Mis à jour le : 22 mars 2017 / Publié le : 15 janvier 2016
Attentat de Charlie Hebdo- Message de la Commission Permanente de l’Enseignement catholique- Janvier 2015
A tous les acteurs de l’enseignement catholique
« J’aime l’école parce qu’elle nous éduque au vrai, au bien et au beau. Les trois vont ensemble. L’éducation ne peut pas être neutre. Ou elle est positive, ou elle est négative ; ou elle enrichit, ou elle appauvrit ; ou elle fait grandir la personne, ou elle l’affaiblit. »
-Pape François, mai 2014-
Après avoir massivement manifesté pour dénoncer la barbarie des récents attentats et défendre la fraternité qui fonde la liberté, la communauté nationale veut désormais réfléchir aux moyens nécessaires pour que de tels actes ne puissent se reproduire. De nombreux appels sont adressés à l’Ecole. N’y entendons pas la remise en cause d’une institution qui aurait failli, mais plutôt l’écho de l’importance vitale accordée à sa mission, et la reconnaissance de la Nation envers les enseignants et les éducateurs. L’Ecole est légitimement perçue comme le creuset où se fonde un projet collectif partagé. Elle ne peut certes à elle seule résoudre tous les problèmes du monde et de la société ; mais il lui revient, dans le champ qui lui est propre, d’assumer ses responsabilités éducatives.
Sans doute faut-il donc aujourd’hui, collectivement, mieux appréhender les mutations rapides et profondes qui modifient considérablement les conditions d’exercice de sa mission. Avant d’annoncer diverses mesures auxquelles nous devrons prêter toute l’attention requise, Madame la Ministre de l’Education Nationale a organisé une large consultation auprès de tous les acteurs du système éducatif pour envisager ce qu’il faudrait réfléchir et impulser afin de permettre à l’Ecole de mieux encore jouer son rôle. L’Enseignement catholique a été associé à ces échanges et s’engage résolument, avec l’ensemble des établissements publics et privés, à tout mettre en œuvre pour renforcer l’éducation à l’exercice d’une liberté responsable.
Cette exigence concerne bien entendu l’ensemble des acteurs des communautés éducatives. L’expression mérite sans doute, aujourd’hui, d’être explicitée. Elle ne désigne pas un groupe fermé, mais un ensemble de personnes différentes par leur fonction, leur parcours, leur sensibilité et leurs options, qui par l’apport de compétences distinctes contribuent à une même tâche éducative. Au sein de la communauté éducative, les acteurs salariés et bénévoles de l’école et les familles doivent collaborer. Et, dans les établissements catholiques, il est légitime et à nos yeux nécessaire que les chrétiens puissent vivre et exprimer leur foi. Mais le caractère propre reconnu par la loi exclut toute visée communautariste. Il s’agit d’abord de proposer une vision chrétienne de la personne humaine et la pensée sociale qui en découle, pour contribuer à l’intérêt général dans le respect de la liberté de chacun.
Les chantiers à poursuivre et approfondir s’inscrivent dans des questionnements anciens. Gardons-nous des décisions trop rapides, là où l’urgence consiste à explorer les problématiques les plus fondamentales. Il faut, collectivement, penser en profondeur les visées de l’Ecole et travailler sur la durée à la recherche d’outils nécessaires aux chefs d’établissement, aux enseignants et aux éducateurs pour conduire leur classe, animer les établissements et renforcer le dialogue et le partenariat entre l’institution scolaire et la famille. Il s’agit aussi d’ouvrir de nouvelles pistes de formation pour tous, et assurément d’y consacrer plus de moyens.
Par-delà les bons sentiments et les belles déclarations, qui ne sont jamais inutiles mais qui ne suffisent pas, nous pensons que c’est dans sa culture professionnelle, dans son organisation et ses pratiques, tout autant que dans les contenus d’enseignement, que l’Ecole est appelée à répondre aux appels du temps présent. S’il n’a, pas plus que d’autres, réponse à toutes les interrogations, l’Enseignement catholique entend bien soutenir tous ses acteurs, et les invite à la réflexion collégiale. Sans prétendre à l’exhaustivité, et sous la forme du questionnement partagé bien plus que sous celle de l’injonction, quelles pistes de travail pouvons-nous suivre ensemble ?
