Médiations sous tension

Dévoilé le 17 juillet dernier, le rapport 2023 de la médiatrice de l’Éducation nationale fait état d'une hausse des saisines et s’inquiète de l’émergence d’une « culture du rapport de force » des familles vis-à-vis de l’École ainsi que d’une souffrance grandissante des personnels.

Noémie Fossey-Sergent

Son titre dit déjà tout de la crise qui traverse l’École. Intitulé « Faire alliance, redonner confiance », le rapport 2023 de Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice de l’Éducation nationale, rendu public le 17 juillet dernier et téléchargeable sur education.gouv.fr, témoigne d’une crispation de plus en plus forte au sein de l’institution. Les saisines sont en hausse : 12 % de plus qu’en 2022. Le dispositif créé́ en 1998 qui permet aux élèves, parents et personnels de demander une médiation en cas de désaccord avec une décision ou de conflit avec un service de l’administration ou entre membres de la communauté éducative, est certes mieux connu mais les conflits dans les établissements augmentent. Les saisines émanent en majorité des usagers (élèves et parents) dans le 2d degré et portent d’abord sur la vie scolaire, puis sur l’inscription et l’orientation, les examens et enfin les questions financières et sociales.

 

Les personnels plus vulnérables

Dans cette photographie des maux qui parcourent l’École, il ressort de l’analyse des saisines reçues par les 87 médiateurs du réseau, une « recrudescence des comportements agressifs et des situations d’affrontement, non seulement entre élèves, mais aussi envers les personnels, de la part des élèves ou de leurs familles, phénomène que l’usage des réseaux sociaux contribue fortement à amplifier ». Les conflits entre les élèves ou les familles et l’École sont relationnels (21 % des saisines de ce domaine). Ils ont aussi trait à des contestations de mesures et sanctions disciplinaires, au fonctionnement de l’établissement, à des situations de harcèlement, ou encore à des contestations sur l’évaluation ou la notation. Des tensions qui génèrent une dégradation du climat scolaire et une fragilisation notamment des enseignants, qui se sentent malmenés, leurs méthodes pédagogiques et leurs cours étant davantage critiqués. De plus, le contenu des enseignements transversaux (éducation à la citoyenneté, à la sexualité, aux médias…) est particulièrement scruté par les familles.

Les difficultés liées à la mise en place de l’École inclusive ajoutent également des tensions, observe la médiatrice : « Les personnels font face à des dilemmes pédagogiques pour concilier la progression collective de leur classe et l’accompagnement individualisé que nécessitent certains élèves à besoins éducatifs particuliers. »

Enseignants et AESH se sentent parfois impuissants face à des comportements d’élèves déstabilisants, voire violents, et la véhémence des familles qui souhaitent faire respecter les droits de leurs enfants.

Autre sujet mis en avant par le rapport : la montée des contestations liées aux notes et aux inscriptions à des examens. « Elles mettent en évidence les difficultés rencontrées par de nombreuses familles pour comprendre une réglementation souvent complexe. Elles peinent, notamment, à s’approprier le fonctionnement du baccalauréat depuis la réforme de 2021 », analyse le rapport.

Quant aux saisines des personnels, plus rares, elles portent davantage sur les questions financières (rémunérations, retards de paiement) ou de carrière.

 

Quelques chiffres

  • 20 400 saisines traitées en 2023.
  • 80 % sont des réclamations, 20 % des demandes d’informations ou de conseils.
  • 77 % émanent d’élèves et de parents, 23 % des personnels.
  • 5 % seulement émanent de l’enseignement privé sous contrat.
  • 85 % d’entre elles sont clôturées en moins de deux mois.

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