Mis à jour le : 18 mars 2025 / Publié le : 18 mars 2025

Pays-Bas : le bonheur des élèves à la loupe

Au printemps 2024, plusieurs membres de l’ANCM (Association nationale des chargés de mission de l’Enseignement catholique) se sont rendus quatre jours à Leiden, aux Pays-Bas, pour un voyage d’étude sur l’épanouissement des élèves.

leiden

« Cela faisait cinq ans que nous travaillions la question de la qualité de la relation à l’École. Arrivés au bout de ce cycle de réflexion, nous avons interrogé nos adhérents sur leurs besoins, explique Julien Faure, président de l’ANCM (Association nationale des chargés de mission de l’Enseignement catholique). Parmi les champs qui sont ressortis, il y avait : améliorer le climat scolaire, renforcer le lien École/famille, développer les pratiques collaboratives et créer un environnement favorable aux apprentissages. » Décision est prise de creuser la question du bien-être à l’École. Pour cela, l’ANCM contacte Fabien Bacro, maître de conférences en psychologie du développement et responsable de la chaire « Prendre soin des enfants et des jeunes pour leur bien-être » à l’université de Nantes. Ensemble, ils décident d’explorer le système scolaire néerlandais, présenté par une enquête de l’Unicef de 2020 comme étant l’un des plus adaptés à l’épanouissement des jeunes. « Les élèves néerlandais seraient les plus heureux à l’école et ceux qui réussissent le mieux », souligne Christine Motteau, membre du CA. In-téressé par le sujet des relations élèves/enseignants, Fabien Bacro a connais-sance de travaux faits à Leiden, ville universitaire des Pays-Bas, menés par un chercheur néer-landais, Tim Mainhard, professeur en sciences de l’éducation égale-ment embarqué dans le projet. « Ce double regard extérieur de ces deux chercheurs était riche pour nous », appuie Julien Faure. À l’image des voyages d’étude déjà organisés par l’ANCM, l’idée d’allier réflexion collaborative et observations de terrain dans une mobilité à Leiden émerge. Et l’ANCM imagine un par-cours qui mêlera visites et échanges avec des enseignants et des élèves néerlandais.

Privilégier la santé affective

Pour financer ce projet de mobilité, l’ANCM dépose un dossier Erasmus+ couvrant en partie les frais du voyage et la venue d’une délégation néerlandaise en France. Un premier groupe composé de deux anciennes chargées de missions de l’ANCM part en éclaireur sur place pour préparer le voyage d’études, trouver les hébergements, rencontrer les établissements intéressants à découvrir… Puis c’est le départ ! Le 8 mars 2024, près d’une quarantaine de chargés de mission accompagnés de Fabien Bacro et Matthieu Buet, facilitateur en intelligence collective, se rendent à Leiden. Sur place, ils se répartissent en plusieurs groupes pour découvrir six écoles, collèges et lycées, ruraux et de centre-ville. Les quatre jours d’étude sur place ont alterné temps d’apports par les deux universitaires, découvertes et échanges dans les établissements avec des phases de réflexion en groupe pour partager leurs ressentis et leurs observations, sous l’animation de Matthieu Buet et Fabien Bacro. « On a pu assister à des cours, échanger avec des chefs d’établissement, les équipes éducatives, des élèves… », apprécie Florence Mirande, membre du CA. Tim Mainhard leur a également présenté le
contenu de ses recherches et dépeint le contexte néerlandais global : rapport à la sécurité, à la santé, état des lieux du harcèlement, de la prévention… Leurs découvertes ont été d’une grande richesse. Un élément marquant constaté rapidement, les Pays-Bas semblent privilégier d’abord la sécurité affective et émotionnelle. « On a pu réellement observer la qualité de cette relation enseignant/élève qui, chez eux, est travaillée dès le plus jeune âge », pointe Julien Faure. Cela se traduit, selon les participants, par « une capacité de l’enfant à discerner ses besoins, qui sont respectés par l’adulte, comme celui de s’isoler pour réaliser une activité. Ce qui renforce leur confiance en leurs ressentis ».

