Mis à jour le : 10 juin 2025
20 ans d’éducation inclusive : les éditos
Rendre l'école accessible à tous, est-ce possible ? Depuis la loi de 2005, qui fixe le principe d'une accessibilité généralisée, l'école inclusive est une nécessité dont s'est saisi l'Enseignement catholique, qui célèbrera, tout au long de l'année, les 20 ans de la loi sur l'école inclusive.
Retrouvez ici tous les éditos écrits pour les Newsletters inclusives.

Juin 2025
Interroger le système actuel
Véronique Poutoux
Formatrice experte en accessibilité universelle

Comment dépasser les constats partagés et mitigés autour des effets produits, de ce qui a changé, de ce qui a stagné ? Comment entrer dans une nouvelle perspective d’une école pour tous ? Comment mettre en œuvre l’acte II de l’école inclusive ?
Il faudrait bien sûr interroger, bousculer le système actuel…
Il serait nécessaire de s’accorder sur un projet de société qui voudrait que son école soit équitable, qu’elle soit fondée sur la coopération plutôt que la compétition…
Il s’agirait d’une école qui s’éloignerait de la norme, d’une organisation en classes d’âge, en emplois du temps peu flexibles, qui mettrait en œuvre des modalités d’enseignement différentes, qui cesserait de donner le primat aux évaluations certificatives et revisiterait les contenus d’enseignement…
Tout cela sera long et repose sur des décisions politiques courageuses et éclairées. Pour autant, les initiatives des différents acteurs qui font évoluer à bas bruit les pratiques, travaillent à ce projet humaniste qui vise le développement du plein potentiel de chaque personne dans toutes ses dimensions et dans une altérité reconnue comme essentielle.
Vivre et apprendre ensemble, semblables et différents… Telle pourrait être la ligne directrice.
Alors quelles directions se donner dans nos établissements, auprès des équipes, dans les diocèses, au sein des réseaux congréganistes ?
- Tout d’abord faire revivre une animation pédagogique du quotidien, en faire le cœur du réacteur des établissements. Mobiliser de petites équipes qui développeront l’accessibilité pédagogique, en diminuant la personnalisation et la remédiation mais en cherchant les obstacles en amont et en proposant des aides pour tous. Pour cela, faire un état des lieux et valoriser les savoirs expérientiels accumulés depuis 2005 au travers des aménagements et des divers projets mis en place (PAP, PPRE et PPSseule présence des AESH1 ). Accompagner des temps d’analyse des activités proposées aux élèves et apprendre à concevoir des séances rendues accessibles pour tous. Promouvoir auprès des familles une politique « d’aménagements maison » pour tous avec des pratiques pédagogiques qui visent la participation de chacun au sein d’un collectif à géométrie variable.
- Il y a aussi à viser la transformation d’un collège « unique » en un collège pour tous où différents parcours seraient possibles et contribueraient à la construction de la personne pour une orientation choisie.
- Dans ce processus de développement de nos jeunes, les liens avec les possibles de l’insertion professionnelle sont à étoffer ; à construire parfois, à inscrire vraiment dans un travail d’accompagnement et de « sur mesure ».
- Dans le domaine de la formation, la question de l’accessibilité pédagogique doit devenir centrale. Il ne s’agit plus trop « d’enseigner » les dispositifs réglementaires mais de coconstruire des séances d’enseignement qui permettent à chacun de « participer » en proposant des aides. Les transformations actuelles de la Formation Initiale, bien que proposées dans l’urgence, permettront sans doute de s’emparer de cette question de l’accessibilité, de la recherche d’obstacles dans les dimensions pédagogiques et didactiques.
