L’islam, en crise d’identité

Alors que la menace terroriste exacerbe les replis communautaristes et livre une représentation de l’islam inquiétante, l’université catholique de Lyon propose un cursus sur la culture musulmane et la laïcité à la française, suivi à la fois par des imams et des agents de la fonction publique. L’islamologue Michel Younès qui dirige le Centre d’études des cultures et des religions de l’UCLy engage l’Ecole catholique à accueillir les élèves musulmans tout en restant vigilante aux éventuelles revendications identitaires.

 

Propos recueillis par Virginie Leray

L’islamologue Michel Younès qui dirige le Centre d’études des cultures et des religions de l’UCLy.
L’islamologue Michel Younès qui dirige le Centre d’études des cultures et des religions de l’UCLy.

Pourquoi l’islam questionne-t-il autant l’École catholique ?

L’islam provoque des réactions contrastées dans l’ensemble de la société française, liées à sa visibilité nouvelle, notamment dans l’École catholique où des musulmans viennent chercher une alternative à une société qu’ils jugent trop sécularisée.

D’autre part, la simplicité apparente de la foi musulmane masque une réalité éminemment plurielle, en termes d’appartenances culturelles, de formes d’organisation, mais aussi de pratiques, de doctrines et d’interprétations. Cette pluralité exprime une crise d’identité qui vient interroger notre propre identité.

Pouvez-vous nous décrire cette crise ?

Ce n’est qu’en 1924 que le califat islamique disparaît brutalement au profit d’États-nations qui s’affirment sur fond de décolonisation, parallèlement à une tentative de réforme religieuse avortée. Cela explique la perméabilité de l’islam aux tensions géopolitiques actuelles et la montée d’un fondamentalisme mondialisé. En France, l’épreuve de l’immigration complique encore la donne. La violence de la confrontation à une société sécularisée est aggravée par un sentiment de rejet supposé ou réel. Lorsque des enfants se retrouvent à soutenir des parents mis en difficulté par la barrière de la langue, une crise de la transmission entre générations se surajoute. Tout cela peut amener des revendications identitaires et des formes de fondamentalismes qui s’expriment par une croyance fermée, absolutisée, univoque et dissociée du culturel.

Que conseillez-vous aux chefs d’établissement qui s’interrogent ?

Je préconise un accueil qui désamorce le sentiment de rejet mais qui reste vigilant et ferme face aux revendications identitaires. Cela implique une attitude enracinée dans sa propre foi et une bonne connaissance de l’islam permettant de repérer et de questionner toute tentative d’absolutiser le dogme. L’École catholique peut, en outre, profiter de la présence de musulmans pour se questionner sur la place de l’appartenance communautaire, celle de la prière ou encore sur le degré de sécularisation de ses établissements. La vocation de l’École catholique, c’est d’œuvrer pour que, comme le christianisme, l’islam puisse se conjuguer au pluriel. Il s’agit donc d’éduquer à concevoir l’altérité, non pas comme une menace, mais comme un vecteur de relation.

eca-actualites-religions-enseignement-catholiqueCette Interview est tirée d’un hors-série d’ECA paru en mai 2016 qui fait le point sur le dialogue interreligieux et interculturel qui se vit dans les établissements. Reportages, analyses, commentaires de textes du magistère et interviews de chercheurs y brossent le paysage d’un enseignement catholique ouvert à l’autre, par vocation.

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