- Comment faire de la laïcité un espace de découverte d’options et de convictions diverses, un espace de dialogue apte à reconnaître les différences assumées et les convergences à cultiver, afin de garantir à la fois la liberté de conscience et la liberté d’expression ?
- Comment faire droit, dans tous les établissements scolaires, à une prise en compte du fait religieux et la dimension religieuse de la culture ? En 2002, le rapport Debray, rédigé après les attentats du 11 septembre, soulignait que la connaissance intelligente du religieux offrait une voie privilégiée pour prévenir les fanatismes. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
- Comment, dans un contexte mondialisé, un système d’éducation nationale se donne-t-il les moyens d’accueillir les diversités ethniques, culturelles et religieuses, tout en promouvant les valeurs communes nécessaires à un projet de société partagé ?
- Comment renforcer la mise en œuvre d’une éducation relationnelle ouvrant au désir de la rencontre et de l’engagement pour l’autre ? Comment cultiver la culture de l’échange et le sens du débat rationnel et argumenté ?
- Comment développer une pédagogie coopérative qui fasse vivre l’expérience de la solidarité et de la fraternité ? Les enfants et les jeunes ne vivent-ils pas encore dans une Ecole trop souvent tournée vers la réussite individuelle, la concurrence et la compétition ?
- Comment mobiliser l’ensemble des disciplines pour édifier une culture commune procurant à chacun les balises utiles pour une saine relation à soi-même, à l’autre, à la société et au monde ? Comment donner conscience que les savoirs sont toujours en construction, et à travers eux questionner le sens de la vie ?
- Comment articuler les valeurs et les savoirs transmis par la famille et l’institution scolaire avec les informations bien inégales, et souvent contestables voire dangereuses, véhiculées par les outils numériques ? - Comment donner plus de place à la prévention du décrochage scolaire, dont nous savons qu’il fait le lit de l’exclusion sociale et de la violence ?
- Comment outiller les professeurs et les personnels, et les soutenir lorsque la légitimité de leur parole est remise en cause ?
- Comment accroître le dialogue entre les religions auquel l’Eglise catholique appelle depuis des décennies ? Comment ouvrir ce dialogue aux non croyants ? - Comment poursuivre, dans l’Enseignement catholique, la mise en œuvre de notre caractère propre, c’est-à-dire notre projet éducatif spécifique, pour continuer d’en faire la mobilisation d’un patrimoine éducatif utile à la construction du bien commun ? Beaucoup de groupes de travail réfléchissent à ces questions depuis des années, à tous niveaux de l’Enseignement catholique. De nombreux documents sont disponibles. Il nous faut mieux les faire connaître. Il nous faut, surtout, déployer ces ressources pour prendre de nouvelles initiatives de formation, accessibles à tous.
L’ensemble de ces préoccupations s’inscrit parfaitement dans la mise en œuvre de nos projets éducatifs visant à la formation intégrale de la personne. Les urgences de l’actualité nous appellent à travailler collectivement à une meilleure articulation de l’acte d’enseigner et de l’acte d’éduquer, à une plus grande synergie de toutes les dimensions de la formation intellectuelle, affective, morale, civique et spirituelle. Profondément convaincus que l’éducation et la culture constituent les voies privilégiées de l’humanisation, nous mesurons certes l’ampleur des difficultés quotidiennes, mais, en vous remerciant chaleureusement pour tout ce que vous faites déjà, nous savons aussi pouvoir compter sur l’engagement et la mobilisation de tous. Plus que jamais, il nous faut vivre la conviction qu’avait formulée l’Enseignement catholique en ce début de siècle, « éduquer : passion d’Espérance ».
Pour la Commission permanente de l’enseignement catholique (1), Pascal Balmand, Secrétaire Général, le 20 janvier 2015
(1). La Commission permanente est composée d’une quinzaine de membres élus au sein du Comité national de l’enseignement catholique, lequel réunit les représentants de l’ensemble des composantes et des acteurs de l’école catholique en France. Elle constitue « l’organe politique qui assure la continuité du Comité national de l’enseignement catholique dans l’intervalle entre ses sessions » (art. 343 du Statut de l’enseignement catholique).