Des enseignants éducateurs

Cette qualité relationnelle se construit grâce au temps que les enseignants passent avec les élèves hors des cours. À titre d’exemple, dans le 2d degré, les enseignants doivent dispenser vingt-quatre heures de cours par semaine et consacrer six heures supplémentaires à d’autres activités avec les élèves (sport, jeux…). Dans les établissements visités, les professeurs sont aussi éducateurs et ils le sont pleinement à partir de 15 h, quand se terminent les cours. Autre spécificité : les enseignants néerlandais sont engagés directement par le chef d’établissement, qui peut donc les choisir sur leur motivation mais aussi cibler ses embauches selon les besoins du public qu’il accueille et du projet d’établissement, par exemple recruter un enseignant qui travaille particulièrement sur les compétences psychosociales.

Évaluation par les élèves et les familles

Par ailleurs, tous les trois ans, les élèves évaluent leurs enseignants et les familles évaluent l’établissement. Cela permet de revalider les budgets accordés par l’État mais aussi d’encourager les enseignants à donner le meilleur d’eux-mêmes. L’espace scolaire néerlandais facilite également la rencontre entre adultes et jeunes. Si les salles de classes sont traditionnelles, les autres espaces sont particulièrement ouverts. Élèves et adultes peuvent aller partout, les voies de circulation étant larges et agrémentées de fauteuils et de canapés pour favoriser les échanges entre eux ou avec les enseignants. La salle des professeurs est ouverte et le plus souvent vitrée, encourageant les élèves à y passer ou à oser interpeller un adulte. Et les jeunes ont une grande autonomie de déplacement. À Leiden, les chargés de mission de l’ANCM ont aussi remarqué que la prise en compte de la parole des élèves était essentielle. « Si un conflit entre élèves éclate, les jeunes ont suffisamment confiance dans les adultes pour aller se confier et l’équipe prend cela en charge rapidement. Il y a beaucoup de médiation », note Christèle de Kersauson, membre du CA. In fine, les participants au voyage ont trouvé intéressant d’observer et de confirmer sur place que la relation élèves/enseignants était plus fondamentale pour le bienêtre des jeunes que l’innovation pédagogique. « Nous n’avons rien observé d’extraordinaire sur ce plan-là, explique Vincent David, membre du CA. Les outils et manuels qu’utilisent les enseignants sont tout à fait basiques. C’est vraiment la relation adultes/jeunes qui est forte et déterminante dans l’implication des élèves dans les apprentissages, dans leur réussite et dans leur épanouissement. »

 

ET APRÈS ?

La quarantaine de membres de l’ANCM partis à Leiden pour observer le système scolaire néerlandais entendent bien
partager leur expérience à l’ensemble des chargés de mission. Avant le départ, tous les adhérents ont ainsi pu suivre
des webinaires, dont l’un avec le chercheur Fabien Bacro qui a présenté son champ de recherche. Après le retour de
Leiden, une plateforme numérique collaborative a été créée afi n que chaque adhérent y dépose une initiative ou une
réfl exion sur le sujet. De plus, quelques axes de réfl exion ciblés lors du voyage d’étude, tels que les compétences
psychosociales, la communication non violente et l’analyse transactionnelle ont pu être approfondis lors des traditionnelles « causeries » en visio proposées par l’ANCM. Enfi n, les échanges avec les enseignants et le chercheur néerlandais Tim Mainhard se poursuivront par l’accueil, le 25 mars prochain à Paris, d’une délégation néerlandaise qui observera à son tour plusieurs établissements français et participera à la journée associative de l’ANCM du 27 mars. Une occasion d’approfondir encore, avec l’ensemble des adhérents, la réfl exion autour du bien-être avec l’éclairage de Laurence de la Ferrière, conférencière spécialisée dans le bien-être et le développement personnel en milieu scolaire. Une démarche globale toujours au service des directions diocésaines.

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