En formation continue, il s’agit d’accompagner un travail de terrain portant sur le cœur du métier dans l’analyse des consignes, des activités pédagogiques, des séances… Proposer à des enseignants volontaires des temps et des méthodologies d’analyse sur lesquelles ils pourront s’appuyer et contribueront à essaimer ces changements de vision auprès de leurs collègues. Des initiatives comme des « Résidences de formationseule présence des AESH2 » sont à explorer. - Enfin nous assistons déjà à une véritable transformation des appuis du médico-social. L’enseignement Catholique se doit d’être pro actif dans les territoires : connaître les ressources possibles ; au-delà des aspects institutionnels (importants certes) faire connaissance avec les personnes… Ne sommes-nous pas des promoteurs des personnes ? Oser construire des projets qui permettent aux jeunes de se rencontrer, de vivre des événements ensemble… L’acte II de l’école inclusive ne se fera que si nous sommes convaincus que tout jeune a sa place à l’école et que cela va demander d’inventer, d’articuler autrement ressources spécialisées et ressources ordinaires afin qu’elles soient toutes au service de l’école. Les EMASCO et les PAS vont dans ce sens. A nous de dépasser une vision campée sur la seule présence des AESH3, sur un cloisonnement entre les différents soins produisant des emplois du temps peu respectueux des jeunes et des familles. Osons d’autres relations avec les instituts médico-sociaux.
Finalement, rien ne pourra se faire sans une confiance accordée aux acteurs de terrain accompagnés, sans imaginer de nouvelles modalités de travail pédagogique, et d’organisations plus modulaires et flexibles.
Rien ne pourra se faire si nous ne cherchons pas à transformer les liens entre établissements scolaires et instituts spécialisés, entre écoles et monde du travail.
Ce défi d’une école pour tous demande de nouvelles audaces pour travailler à un projet d’une société fraternelle qui met en mouvement altérité, identité et diversités. Une belle dynamique pour aller vers l’essentiel, non ?
1 PAP : projet d’accompagnement personnalisé/ PPRE : programme personnalisé de réussite éducative/ PPS : projet personnalisé de scolarisation)
2 Sur le principe des « Résidences d’artistes » se crée un projet d’accompagnement régulier sur place et de co-construction des réponses : observations mutuelles analysées, auto confrontations…
3 EMASCO : Equipe mobile d’appui à la scolarisation/ PAS : Pole d’appui à la Scolarité/ AESH Accompagnant
Avril 2025
16 000 élèves en dispositif Ulis
Stéphane Gouraud
Adjoint au Secrétaire général

Depuis 2008, le plan pour les réussites éducatives permet à L’Enseignement catholique, par un mécanisme de redistribution interne volontariste des emplois, de prioriser l’ouverture aux élèves les plus vulnérables. Cela lui permet aujourd’hui d’accueillir 16 000 jeunes au sein de dispositifs inclusifs. Auxquels s’ajoutent de nombreux élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés en classe ordinaire ou bénéficiant d’accompagnements hors dispositifs mais sur mesure.
L’ADN évangélique de l’Enseignement catholique le tourne naturellement vers l’accueil de toutes les fragilités. La loi de 2005 a néanmoins fait office d’électrochoc : malgré les organisations innovantes inventées dans beaucoup d’endroits pour apporter des solutions aux jeunes en situation de handicap, l’enseignement catholique affiche un certain retard en termes de nombres de dispositifs créés.
C’est pourquoi en 2008, il a fait le choix de consacrer un budget spécifique à l’inclusion : il fallait s’assurer que certains postes soient réellement réservés à des dispositifs de grande qualité pour nos élèves à besoins éducatifs particuliers. Depuis, le plan pour les réussites éducatives lui permet, par un mécanisme de redistribution interne volontariste des enveloppes d’emplois, de prioriser l’ouverture aux élèves les plus vulnérables.
Aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir de cet engagement de nos prédécesseurs. Malgré toutes les vicissitudes des préparations de rentrée, en dépit des années de restrictions budgétaires, la commission PRE a étudié et validé plus de 1630 projets, attribuant 1780 postes sur des dispositifs variés qui accueillent plus de 16 000 élèves.
Grace à cette initiative, l’enseignement catholique a ouvert 550 Ulis en 15 ans. En septembre 2025, cet effort de solidarité nous permettra de proposer des dispositifs ULIS dans plus de 14% de nos établissements. Sans compter les nombreuses modalités d’accompagnement originales développées dans le réseau pour répondre à tous les besoins éducatifs particuliers.
