Les Bretons ont cogité sur leur avenir

Le 21 février dernier, jour de rentrée des vacances d’hiver pour les Bretons, près de 180 acteurs de l’Enseignement catholique venus des diocèses des Côtes-d’Armor, du Finistère, d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan se sont réunis à Vannes pour leur rencontre prospective régionale.

Noémie Fossey-Sergent

« La Prospective, ce n’est pas de la divination, c’est avant tout une démarche, un mouvement qui nous appartient. Il nous revient, aujourd’hui (…) de discerner ce qui compte vraiment et de mettre en place les conditions pour que l’avenir soit porteur de ces intuitions. » C’est par ces mots mobilisateurs que Stéphane Gouraud, directeur diocésain du Morbihan, a ouvert la rencontre prospective de Bretagne, le 21 février dernier, au Palais des arts de Vannes (56). Il était accompagné de Françoise Gautier, Patrick Lamour et Michel Pellé, ses homologues des Côtes-d’Armor, du Finistère et d’Ille-et-Vilaine.

Après un rappel des chiffres clés du territoire (42 % des élèves bretons sont scolarisés dans les établissements catholiques, soit 250 000 élèves, dans 1 100 établissements) et des spécificités de l’enseignement catholique breton : son ancrage historique, la petite taille d’un tiers de ses écoles, avec moins de trois classes, sa forte mixité sociale et scolaire… et quelques mots d’introduction de Philippe Delorme, les 180 chargés de mission, chefs d’établissement, responsables de CFA, enseignants, personnels Ogec, lycéens, étudiants en Isfec, formateurs, parents d’élèves, bénévoles… ont commencé à plancher, guidés par l’équipe de Codesign-it.

 

Le temps du diagnostic

Première étape, essentielle pour entamer une démarche prospective efficace, comme l’a rappelé Pierre Marsollier, délégué général aux relations politiques : celle du diagnostic. Les participants ont donc d’abord cherché à vérifier et enrichir quatorze priorités identifiées nationalement. À l’une des deux tables « Fragilité du modèle économique », ont été évoqués la diversité des situations financières des écoles selon les communes face aux montant des forfaits et les soucis de vétusté des locaux. Virginie Thébaud, parent d’élève, a pointé le manque de vision à long terme sur le plan des investissements immobiliers. « Ce n’est pas à deux ou cinq ans qu’il faut réfléchir quand on construit ou rénove des établissements pour accueillir les élèves, mais à dix, trente, voire cinquante ans. » Mais cela n’est pas toujours possible, a nuancé un membre de l’Udogec Morbihan : « Un prévisionnel au-delà de deux ans est compliqué pour un Ogec, car il faut anticiper les naissances… » L’importance de la qualité de relation avec les élus locaux, et de l’explicitation du sens des contributions auprès des familles ont été également évoqués par les participants.

 

Identifier les leviers

Après avoir échangé en passant de table en table sur les diagnostics de différentes thématiques, les acteurs ont été invités à entrer dans une deuxième phase de la réflexion : celle de définir des politiques structurantes. Sans anticiper sur les solutions, il s’agissait là de repérer les axes stratégiques qui permettraient de répondre à une problématique identifiée. Autour de la table « Développer la liberté et l’excellence pédagogique pour tous », la question du projet d’établissement comme levier « pour favoriser les initiatives » a été soulignée. Mais également la taille de l’établissement, qui influerait sur les marges de libertés laissées à l’enseignant, la personnalité de l’enseignant lui-même, les formations à sa disposition pour enrichir sa créativité, le soutien du chef d’établissement…. Mais aussi l’espace de liberté que se donne le professeur. « Souvent, on se fixe un cadre plus restreint que celui auquel on a droit, a fait remarquer Boris Genty, enseignant en établissement agricole. On demande un terrain plus grand alors qu’on n’a pas encore exploité tout l’espace. »

Autre table, autre sujet. Sur le thème « Adapter et déployer une offre éducative actualisée », Emmanuel Ferron, directeur adjoint en lycée, a suggéré d’agir sur le Plan d’évolution des formations (PEF) pour éviter les doublons de formations dans un même secteur, favoriser les mutualisations entre lycées (pour se partager l’offre de spécialités au bac par exemple), penser des lycées polyvalents… « Il faut créer une cohérence de réseau et penser complémentarité plutôt que concurrence », a-t-il résumé.

