainement complété par des ressources pour les enseignements de spécialité de la classe terminale.
Dans ce contexte si particulier, je sais pouvoir compter sur votre professionnalisme pour mettre en œuvre les mesures les plus adaptées à chaque situation, au bénéfice de la réussite de tous vos élèves.
J’ai pleinement conscience des difficultés que vous rencontrez au quotidien en raison de tous les problèmes qui affectent en ce moment le monde et notre pays. Mais c’est de notre système éducatif que peut venir justement le signe de la force et de l’énergie de notre modèle républicain.
Je vous prie de croire, Mesdames et messieurs les Chefs d’établissement, à l’assurance de mon soutien et de ma confiance.
Jean-Michel BLANQUER
Ministre de l’Education nationale,
de la jeunesse et des sports