Accueillir 16 000 élèves en situation de handicap, c’est bien. C’est aussi donner l’occasion à nombres d’autres jeunes de vivre avec eux, d’accepter leurs fragilités, de reconnaitre leurs besoins et de découvrir leurs richesses. Car au-delà des seuls dispositifs, c’est bien à son projet éducatif de fraternité que l’Enseignement catholique entend nourrir l’ensemble des jeunes qui lui sont confiés.
« J’étais exclu, et tu m’as accueilli… »
Librement adapté de Matthieu 25,31-46
Février 2025
Une dynamique collective pour construire ensemble une éducation toujours plus inclusive
Nathalie Tretiakow
Adjointe au Secrétaire général

L'année qui s'ouvre devant nous est une invitation à un voyage commun, un chemin que nous tracerons ensemble au service d'une ambition partagée : faire vivre et grandir l'éducation inclusive au sein de notre réseau. Loin d'être un simple concept, l'éducation inclusive est un engagement profond, une démarche qui s'enracine dans nos valeurs fondatrices d’ouverture à tous, d’attention à l’autre, de respect mutuel et de solidarité.
L'année qui s'ouvre devant nous est une invitation à un voyage commun, un chemin que nous tracerons ensemble au service d'une ambition partagée : faire vivre et grandir l'éducation inclusive au sein de notre réseau. Loin d'être un simple concept, l'éducation inclusive est un engagement profond, une démarche qui s'enracine dans nos valeurs fondatrices d’ouverture à tous, d’attention à l’autre, de respect mutuel et de solidarité.
Ce défi ne peut être relevé qu'en nous appuyant sur la force de notre collectif. Chaque diocèse, chaque établissement, chaque équipe éducative, chaque acteur de notre réseau est appelé à devenir un maillon essentiel de cette dynamique. C'est ensemble, dans l'échange de nos expériences, la mise en commun de nos pratiques et le partage de nos réflexions que nous pourrons répondre aux besoins de chaque élève, dans toute sa singularité.
L'éducation inclusive n'est pas une réponse uniforme, mais une richesse de chemins adaptés à la diversité des élèves. Elle exige une posture d’écoute, de la créativité pédagogique et un engagement renouvelé pour faire tomber les barrières visibles et invisibles.
Cette année, nous voulons encourager les initiatives locales, favoriser des espaces de dialogue, et soutenir des projets innovants qui illustrent concrètement ce que signifie accueillir chacun, sans exception. Nous prendrons également le temps d'entendre les questions, d'accueillir les réflexions et de travailler ensemble sur des chantiers d'exploration qui ouvriront de nouvelles perspectives.
Pour donner un cap commun à cette réflexion collective, cette première newsletter nous donne l’occasion de partager un texte élaboré par un groupe d’acteurs de l'éducation inclusive. Il rappelle les grands principes qui guident la dynamique inclusive de notre réseau et constitue un point d'appui pour orienter nos pratiques et renforcer notre cohésion.
Ce cheminement ne sera pas linéaire. Il sera fait de défis, de questions, parfois de doutes. Mais c'est dans ces moments-là que la dimension collective prend tout son sens. Car c'est ensemble que nous trouvons les ressources pour avancer, c'est ensemble que nous célébrons nos succès et que nous apprenons de nos expériences.
C'est grâce à l'énergie des acteurs engagés dans les diocèses, dans les établissements que nous réussissons tous les jours à répondre aux besoins de ceux qui en ont le plus besoin. Leur dévouement et leur engagement sont la preuve vivante que la force du collectif est notre plus grande richesse.
Que cette année soit placée sous le signe de la coopération, de l’entraide et de l'audace. Ensemble, faisons de l'éducation inclusive non seulement une priorité, mais une réalité tangible pour chaque élève que nous avons la joie d’accompagner.
Avec toute ma confiance et mon engagement,