Anne-Marie Briand-Le Ster,
adjointe au directeur diocésain du Finistère

« Cette journée a été régénérante. On y a parlé pédagogie, économie, maillage géographique… Tous les aspects de la mission étaient convoqués et ont pu être discutés par une diversité de participants. C’est important de trouver des leviers pour être dans l’espérance et pas seulement dans la désolation, notamment face à la baisse démographique. Notre projet est porteur. »

 

Emma Lebreton et Lisa Martin,
lycéennes en terminale à Lamballe

« Cette journée nous a permis de mieux découvrir qui était derrière l’entité Enseignement catholique. On a réalisé qu’il y a beaucoup de choses, d’enjeux à gérer pour les profs, les chefs d’établissement... »

 

Thomas Enfrin,
chargé de mission à la direction diocésaine d’Ille-et-Vilaine

« Mon attente, en participant à cette journée, était d’y voir plus clair sur la suite de nos actions communes, de réfléchir ensemble à une réponse aux enjeux actuels. J’ai été heureux de voir que l’esprit de Vittel souffle toujours. Ce genre de rencontre permet aux acteurs de l’Enseignement catholique de faire corps, de se remobiliser. Cela donne envie de continuer à porter encore plus loin notre projet. Car parfois on a des doutes, on s’interroge sur pourquoi on fait les choses et pourquoi ici. Je repars avec l’envie de mettre en œuvre concrètement les paroles que nous avons échangées. »

 

Stéphane Gouraud,
directeur diocésain du Morbihan

« L’avenir de l’enseignement catholique en France, en Bretagne, qui est mieux placé que nous pour décider de ce qu’il sera ?  C’est à nous de savoir ce que nous voulons pour demain, et c’est nous (et nos successeurs) qui y contribuerons. »

Les pistes d’actions concrètes

L’après-midi, les participants ont proposé des actions concrètes afin de mettre en œuvre quatre axes structurants. En voici le résumé :

 

Pour développer la liberté et l’excellence pédagogique et éducative pour tous :

  • Mieux utiliser les marges de créativité (avec un soutien explicite du chef d’établissement, plus de collaboration, de partages d’expériences, un recensement de tout ce qui est à la portée de l’enseignant pour innover, et en s’inspirant de la créativité des élèves qui poussent souvent l’enseignant à être à son tour créatif).
  • Mettre l’accent sur les pédagogies orientées sur la confiance en soi des élèves.
  • Penser des organisations pédagogiques qui permettent le déploiement de cette créativité (avec des temps dédiés dans les emplois du temps pour travailler ensemble, par exemple).

 

Pour affermir et mieux faire connaître notre projet : 

  • En plus des formations professionnalisantes et d’entrée en responsabilité, proposer une formation d’intégration à l’Enseignement catholique.
  • Associer le plus possible les jeunes à la vie de l’établissement, et faire plus avec eux que pour eux.
  • Oser une approche marketing pour faire connaître notre valeur ajoutée, déconstruire les préjugés qui pèsent sur l’Enseignement catholique.


Pour adapter et déployer une offre éducative actualisée :

  • Permettre à l’élève de construire son parcours de formation dans le réseau (à noter déjà l’initiative de la direction diocésaine d’Ille-et-Vilaine d’inviter les enseignants de collège dans les lycées pro, CFA… du bassin, afin qu’ils connaissent mieux les parcours d’orientation possibles pour leurs élèves).
  • Favoriser une meilleure coordination entre établissements pour faciliter ce parcours et proposer une offre complète à l’élève.
  • Créer des campus de formation avec un regroupement de niveau et de filières.

 

Pour renouveler le modèle économique :

  • Envisager de nouveaux partenariats.
  • Recenser les sources de financement possibles pour mener des actions sans surcoût pour l’établissement (dispositif Erasmus +, financement participatif…).
  • Prendre toutes les dispositions utiles pour éviter une sélection par l’argent (former les chefs d’établissement et les Ogec à la négociation du calcul du forfait aux communes, créer une caisse d’aide nationale pour une solidarité sur les contributions des familles (chaque établissement renverrait 1 % de ses contributions familiales annuelles au national pour aider certains établissements).
  • Mieux communiquer sur notre politique budgétaire au service du projet éducatif (courrier aux familles explicitant les choix budgétaires, effort de transparence).

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